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Certainement c'est un fort grand dommage
Que nous n'avons en ce moment largesse
Des grans tresors de Juno la deesse
Pour Venus suyvre : et que dame Pallas
Nous vint apres resjouyr en vieillesse,
Car noble cueur ne cherche que soulas. '

II.

1513.

I

DU TEMPS QUE MAROT ESTOIT AU PALAIS A PARIS.

MUSICIENS à la voix argentine,
Doresnavant comme un homme esperdu
Je chanteray plus hault qu'une buccine :
Helas si j'ay mon joly temps perdu.

Puis que je n'ay ce que j'ay prétendu,
C'est ma chanson, pour moy elle est bien deue:
Or je voys veoir si la guerre est perdue,

Ou s'elle picque ainsi qu'un herisson.

2

1 Il est possible que Cl. Marot, dont la morale n'était pas trèssévère, ait fait partie, dans sa jeunesse, de cette joyeuse compagnie, dont il se montre ici l'apologiste. On lit dans l'Histoire du Théâtre-Français; Clément Marot, auteur et acteur parmi les Enfans sans Soucy.

2 La France était menacée d'une ruine totale. Après une longue guerre qui l'avait épuisée d'hommes et d'argent, elle avait perdu l'Italie entière. Henri VIII, Maximilien Ier et les Suisses formaient contre elle une ligue formidable, et se préparaient à l'engloutir; mais l'année suivante, Louis XII, par des négociations partielles, se délivra de tant d'ennemis, et se vit tout à coup dans le calme le plus profond.

Adieu vous dy mon maistre Jehan Grisson:
Adieu palais et la porte Barbette,

I

Ou j'ay chanté mainte belle chanson
Pour le plaisir d'une jeune fillette.

Celle qui c'est, en jeunesse est bien fine,
Ou j'ay esté assez mal entendu:

Mais si pour elle encores je chemine,
Parmy les piedz je puisse eştre pendu:
C'est trop chanté, sifflé, et attendu
Devant sa porte, en passant par la rue.
Et mieulx vauldroit tirer à la charrue,
Qu'avoir tel' peine, ou servir un masson.
Bref, si jamais j'en tremble de frisson,
Je suis content qu'on m'appelle Caillette : 2
C'est trop souffert de peine et marrisson
Pour le plaisir d'une jeune fillette.

3

1 La porte Barbette était dans la Vicille-rue-du-Temple, vers l'endroit où aboutit la rue des Blancs-Manteaux. C'était sans doute près de là qu'habitait cette première maîtresse de Clément Marot.

2 Caillette, fou célèbre, dont les bouffonneries amusèrent la cour sous Charles VIII et Louis XII; sa réputation fut telle, que son nom passa en proverbe. Peut-être est-ce de lui que nous vient le mot de caillette, qui signifie un homme frivole et babillard?

3 Il ne fut pas heureux en amour, ce pauvre Marot! Il choisit sa première maîtresse dans une obscure condition; il offrit son cœur à la célèbre Diane de Poitiers, qui ne le dédaigna pas; il osa tourner ses regards vers Marguerite, qu'environnait l'éclat des cours, et en fut aimé : cependant il ne put jamais arriver au terme où tendaient tous ses désirs; du moins l'histoire se tait sur cet ar

Je quicte tout, je donne, je resigne
Le don d'aymer, qui est si cher vendu.
Je ne dy pas que je me détermine

De vaincre Amour, cela m'est deffendu,
Car nul ne peult contre son arc tendu.
Mais de souffrir chose si mal congrue,
Par mon serment je ne suis plus si grue.
On m'a aprins tout par cueur ma leçon :
Je crains le guet, c'est un maulvais garson,
Et puis de nuict trouver une charrette :
Vous vous cassez le nez comme un glaçon
Pour le plaisir d'une jeune fillette.

ENVOY.

Prince d'amour regnant dessoubz la nue,
Livre la moy en un lict toute nue,
Pour me payer de mes maulx la façon :
Ou la m'envoye à l'ombre d'un buysson:
Car s'elle estoit avecques moy seulette
Tu ne veis onc mieulx planter le cresson,
Pour le plaisir d'une jeune fillette.

III.

1517.

DE LA NAISSANCE DE FEU MONSEIGNEUR LE DAULPHIN

FRANÇOYS.

QUAND Neptunus, puissant dieu de la mer,
Cessa d'armer' carraques, et galees,

Les Gallicans bien le deurent aymer,
Et reclamer ses grans undes salees,
Car il voulut en ses basses vallees
Rendre la mer de la Gaule haultaine
Calme et paisible, ainsi qu'une fontaine :

Et

2

pour oster mathelotz de souffrance, Faire nager en ceste eau claire et saine Le beau daulphin tant desiré en France.

Nymphes des boys pour son nom sublimer,
Et estimer, sur la mer sont allees :
Si furent lors, comme on peult présumer,
Sans escumer les vagues ravallees:
Car les fortz ventz eurent gorges hallees,
Et ne souffloient, sinon à doulce alaine,

1 Nous avons déjà eu l'occasion de remarquer ces frivolités auxquelles on fesait descendre la poésie. On a imaginé de donner à ce caprice puérile de Marot, le nom inintelligible de rime batelee.

2 François Ier venait de conclure un traité de paix avec Charles d'Autriche, qui succédait à Ferdinand, roi d'Espagne. Combien de fois Charles et le roi de France se jurèrent-ils une alliance inviolable!

Dont mariniers vogoient en la mer plaine
Sans craindre en rien des oraiges l'oultrance,
Bien prevoyans la paix, que leur ameine
Le beau daulphin tant desiré en France.

Monstres marins veit on lors assommer,
Et consommer tempestes devallees,

Si

que les nefz sans crainte d'abismer Nageoient en mer à voilles avallees.

Les grans poissons faisoient saultz et hullees,
Et les petis, d'une voix fort seraine,
Doucettement avecques la seraine,

I

Chantoient au jour de sa noble naissance,
Bien soit venu en la mer souveraine

Le beau daulphin tant desiré en France.

ENVOY.

Prince marin fuyant œuvre vilaine,
Je te supply garde que la balaine

ne face nuysance,

Au celerin plus ne

Afin qu'on ayme en ceste mer mondaine

Le beau daulphin tant desiré en France.

'Marot fait chanter ici les poissons en chœur; Saint-Amand, plus tard, les mit aux fenêtres. Cette ballade était un sacrifice au mauvais goût du siècle.

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