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Il faudra que l'on sache comment quelques ministres accordaient des pensions sans la volonté, outre la volonté, contre la volonté du roi; que l'on apprenne que, le 11 février et le 27 mai 1788, des ministres faisaient recevoir au Trésor royal, par leurs secrétaires, des sommes pour lesquelles l'ordonnance du roi ne se trouve datée que de plusieurs jours après.

Mais les travaux du comité n'étant pas encore achevés, à cause des détails immenses que les recherches entraînent, il a besoin du temps nécessaire pour mettre ses résultats en ordre. Rien de ce qu'il pourra connaître, ne sera soustrait aux yeux de la nation. Il ne parlera jamais que d'après les pièces, il ne dira jamais que la vérité; mais il dira toute la vérité; et s'il se rencontrait des obstacles à ce qu'il connût quelque vérité, il dénoncera ces obstacles à la nation. Le comité pourra faire imprimer, un jour, sa correspondance, afin que le public sache quels sont les ordonnateurs qui se sont empressés de le mettre en état de découvrir les abus ; et quels sont ceux qui se sont vainement flattés de conserver, sous un voile obscur, des détails qu'il était apparemment de leur intérêt de laisser ignorer.

Le comité des pensions terminera cette note, en répétant ici ce qu'il a déjà annoncé publiquement. Le roi a été souvent trompé par les prétextes dont on couvrait des demandes indiscrètes. En lui présentant des occasions de bienfaisance particulière, on détournait un moment ses yeux des besoins de son peuple. Jamais, lorsqu'il a été question ou de ses affaires, ou de ses goûts personnels, on n'a pu lui persuader de s'écarter d'une sévère économie. Le comité fera remarquer les réponses du roi à des propositions qui le regardaient personnellement; elles portent: Il n'y a rien de pressé : Bon, à condition que cela n'occasionne pas de nouvelles dépenses.

Le roi a senti la nécessité indispensable de réprimer à jamais ces sollicitations importunes qui dévoraient la substance de son peuple: il s'est entouré de la nation, pour y résister et en faire cesser l'abus. Les vœux du roi, pour le soulagement de la France, ne seront pas illusoires. La nation ne peut apercevoir

qu'avec satisfaction, qu'en supprimant à l'avenir tous les dons indiscrets, qu'en cessant d'être prodigue pour être toujours généreuse, elle diminuera la masse des dépenses, peut-être d'un cinquième par chaque année. C'est ainsi qu'en réunissant les travaux et les découvertes des différens comités, l'assemblée sera enfin à portée de connaître les véritables sources de cette dette immense, qui s'est formée depuis douze ans environ, et dont l'état, au vrai, ainsi que les causes, sont encore un problème.

Fait au comité, le 1er avril 1790.

Signés, CAMUS, GOUPIL DE PRÉFELN, GAULTIER DE BIAUZAT, l'abbé EXPILLY, le marquis DE MONTCALM-GOZON, le baron Félix DE Wimpffen, FrÉTEAU, TREILHARD, DE MENOU, DE CHAMPEAUX-PALASNE, COTTIN, L.-M. DE LÉPEAUX.

<Enfin nous tenons le livre-rouge, disait Desmoulins; le comité des pensions a rompu les sept sceaux dont il était fermé. La voilà accomplie cette menace terrible du prophète! La voilà accomplie avant le jugement dernier : Revelabo pudenda tua; je dévoilerai tes turpitudes; tu ne trouveras pas même une feuille de figuier pour couvrir ta nudité à la face de l'univers; on verra toute ta lèpre, et sur tes épaules ces lettres GAL..., que tu as si bien méritées.

>Notre cher comité des pensions nous prévient dans le préambule, que ce n'est pas le seul registre qui contienne les preuves de la criminelle complaisance, disons le mot, de la friponnerie des ministres des finances. Depuis 1774, ses travaux lui décou vrent chaque jour une multitude de preuves d'autres déprédations, qu'il fera successivement connaître..... Bravo! mille fois bravo! généreux républicains, nos chers et illustres défenseurs ! Ainsi, un gouffre vous mène à un autre gouffre, où allaient s'engloutir également le sang et la sueur de vingt-quatre millions d'hommes. Poursuivez votre route dans ces souterrains, con

T. V.

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tinuez d'en éclairer les ténèbres. Camus tient le redoutable flambeau; il force Necker d'être son guide. L'hypocrite Genevois cherche sans cesse à vous égarer: tantôt il se retourne pour souffler la lumière, et tantôt il voudrait fuir; mais Camus le retient par la basque; et la lanterne qu'il porte rappelle au premier ministre des idées qui devraient le faire marcher droit.

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En attendant que le comité achève de découvrir les parties honteuses de l'ancien gouvernement, le coin du manteau qu'on vient de soulever suffit pour inspirer l'horreur. O combien la publicité de ce livre-rouge va consolider la révolution! « Oh! qui de vous serait assez lâche, s'écrie la Chroniqué, pour ne pas tressaillir d'une sainte fureur, pour ne pas embrasser ardemment cette révolution qui vous soustrait à tant de vampires dévorans! il faut que les scélérats dont on vient de publier les forfaits soient punis; au moins est-ce la moindre chose qu'ils soient tenus de rendre gorge. L'assemblée nationale ne peut se dispenser de venger la nation, et de faire subir aux ministres et aux quidam atteints et convaincus de ces brigandages, des condamnations et un châtiment qui puissent à jamais effrayer les déprédateurs. »

› Cependant ils osent encore lever le front. Le maréchal Ségur.... cet ex-ministre qui avait déclaré le tiers, c'est-à-dire la presque universalité des Français incapables de porter l'épaulette; ce maréchal, qui a si bien mérité le bâton, vient d'apprendre au public par la voie du Journal de Paris, qu'il est grandement étonné d'entendre publier le livre-rouge, et s'y voir citer par des hommes qui devraient le respecter........

