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En changeant d'état fans le favoir, l'infortuné jeune homme a changé de nom fans le vouloir: il s'eft élevé fous celui de Figaro : il a vécu. Sa mere est cette Marceline, devenue vieille & Gouvernante chez le Docteur, que l'affreux horoscope de fon fils a confolé de fa perte. Mais aujourd'hui tout s'accomplit,

En faignant Marceline au pied, comme on le voit dans ma Pièce, ou plutôt comme on ne l'y voit pas, Figaro remplit le premier Vers.

Après avoir verfé le fang dont il eft né,

Quand il étrille innocemment le Docteur, après la toile tombée, il accomplit le fecond Vers.

Ton Fils affommera fon Pere infortuné:

A l'inftant la plus touchante reconnoiffance a lieu entre le Médecin, la Vieille & Figaro: c'eft vous ! c'est lui! c'eft toi! c'eft moi! Quel coup de Théâtre! Mais le fils au défefpoir de fon innocente vivacité, fond en larmes, & fe donne un coup de razoir felon le fens du troifième Vers.

Puis tournant fur lui-même & le fer & le crime,
Il se frappe & .

Quel tableau ! En n'expliquant point fi ; du razoir, il se coupe la gorge ou feulement le poil du vifage, on voit que j'avois le choix de finir ma Pièce au plus grand pathétique. Enfin le Docteur épouse la Vieille; & Figaro, fuivant la dernière leçon....

Devient heureux & légitime

Quel dénoûment ! Il ne m'en eût coûté qu'un fixième Acte. Eh quel fixième Acte! Jamais Tragédie au Théâtre François . . . . Il fuffit. Reprenons ma Pièce en l'état où elle a été jouée & critiquée. Lorsqu'on me reproche avec aigreur ce que j'ai fait; ce n'est pas l'inftant de louer ce que j'aurois pu faire.

La Pièce eft invraifemblable dans fa conduite, a dit encore le Journaliste établi dans Bouillon avec. Approbation & Privilége.

-Invraisemblable? Examinons cela par plaifir.

Son Excellence M. le Comte Almaviva, dont j'ai, depuis long-temps, l'honneur d'être ami particulier, eft un jeune Seigneur, ou pour mieux dire, étoit, car l'âge & les grands emplois en ont fait depuis un homme fort grave, ainfi que je le fuis devenu

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peine, je n'ai plus même la reffource du bâton de Jacob; plus d'efcamotage, de tricherie, de coquetterie, d'inflexions de voix, d'illufion théâtrale, rien. C'eft ma vertu toute nue que vous allez juger.

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Ne trouvez donc pas étrange, Monfieur, fi; mefurant mon ftyle à ma fituation, je ne fais pas comme ces Écrivains qui fe donnent le ton de vous appeler négligemment, Lecteur, ami Lecteur, cher Lecteur, benin ou Benoist Lecteur, ou de telle autre dénomination cavalière, je dirois même indécente, par laquelle ces imprudens effaient de fe mettre au pair avec leur Juge, & qui ne fait bien fouvent que leur en attirer l'animadverfion. J'ai toujours vu que les airs ne féduifoient perfonne, & que le ton modeste d'un Auteur pouvoit feul infpirer un peu d'indulgence à fon fier Lecteur.

Eh! quel Écrivain en eut jamais plus befoin que moi! Je voudrois le cacher en vain: j'eus la foiblesse autrefois, Monfieur, de vous préfenter, en différens temps, deux triftes Drames; productions monftrueuses, comme on fait ! car entre la Tragédie & la Comédie, on n'ignore plus qu'il n'exifte rien; c'est un point décidé, le Maître l'a dit, l'École en retentit, & pour moi j'en fuis tellement convaincu, que, fi je voulois aujourd'hui mettre au Théâtre une mere éplorée, une épouse trahie, une fœur

éperdue, un fils deshérité; pour les préfenter décemment au Public, je commencerois je commencerois par leur fuppofer un beau Royaume où ils auroient régné de leur mieux, vers l'un des Archipels, ou dans tel autre coin du monde : certain après cela, que l'invraisemblance du Roman, l'énormité des faits, l'enflure des caractères, le gigantefque des idées, & la boufiffure du langage, loin de m'être imputés à reproche, affureroient encore mon fuccès.

Préfenter des hommes d'une condition moyenne accablés & dans le malheur! Fi donc! On ne doit jamais les montrer que baffoués. Les Citoyens ridicules, & les Rois malheureux; voilà tout le Théâtre exiftant & poffible; & je me le tiens pour dit; c'eft fait; je ne veux plus quereller avec perfonne.

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J'ai donc eu la foibleffe autrefois, Monfieur, de faire des Drames qui n'étoient pas du bon genre; & je m'en repens beaucoup.

Preffé depuis par les évènemens, j'ai hafardé de malheureux Mémoires, que mes ennemis n'ont pas trouvé du bon ftyle; & j'en ai le remords cruel.

Aujourd'hui je fais gliffer fous vos yeux une Comédie fort gaie, que certains Maîtres de goût

n'eftiment pas du bon ton ; & je ne m'en confole point.

Peut-être un jour oferai-je affliger votre oreille d'un Opéra, dont les jeunes gens d'autrefois diront que la musique n'eft pas du bon françois ; & j'en fuis tout honteux d'avance.

Ainfi de fautes en pardons, & d'erreurs en excuses, je pafferai ma vie à mériter votre indulgence, par la bonne-foi naïve avec laquelle je reconnoîtrai les unes en vous préfentant les autres.

Quant au Barbier de Séville; ce n'eft pas pour corrompre votre jugement que je prends ici le ton respectueux: mais on m'a fort affuré que, lorfqu'un' Auteur étoit forti, quoiqu'échiné, vainqueur au Théâtre, il ne lui manquoit plus que d'être agréé par vous, Monfieur, & lacéré dans quelques Journaux, pour avoir obtenu tous les lauriers littéraires. Ma gloire eft donc certaine, fi vous daignez m'accorder le laurier de votre agrément; perfuadé que plufieurs de Meffieurs les Journalistes ne me refuseront pas celui de leur dénigrement.

Déja l'un d'eux, établi dans Bouillon avec Approbation & Privilége, m'a fait l'honneur encyclopédique

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