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XIII° siècle dans toute l'Italie, elles y jouèrent non seulement le rôle d'un ferment moral, mais encore contribuèrent, en rapprochant les classes dans une même œuvre de piété, de paix et de charité, au progrès des libertés dans les républiques italiennes. C'est ainsi que le véritable esprit chrétien est le meilleur auxiliaire d'une saine démocratie.

Le caractère de François d'Assise, à la fois plein de déférence pour les autorités établies et d'indépendance visà-vis de certaines traditions romaines, se révèle dans son Testament, mieux que dans les Règles de 1221 et 1223, qui furent plus ou moins modifiées par le cardinal Ugolin. D'une part, il écrit: « Le Seigneur me donna et me « donne une si grande foi aux prêtres, qui vivent suivant « la forme de l'Église romaine, à cause de leur dignité sa«< cerdotale que, même s'ils me persécutaient, je veux avoir « recours à eux. Et quand même j'aurais toute la sagesse « de Salomon, je ne veux prêcher dans leurs paroisses <«< qu'avec leur assentiment. Je veux les respecter, les << aimer et honorer, comme mon Seigneur, considérant « en eux non pas leurs péchés, mais l'image du Fils de « Dieu, dont ils reproduisent (dans le sacrifice de la Messe) le très saint corps et le sang précieux. »

Et, de l'autre, voici la règle qu'il impose à ses disciples:

« J'interdis absolument, par obéissance, à tous les « Frères en quelque endroit qu'ils soient, de demander << aucune bulle en Cour de Rome, soit directement, soit <«< indirectement, sous prétexte d'église, couvent, prédi«cation. Que les Frères aient grand soin de ne recevoir «<les églises, habitations et tout ce que l'on construira « pour eux, que si cela est conforme à la sainte pau«< vreté, dont nous avons fait vou et qu'ils n'y reçoivent l'hospitalité que comme étrangers et voyageurs. « Nous aimions à demeurer dans les églises pauvres « et abandonnées, et nous étions ignorants et soumis à

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«tous. Je travaillais de mes mains et veux continuer. « Je veux aussi que tous les autres Frères travaillent à quelque métier honorable. Que ceux qui n'en ont point «en apprennent, non pas en vue du salaire de leur tra<«< vail, mais pour fuir l'oisiveté. Et si l'on ne nous donne « pas le prix de notre travail, ayons recours à la table « du Seigneur, en demandant l'aumône de porte en (( porte. >>

Ainsi, dans la pensée du fondateur de l'ordre des Mineurs, le travail était ordonné comme moyen régulier de pourvoir à l'existence et la mendicité n'était admise que comme expédient, en cas de disette. Saint François n'a donc pas plus tenté de bouleverser les conditions économiques de la société, qu'il n'a voulu réformer l'Église, en renversant les autorités hiérarchiques. Il procède à la manière de Jésus de Nazareth, par voie d'exemple, plutôt que par des censures. Intransigeant sur son principe de la pauvreté, il se borne à mettre sous les yeux du Pape, des évêques et des abbés de son temps, l'idéal chrétien des Apôtres, et aux prédications de la Croisade il oppose le Sermon sur la montagne.

M. E. Gebhart a bien rendu ce trait distinctif de la réforme de saint François : « L'Église franciscaine, dit-il, «tient étroitement à l'Église de Rome par l'intégrité du

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symbole de sa foi, la nécessité des sacrements, l'au«<torité du Pape et des évêques, que saint François recon<< nait solennellement, non sans quelques réserves... Le plus grand nombre des Franciscains n'a point pris les degrés supérieurs de la cléricature, le fondateur ne << fut que simple diacre; tous, cependant, ils remplirent l'of«fice apostolique par excellence de la prédication... Par « l'amour et la pitié, François ramenait l'Italie au pacte évangélique. Sans théologie, ni scolastique, il restaurait <«<le christianisme primitif, il rajeunissait l'Église sans «<luttes, ni hérésies. A la place de l'Église, c'est Jésus qu'il offre directement aux consciences. Le vrai média

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teur, selon lui, c'est Jésus qui a voulu souffrir et mou«rir pour la famille d'Adam, afin d'en payer la dette, il «< est le vrai prêtre, « episcopus animarum nostrarum »,

et François ajoute, d'après Jésus-Christ : « Vous êtes « tous frères, n'appelez donc personne sur la terre Père, «< car vous n'avez qu'un seul maître, celui qui est aux «< cieux. »

Et l'écrivain catholique fait remarquer avec raison que « le rôle du prêtre diminue, du moment que le fidèle com«<munie spontanément avec Dieu; celui des saints perd << sa raison d'être, puisque le Fils présente librement ses << souffrances et ses vœux à son Père. L'intercession des << saints disparaît en quelque sorte du christianisme fran<< ciscain 1».