Je ne veux pas me mettre en colère contre cet homme qui n'a qu'un bras; la partie ne serait pas égale. Mais voyez donc ce qui le fait crier à la calomnie, à l'indécence, à l'injustice, au libelle, au pamphlet! c'est que le comité a crié contre lui au voleur ; c'est qu'il a mentionné un certain ex-ministre qui, ayant 99,622 livres de pension, ayant fait donner des pensions à dix de ses parens, avait si peu de vergogne, qu'il demandait encore, le 4 sep

tembre 1787, un duché héréditaire. (Oh! nous t'en dommerons des duchés héréditaires, faquin!)..... Le comité ne l'avait pas nommé........... mais notre homme se reconnaît, et il est grandement étonné....

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»Pour nous, ce qui nous étonne grandement, c'est qu'un tel homme demande encore du respect ; c'est que les voleurs publics ne puissent se persuader qu'ils aient mérité la hart. Il est évident qu'un vol de cinq sous, que nos lois atroces punissent de mort, n'est rien en comparaison du vol de tant de millions; que voler sur les grands chemins, ou dans la caisse d'un particulier, n'est rien en comparaison de voler dans le trésor public, et dans la caisse qui doit être la plus inviolable.

» Il ne croyait pas, disait-il, qu'on osât lui faire un erime des bienfaits du roi.... Les bienfaits du roi! ce mot ne change pas la nature des choses; ce qu'il appelle bienfaits devrait s'appeler méfaits.... Les bienfaits du roi ! quodnam est aliud beneficium latronum, dit Cicéron.... Est-ce qu'on peut être libéral avec le bien d'autrui? Est-ce que les deniers publics sont levés pour autre chose que pour les besoins de l'État? Sont-ce des besoins de l'Etat que ceux d'un luxeeffréné à qui ne peuvent suffire 98,000 livres de pension? L'État a-t-il besoin qu'on engraisse du sang des peuples, toute une famille, celle des Ségur ou de Sganarelle, et qu'on pensionne tous ces Crispins?....

› Le sieur Necker n'a pas craint de déclarer au comité des pensions que le roi trouvait mauvais que l'assemblée nationale eût fait imprimer le livre-rouge. Trouvait mauvais! Oh! nous trouvons bien plus mauvais qu'un Genevois parle en termes si pett mesurés à l'assemblée nationale; qu'il parle ainsi au souverain, au nom de celui qui n'est que le premier sujet de la nation..... Nous trouvons bien plus mauvais que toi et tes pareils ayez dilapidé, sous le règne de Louis l'économe, en dépenses clandestines, 135 millions! et c'est en si peu de temps! Tu ne sais donc pas que nous avons eu en France douze contrôleursgénéraux des finances qui ont été pendus et exposés à Montfaucon?.... Le voilà donc cet hommte si pur, si probe, si can

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dide, bien et dûment convaincu d'être le receleur, au moins le complice de tant de brigandages! Le voilà pris la main dans la poche, non pas d'un seul homme, mais de 25 millions d'hommes, et méritant d'être pendu 25 millions de fois. Quelle probité, grand Dieu! quelle conscience, quelle influence des opinions religieuses sur un homme qui recélait le livre-rouge, et l'a défendu si long-temps unguibus et rostro, des pieds et des mains! Et ce qui met tout-à-fait hors de mesure, c'est qu'au lieu de mourir de honte, le caffard se monseigneurise, ose donner des veniat à l'un, des pensions à l'autre, au mépris des décrets. (5,000 livres à un Vauvillers dont nous avons vu naguère l'orteil sortir à travers les souliers, et qui depuis qu'il est administrateur des subsistances, ne s'est plus montré qu'en carrosse!)

SÉANCE DU VENDREDI 9 AVRIL.

[M. de Larochefoucault fait un rapport au nom du comité chargé de l'aliénation des biens domaniaux et ecclésiastiques, et présente le projet de décret suivant:

‹ L'assemblée nationale, considérant qu'il est important d'assurer le paiement à époque fixe des obligations municipales qui doivent être le gage des assignats décrétés; que toutes les municipalités qui voudront, en vertu des précédens décrets, acquérir des biens domaniaux et ecclésiastiques dont la vente est ordonnée, devront, préalablement au traité de vente, soumettre au comité, chargé par l'assemblée de l'aliénation de ces biens, les moyens qu'elles auront pour garantir l'acquittement de leurs obligations aux termes qui seront convenus; qu'en conséquence la commune de Paris sera tenue de fournir une soumission de capitalistes solvables et accrédités, qui s'engageront à faire les fonds dont elle aurait besoin pour l'acquittement de ses premières obligations, jusqu'à concurrence de 70 millions, qu'elle est autorisée à traiter des conditions de cette soumission, à la charge d'obtenir l'approbation de l'assemblée nationale. >

et

Après quelques observations, le projet de décret est presque unanimement adopté.

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