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OVIDE

Le poète des Métamorphoses et de l'Art d'aimer naquit l'année même de la mort de Jules César (44 avant J.-C.). Il appartenait à une famille noble et puissante. A seize ans, il prit ia robe de pourpre des fils des chevaliers, et fut envoyé à Athènes, où il étudia la littérature grecque.

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C'était une nature éminemment sensible que celle d'Ovide; toute sa vie fut dominée par l'amour et la poésie, l'un ne va pas sans l'autre. En revanche, il méprisa les fausses jouissances de l'ambition, il refusa les hauts emplois et les honneurs, qui lui furent offerts par Corinne et par l'empereur, dont il était l'intime ami. Il n'accepta d'Auguste que la charge de décemvir, qu'il ne garda pas longtemps. Car l'affection des rois est de courte durée, et leur amitié est souvent suivie d'une disgrâce.

Ovide, en effet, fut bientôt envoyé en exil, dans les marais sauvages de la Scythie. Quel crime avait-il commis? Il faut chercher la

temme dans une épître à Horace, il avait accusé le petit-fils d'Auguste d'inceste avec sa sœur Julie, dont il était l'ami de cœur... C'était assez pour aller réfléchir sur l'art d'aimer, à de grandes distances...

Dans ses Métamorphoses, on trouve une série de fictions charmantes, d'allusions gracieuses, d'allégories délicates, sous lesquelles se cachent le plus souvent les merveilles de la nature. Dans ces fables immortelles de la poésie antique, on constate à chaque pas la preuve de connaissances historiques très étendues, de notions curieuses sur l'astronomie, la médecine et les sciences naturelles, chatons admirablement ciselés dans lesquels brillent d'un éclat incomparable les plus beaux secrets de la morale et les plus séduisantes facettes des passions humaines.

Comme Hugo, comme Musset, comme Mürger, Ovide était né poète : une muse divine chantait à son côté, et de ses œuvres, que l'antiquité nous a léguées comme un présent royal, un de nos littérateurs en a résumé les beautés en un mot : « C'est là, a-t-il dit, qu'on boit la poésie à pleine coupe.» Que pourrait-on ajouter à cela?

Notre rôle ne consiste pas à tremper nos lèvres à cette coupe poétique. D'autres ont fait ce travail avant nous, et avec une compétence littéraire à laquelle nous n'avons aucun droit. Nous devons nous borner à rechercher dans les merveilles de la fable les merveilles de la nature, et à prendre notre bien au milieu de toutes ces

belles choses dont Apollon est le dieu, comme il l'est aussi de la médecine et de toutes les sciences en général.

Dans la description du chaos, qui sert pour ainsi dire de base à ses Métamorphoses, Ovide ne s'éloigne pas beaucoup des données géologiques acceptées aujourd'hui :

Partout où était la terre, partout étaient aussi l'eau et l'air. La terre était sans consistance, la mer n'était pas navigable, le ciel était sans lumière.

Quaque fuit tellus, illic et pontus et aer;
Sic erat instabilis tellus, innabilis unda,
Lucis egens aer.

Qu'était donc la terre au commencement? une sphère de vapeurs et de gaz se condensant progressivement, une surface inégale formée par une écorce de matière solidifiée, emprisonnant des minéraux en état de fusion, des masses d'eau flottant dans l'atmosphère, se résolvant en pluies torrentielles, emplissant les dépressions et les immenses bassins formés par les soulèvements éruptifs, puis s'amassant en lacs profonds, en mers chaudes et fumantes. Le poète a dit :

Omnia pontus erant.

Qu'arrive-t-il ensuite? Consultez tous les traités de géologie, et vous verrez ceci : l'atmosphère s'épure, s'éclaircit, se dégage, légère, des nuées orageuses et du brouillard; puis à travers

ces brumes déchirées, au delà de ces ondes fuyantes, au fond des cieux, voilés encore, apparaît un disque rouge, lumineux. C'était le soleil dont le premier rayon portait la vie à la

terre.

Ovide nous avait déjà fait la même description. Il avait même été plus loin, il avait compris que la chaleur solaire avait dû dissiper des exhalaisons pestilentielles produites par l'humidité de la terre. Il le sous-entend dans la fable du serpent Pithon, qu'Apollon, dieu de la lumière, perce de ses flèches :

Hanc deus arcitenens, et nunquam talibus armis.

L'explication de cette allégorie est trop simple pour qu'elle ne soit pas comprise de tout le monde. La poésie a recours à une histoire fabuleuse pour expliquer un effet que la physique rattache à une cause naturelle. Les poètes ont toujours été les premiers instituteurs des peuples.

La planète a pris une forme; un nouveau phénomène, jusqu'alors irréalisable, se présente; c'est LA VIE, qui se manifeste pour la première fois sur la terre. L'homme fait son entrée

1. Pour expliquer la création de l'homme, les poètes eurent recours à une fiction ingénieuse : Le fils de la terre, Prométhée, avait fait sa statue d'argile, mais il était incapable de lui donner le mouvement et la vie. Sous la conduite de Minerve, il parcourt les espaces célestes, recueille en passant, dans les tourbillons des planètes, les influences qu'il considère comme utiles à la température des humeurs. Puis, sous le manteau de la déesse, il s'approche du Soleil, remplit subtilement une fiole de cristal d'une portion choi.

dans le monde, et aussitôt que la famille est créée, on voit Apollon s'empresser à lui révéler ses secrets l'amour et la gloire. Il initie les hommes aux sentiments divins; il leur apprend à couronner de feuilles de chêne les vainqueurs des jeux publics. Lui-même se fait l'amant de Daphné.

Primus amor Phoebi Peneia.

Daphné, du dieu des vers fut le premier amour1.

Pétrarque, en célébrant sa maîtresse sous le nom de Laure, a-t-il voulu faire allusion à l'amante d'Apollon? Peut-être... Comme la verveine, le laurier fut toujours consacré aux enchantements.

Fontenelle a écrit, sur cette allégorie, un très joli sonnet. Le voici :

Je suis, disait jadis Apollon à Daphné,
Lorsque tout hors d'haleine il courait après elle,
Et lui contait pourtant la longue kyrielle
Des rares qualités dont il était orné;

sie de ses rayons, et s'empresse de revenir à sa statue. Il lui fait respirer alors le flacon qui contient le divin phlogistique. Celui-ci pénètre dans la tête, s'insinue dans les fibres du cerveau et la vie apparaît. L'homme vit et manifeste sa première sensation en éternuant.

« L'histoire de Prométhée, dit M. H. de Guerle, qui nous laisse entrevoir, dans la plus haute antiquité, la connaissance des procédés de l'électricité, qui montre à l'homme le premier anneau de la chaîne qui le lie au système général de la création, qui lui révèle enfin le plus haut principe de la physique et de la religion naturelle, nous a paru peindre d'une manière intéressante la nature et l'homme à sa naissance. >>

1. Traduction de Saint-Ange.

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