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dogme. Cette restauration des études juridiques et philologiques, qui se produisit au XII et au XIe siècles, dans les universités, atteignit son apogée au xv et a reçu le nom de « Renaissance ».

La dernière impulsion fut donnée par les grandes découvertes de l'imprimerie et de la navigation. Au XIV et au xv siècles les Croisades avaient frayé le chemin de l'Orient : Vénitiens, Gênois, Provençaux, Portugais s'y précipitèrent à l'envi, en quête de terres nouvelles et de richesses inexplorées. La série des grands voyageurs, qui s'ouvre avec Marco-Polo et se continue par les missionnaires, Du Plan Carpin et Rubruquis, aboutit à la découverte du Nouveau-Monde par Christophe-Colomb. D'autre part, l'invention de Gutenberg accéléra le mouvement de réforme évangélique. Les premiers ouvrages imprimés il ne faut pas l'oublier furent la Bible et les œuvres des Pères de l'Église. Par là, s'accusa encore davantage le contraste, j'allais dire la contradiction entre le catholicisme des Apôtres et celui de Rome; par là les âmes, altérées de consolation et d'idéal, furent mises en mesure d'étancher leur soif aux sources de la piété apostolique.

Aux universités revient l'honneur de s'être faites les premiers organes de la conscience indépendante. C'est d'elles que sont issus tous les grands précurseurs. L'Université de Paris a fourni Pierre d'Ailly et Nicolas de Clamengis, Mathieu de Janov et Lefèvre d'Étaples; John Wiclif et ses premiers collaborateurs, les « pauvres prêtres », s'étaient formés à Oxford; Prague, enfin, a donné Milicz de Kromriz, Jean Huss, et son fidèle disciple Jérôme. Or ces trois « Studia generalia» ne sont pas des cas particuliers; mais toutes les universités, toutes les écoles latines ont été des foyers de libre recherche et, par suite, de critique des dogmes et des pratiques abusives de l'Église. Sans les écoles des Frères de la Vie commune, on ne comprend pas plus Wessel Gansefort et l'auteur de la Theologia germanica qu'on ne comprend

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Wiclif sans Oxford, ni Luther sans Erfurt; et comment en aurait-il pu être autrement?

Les universités, quelques efforts qu'on ait fait depuis quelques années pour prouver cette thèse, n'ont pas toutes été des créations des papes, des institutions cléricales, filles dociles de l'Église romaine. Ce qui est vrai, c'est que l'attitude du Saint-Siège vis-à-vis des études profanes a beaucoup varié d'âge en âge. Au vr° siècle, les papes furent hostiles aux arts libéraux. Grégoire Ier le Grand réprimande un évêque pour avoir permis d'enseigner la grammaire, car, dit-il, « le nom de Jupiter ne doit pas se trouver dans une bouche accoutumée à prononcer celui de Jésus-Christ », et plus tard, Grégoire VI interdit au roi de Bohême de laisser traduire les Écritures en langue vulgaire, « de peur que les saintes vérités ne fussent profanées ». Au XII° siècle, la papauté, moins inquiète de voir une puissance rivale lui disputer la domination des âmes, ou gagnée par le mouvement de renaissance, change d'attitude; Honorius III dépose un évêque, parce qu'il ne savait pas son Donat, c'est-à-dire sa grammaire latine (1227); Innocent III octroie des privilèges à l'Université de Paris; Nicolas V, à celle de Glasgow et Clément V, avec l'approbation du Concile de Vienne (1451), crée deux chaires l'une d'hébreu, l'autre de grec, dans celles de Rome, Paris, Bologne, Oxford et Salamanque.

Mais ce ne sont là que des exceptions, ce n'est pas Rome, l'incarnation de l'esprit de domination cléricale, qui eût créé des universités nationales. Celles-ci sont nées de la même cause qui a produit les communes autonomes et les royautés nationales. Elles sont filles de l'esprit humain affranchi et en quête de lumières. Les plus anciennes furent produites par le contact entre les écoles municipales romaines et la science gréco-arabe. De là vient qu'elles naquirent d'abord dans le midi de l'Europe : à Salerne et à Naples, à Bologne et à Salamanque, à Montpellier et à Toulouse; Paris fit exception.

Ainsi la réformation de l'Église n'a pas éclaté tout à coup au xvr° siècle, comme une éruption volcanique, elle a eu des antécédents très lointains1. Bien longtemps avant Luther, Zwingle et Calvin, des hommes, clercs ou laïques se sont levés, pour protester au nom de l'Évangile et de leur conscience, contre les déformations de la discipline et du dogme.

Nous voudrions esquisser les figures de ces hardis initiateurs qui furent, dans cet âge d'ignorance, de superstition et de fanatisme, les témoins libres et courageux de la vérité et de la conscience religieuses.

