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NOTICE PRÉLIMINAIRE

Deux volumes intitulés: Correspondance de madame du Deffant avec d'Alembert, Montesquieu, le président Hénault..., etc., furent publiés pour la première fois à Paris en 1809. Ce recueil, pris sur la copie que le prince de Beauvau, ami de madame du Deffand et son exécuteur testamentaire, avait fait faire d'une partie de sa correspondance, contient beaucoup plus de lettres adressées à madame du Deffand, par ses amis, que de lettres d'elle à eux. Il est d'ailleurs classé sans ordre et sans intelligence. Ainsi, l'éditeur place à la date de 1752 des lettres de Montesquieu relatives à l'élection de d'Alembert à l'Académie, laquelle eut lieu seulement en 1754. Puis, après avoir fait succéder aux lettres de madame de Staal, écrites en 1747, d'autres lettres qui conduisent le lecteur jusqu'en 1765, il revient à la correspondance de madame du Deffand avec le président Hénault, de l'année 1742. Outre ces erreurs chronologiques, des fautes de tout genre nuisent à l'intérêt et rendent certaines phrases presque incompréhensibles.

Quelque défectueuse que fût cette édition, elle n'en éveilla pas moins vivement la curiosité du public sur madame du

a

Deffand. Dès l'année suivante (1810), quatre volumes contenant les lettres adressées par elle à Horace Walpole parurent à Londres, publiés par miss Berry, ancienne et intime amie de M. Walpole. Cette édition anglaise est aujourd'hui devenue fort rare. Trois autres, données successivement à Paris en 1841, 1812, 1824, sont pleines de fautes plus ridicules encore que les deux premiers volumes de la correspondance, et l'on a même quelque peine à comprendre les extravagances dont elles fourmillent. Ainsi, par exemple, dans l'édition de Paris de 1824, on a traduit en français les notes données en anglais dans l'édition de Londres. Une de ces notes, à propos de l'Hôtel Carnavalet, est ainsi conçue : « Mad. de Sévigne's house at Paris, of wich M. Walpole had a PICTURE... etc. » L'éditeur français traduit : « Hôtel de madame de Sévigné à Paris, dont M. Walpole avait un DESSIN TURC, qui se trouve maintenant à StrawberryHill... etc.» Indépendamment de ces singulières bêtises, plusieurs suppressions furent exigées par la censure impériale. Il est même amusant de voir le soin minutieux avec lequel on avait fait disparaître, chaque fois qu'ils s'étaient trouvés sous la plume de madame du Deffand, les mots : << tyrannie, pouvoir absolu, etc., » ainsi que toutes les phrases dans lesquelles, à propos de la guerre d'Amérique, elle s'indigne contre la guerre en général, contre les maux qu'elle entraîne, etc. Dans une notice sur madame du Deffand, M. de Sainte-Beuve s'étonne qu'on n'ait pas encore songé à publier une nouvelle édition des lettres à Walpole conforme à l'édition originale anglaise, et dans laquelle

1 Tome 1, p. 250. Lettre du 23 février 1768.

tous les passages altérés ou supprimés seraient fidèlement rétablis « Madame du Deffand mérite bien ce soin, ajoutet-il; car elle est un de nos classiques, par la langue comme par la pensée, et l'un des plus excellents... >>

C'est cette édition, augmentée de plusieurs lettres nouvelles, et de toute une correspondance entièrement inédite entre madame du Deffand, la duchesse de Choiseul et l'abbé Barthélemy, le tout classé avec soin et accompagné de notes, que préparait l'auteur des charmants Souvenirs de France et d'Italie. Personne mieux que lui peut-être, avec son esprit si fin, sa mémoire si fidèle, son parfait instinct de la bonne compagnie, n'était en mesure de bien faire ce travail; il lui aurait donné la valeur d'un précieux document pour servir à l'histoire du XVIIIe siècle; car madame du Deffand caractérise parfaitement la société française depuis la régence jusqu'aux premières années du règne de Louis XVI. On peut dire qu'elle est au XVIIIe siècle ce que madame de Sévigné est au xvre. Elle en a les qualités comme les défauts, et c'est avec raison que le chevalier Mac-Donald lui écrit : « Je serais retourné en Angleterre sans avoir l'idée de ce genre d'esprit qui est particulier à votre nation, si je n'avais pas été à Fernex et à Saint-Joseph1. »

L'édition complète, telle que se proposait de la donner M. le comte d'Estourmel, nous a paru une entreprise audessus de nos forces, et nous avons cru devoir nous borner à a publication des lettres, jusqu'à présent inédites, échan

1 Madame du Deffand était établie au couvent de Saint-Joseph, rue Saint-Dominique.

gées entre madame du Deffand, la duchesse de Choiseul et l'abbé Barthélemy. Madame de Choiseul avait conservé cette correspondance que, plusieurs années après la mort de son amie, elle communiquait à l'évêque d'Alais (cardinal de Beausset), en lui adressant la lettre suivante :

« 1er avril 1793... Les lettres de madame du Deffand ont pour elles le charme du naturel, les expressions les plus heureuses et la profondeur du sentiment dans l'ennui. Pauvre femme! elle m'en fait encore pitié. Mais il y a peu de mouvement, parce que tous les événements qui étaient hors d'elle n'étaient rien pour elle. En effet, il ne pouvait plus y avoir d'événements pour une femme de son âge; ainsi ses lettres se ressentent un peu de la monotonie de quelqu'un qui ne parle que de ses sentiments et qui en parle toujours à la même personne. Cependant l'abbé1 m'a assuré, monseigneur, qu'elles vous avaient intéressé, et je me suis fait un plaisir de vous en faire hommage... Quant aux miennes, je n'ai pas imaginé qu'il y eût un autre usage à en faire que de les brûler; et elles allaient en effet être livrées aux flammes, lorsque l'abbé m'a dit que vous les désiriez. J'ai été étonnée, mais j'ai cru devoir me soumettre; je les ai relues pour en corriger les fautes d'orthographe les plus honteuses. En les lisant, j'ai trouvé qu'elles étaient d'une raisonneuse, de sorte que j'ai été bien plus étonnée encore en apprenant qu'elles vous plaisaient. Puisque cela est, monseigneur, elles sont aussi à vous, d'autant plus que vous serez toujours à temps d'en faire l'usage que j'en voulais faire. En attendant, je vous prie qu'elles ne soient que pour vous, par mille raisons, et

1 Barthélemy.

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