Mais s'il en est ainsi, nous voilà bien près du protestantisme, ou du moins des précurseurs de la Réformation, et nous sommes amenés à nous demander ce qui rapprochait et ce qui séparait saint François de Pierre Valdo, les pauvres pénitents d'Assise, des pauvres de Lyon? Marquons d'abord les traits de ressemblance entre les deux réformateurs. Tous deux procèdent directement de l'Évangile ce sont les paroles de Jésus sur la perfection et sur la pauvreté apostoliques qui ont déterminé leur vocation. L'un et l'autre restent attachés à la doctrine et la discipline morale de l'Église catholique. Valdo, on ne le sait pas assez, n'a mis en doute aucun dogme, contesté la valeur d'aucun sacrement, ses disciples ont continué à aller à la messe, à vénérer la Vierge Marie et les saints; ils ont cru au mérite des œuvres, leurs << barbes » étaient voués au célibat et ils ont maintenu l'idéal de la perfection ascétique : « Si nos volen amar e servir Yeshu-Crist, dit la Nobla Leyczon, Povertà spiritual de cor deven tenir, e amar castità, e Dio humilament servir. » Enfin, Valdo, comme saint François, comprit

1. Voir E. Gebhart, l'Italie mystique, p. 108 et suiv.

que l'exemple d'une réelle pauvreté et la prédication gratuite de l'Évangile au peuple, dans sa langue, étaient les seuls moyens efficaces pour régénérer l'Église, corrompue par les richesses et par le pouvoir temporel des séculiers.

En quoi diffèrent-ils donc ? C'est d'abord, que François d'Assise fut un mystique, tandis que Pierre Valdo est un bibliciste. Le premier s'appuyait sur des visions, sur des révélations de la Vierge ou Jésus-Christ, pour justifier ses actes, ses rénovations. Le second se fondait sur le texte des Évangiles, sur l'exemple des Apôtres et des Pères de l'Église. Saint François imposait à ses compagnons des vœux perpétuels. Quant à l'observation des trois articles de la Règle monastique, Valdo n'admet que des vœux révocables, il réservait la liberté de l'avenir. Mais la différence capitale, c'est que saint François reconnaissait la dignité du prêtre, l'autorité des évêques quand même, tout en gardant une certaine indépendance vis-à-vis de l'organisation. Pierre Valdo, au contraire, bien que plein de déférence pour la hiérarchie, revendiquait le droit de la libre prédication au nom d'un commandement de Dieu, supérieur à l'autorité des évêques. Ses disciples, mais seulement après sa mort et après qu'ils eurent été excommuniés, nièrent la validité des sacrements administrés par des prêtres de mauvaise vie et pensèrent que, dans ce cas, valait mieux s'adresser à de pieux laïques (leurs barbes). C'est sur ce point seul qu'ils firent schisme.

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LIVRE II

LE XIII SIÈCLE

ET LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XIV

TABLEAU DE L'ÉPOQUE

Cette époque est, à beaucoup d'égards, le prolongement de la précédente. On y voit se continuer les mouvements commencés au XIIe siècle; seulement, les uns déclinent ou s'arrêtent; les autres, au contraire, déterminés par des causes plus profondes, s'accélèrent et grandissent. Tel fut, en particulier, le courant qui portait à la réforme de l'Église.

Les croisades contre les Sarrasins se succédèrent dans la première moitié du xII° siècle, mais en déviant de plus en plus de leur but originel vers des objets politiques, elles perdirent leur popularité, et, n'étant plus, en certains cas secondées par le Saint-Siège, s'affaiblirent. La dernière croisade, entreprise par saint Louis, plutôt pour l'accomplissement d'un vœu personnel que dans l'intérêt des chrétiens d'Orient, n'alla pas plus loin que Tunis. C'est plutôt contre les infidèles de l'intérieur, Albigeois et Vaudois, que contre les Musulmans, que les Papes prêchèrent désormais la guerre sainte.

Les Ordres mendiants, fondés au début de notre période par saint François d'Assise et saint Dominique, prirent une rapide extension par la faveur du Saint-Siège, qui les employa soit à combattre et surveiller les hérétiques

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