Et comme, d'ailleurs, les précurseurs anglo-saxons ou slaves de la réforme, les Wiclif et les Jean Hus, les Gérard de Groote et les Wessel Gansefort ont déjà fait l'objet de nombreux travaux, nous nous bornerons à étudier les champions de race latine: Français, Italiens et Espagnols, qu'on a en général laissés dans l'ombre et qui, pourtant, ont aussi bien mérité de la réforme religieuse. Nous suivrons ce mouvement d'émancipation de siècle en siècle.

Au xII° siècle, époque d'affranchissement du peuple et de la philosophie, l'idéal poursuivi par les partisans d'une réforme dans l'Église, c'est la vie morale la plus austère, la piété la plus intime, l'union la plus immédiate avec Dieu et, pour cela, tous sont d'accord pour réagir contre la mondanisation du clergé régulier ou séculier qu'avait produite le régime féodal, pour réclamer le retour à la simplicité du culte, à la pauvreté des mœurs apostoliques. Ils ne diffèrent que sur le degré de profondeur dans la correction des abus et sur la liberté plus ou moins grande de la prédication de l'Évangile au peuple. C'est le siècle qui s'ouvre avec saint Bernard et Abélard, se continue avec Arnauld de Brescia et Valdo et se clôt avec François d'Assise.

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1. Voir le remarquable ouvrage de M. Félix Rocquain, la Cour de Rome et l'esprit de réforme avant Luther; Paris, 1893, 3 vol. 8°; H. Taine, Littérature anglaise, I, p. 157; II, p. 291.

Au XII° siècle et jusqu'à 1350, nous verrons se dérouler les obscures, mais actives cohortes des disciples de saint François et de Pierre Valdo: les Frères Mineurs de la Stricte Observance et les Fraticelles d'une part, qui développent la tendance poétique et mystique de l'auteur du Cantique au soleil, et de l'autre, les Vaudois qui s'en vont porter jusqu'aux extrémités de l'Europe leurs versions de la Bible et des Pères en langue vulgaire et leurs poèmes religieux en langue romane. L'Espagne prend part au mouvement avec Arnauld de Villanova et Pedro de Lugo; la France voit la prédication en langue vulgaire prendre son essor. Mais c'est l'Italie qui, vers la fin de cette époque, présente les champions les plus brillants de la Réforme Jean Borelli (de Parme) et Pétrarque, Dante et Marsiglio de Padoue. Ces derniers reprenant l'idée de la souveraineté du peuple, déjà aperçue par Arnauld de Brescia, signalent les maux produits par le cumul du pouvoir temporel et spirituel des papes et réclament leur séparation.

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Avec le xv° siècle s'ouvre l'ère des conciles généraux de Pise, de Constance et de Bâle, qui tentèrent la réformation constitutionnelle de l'Église « dans son chef et dans ses membres », mais sans y réussir. La France y sera représentée par Pierre d'Ally (m. en 1420) et Charlier de Gerson (m. en 1480), qui sont les plus grandes figures de l'Église catholique à cette époque. Cependant, les Espagnols Ximénès, Vincent Ferrero (m. en 1415), Pedro de Osma (m. en 1481) essaient, le premier, par voie d'autorité, le second par la prédication, et l'autre par la théologie mystique d'améliorer la vie religieuse. En Italie, Baptiste de Mantoue, Laurent Valla et Jérôme Savonarole, travaillent, à leur manière, à la réforme morale et sociale de la chrétienté. Avec ce dernier nous voilà arrivé au seuil du xvI° siècle, qui marque le terme de cet ouvrage.

LIVRE I

LES PRÉCURSEURS DU XII SIÈCLE

TABLEAU DE L'ÉPOQUE

Il est d'usage de réserver le nom de « Renaissance » à l'époque, où l'esprit humain se remit avec ardeur à étudier les œuvres d'art de l'antiquité et les monuments de la littérature gréco-latine. Le xve siècle, en effet, à la suite de l'émigration en masse des savants grecs en Italie, vit se produire un véritable épanouissement des lettres, des arts et des sciences. Mais, si légitime que soit l'admiration que nous inspire cette époque, elle ne doit pas nous rendre injuste pour les siècles précédents. Il faut se garder de représenter la Renaissance comme un jour brillant qui se serait levé après une nuit de cinq siècles. Ce jour a eu son aurore, qui parut au XIIe siècle.

Parlons sans images: le XII a été, lui aussi, une époque de renouveau pour l'esprit humain, engourdi depuis Charlemagne par la lutte contre les Barbares, par les guerres féodales incessantes et par les terreurs de l'an mil. Deux causes le produisirent : les croisades et l'affranchissement des communes.

Les croisades, en rapprochant toutes les nations chrétiennes de l'Europe dans une commune action pour défendre les pèlerins d'Orient et reconquérir sur les musulmans le tombeau du Christ, renversèrent bien des barrières qui

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