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Autant qu'un bœuf dormant pres d'un buysson.
Languards picquans plus fort qu'un herisson,
Et plus recluz qu'un vieil corbeau en cage,
Jamais d'aultruy ne tiennent bon langage,
Tousjours s'en vont songeans quelque finesse :
Mais entre nous, nous vivons sans tristesse,
Sans mal penser, plus aises que prelats. '
D'en dire mal c'est doncques grand' simplesse:
Car noble cueur ne cherche que soulas.

Bon cueur, bon corps, bonne phizionomie
Boire matin, fuyr noise, et tanson:
Dessus le soir, pour l'amour de s'amye
Devant son huys la petite chanson:
Trencher du brave, et du mauvais garson,
Aller de nuict, sans faire aucun oultrage:
Se retirer, voyla le tripotage:

Le lendemain recommencer la

presse.

Conclusion, nous demandons liesse:
De la tenir jamais ne fusmes las:

Et maintenons, que cela est noblesse :
Car noble cueur ne cherche

ENVOY.

que soulas.

Prince d'amours, à qui devons hommage,

' Dans ces tems d'ignorance et de fanatisme, les ministres de la religion, loin des autels qui les enrichissaient, étaient plongés dans une mollesse honteuse, et s'abandonnaient à la débauche la plus effrénée.

Certainement c'est un fort grand dommage
Que nous n'avons en ce moment largesse
Des grans tresors de Juno la deesse
Pour Venus suyvre : et que dame Pallas
Nous vint apres resjouyr en vieillesse,
Car noble cueur ne cherche

II.

1513.

que soulas. I

DU TEMPS QUE MAROT ESTOIT AU PALAIS A PARIS.

MUSICIENS à la voix argentine,
Doresnavant comme un homme esperdu
Je chanteray plus hault qu'une buccine :
Helas si j'ay mon joly temps perdu.

Puis que je n'ay ce que j'ay prétendu,
C'est ma chanson, pour moy elle est bien deue:
Or je voys veoir si la guerre est perdue,

Ou s'elle picque ainsi qu'un herisson.

2

1 Il est possible que Cl. Marot, dont la morale n'était pas trèssévère, ait fait partie, dans sa jeunesse, de cette joyeuse compagnie, dont il se montre ici l'apologiste. On lit dans l'Histoire du Théâtre-Français ; Clément Marot, auteur et acteur parmi les En

fans sans Soucy.

2 La France était menacée d'une ruine totale. Après une longue guerre qui l'avait épuisée d'hommes et d'argent, elle avait perdu l'Italie entière. Henri VIII, Maximilien Ier et les Suisses formaient contre elle une ligue formidable, et se préparaient à l'engloutir; mais l'année suivante, Louis XII, par des négociations partielles, se délivra de tant d'ennemis, et se vit tout à coup dans le calme le plus profond.

Adieu vous dy mon maistre Jehan Grisson:
Adieu palais et la porte Barbette,'

Ou j'ay chanté mainte belle chanson
Pour le plaisir d'une jeune fillette.

Celle qui c'est, en jeunesse est bien fine,
Ou j'ay esté assez mal entendu :
Mais si pour elle encores je chemine,
Parmy les piedz je puisse eştre pendu:
C'est trop chanté, sifflé, et attendu
Devant sa porte, en passant par la rue.
Et mieulx vauldroit tirer à la charrue,
Qu'avoir tel' peine, ou servir un masson.
Bref, si jamais j'en tremble de frisson,
Je suis content qu'on m'appelle Caillette: 2
C'est trop souffert de peine et marrisson 3
Pour le plaisir d'une jeune fillette.

I La porte Barbette était dans la Vieille-rue-du-Temple, vers l'endroit où aboutit la rue des Blancs-Manteaux. C'était sans doute près de là qu'habitait cette première maîtresse de Clément Marot.

2 Caillette, fou célèbre, dont les bouffonneries amusèrent la cour sous Charles VIII et Louis XII; sa réputation fut telle, que son nom passa en proverbe. Peut-être est-ce de lui que nous vient le mot de caillette, qui signifie un homme frivole et babillard ?

3 Il ne fut pas heureux en amour, ce pauvre Marot! Il choisit sa première maîtresse dans une obscure condition; il offrit son cœur à la célèbre Diane de Poitiers, qui ne le dédaigna pas; il osa tourner ses regards vers Marguerite, qu'environnait l'éclat des cours, et en fut aimé : cependant il ne put jamais arriver au terme où tendaient tous ses désirs; du moins l'histoire se tait sur cet ar

Je quicte tout, je donne, je resigne
Le don d'aymer, qui est si cher vendu.
Je ne dy pas que je me détermine

De vaincre Amour, cela m'est deffendu,
Car nul ne peult contre son arc tendu.
Mais de souffrir chose si mal congrue,
Par mon serment je ne suis plus si grue.
On m'a aprins tout par cueur ma leçon:
Je crains le guet, c'est un maulvais garson,
Et puis de nuict trouver une charrette :
Vous vous cassez le nez comme un glaçon
Pour le plaisir d'une jeune fillette.

ENVOY.

Prince d'amour regnant dessoubz la nue,
Livre la moy en un lict toute nue,
Pour me payer de mes maulx la façon :
Ou la m'envoye à l'ombre d'un buysson:
Car s'elle estoit avecques moy seulette
Tu ne veis onc mieulx planter le cresson,
Pour le plaisir d'une jeune fillette.

Autant qu'un bœuf dormant pres d'un buysson.
Languards picquans plus fort qu'un herisson,
Et plus recluz qu'un vieil corbeau en cage,
Jamais d'aultruy ne tiennent bon langage,
Tousjours s'en vont songeans quelque finesse :
Mais entre nous, nous vivons sans tristesse,
Sans mal penser, plus aises que prelats.
D'en dire mal c'est doncques grand' simplesse :
Car noble cueur ne cherche que soulas.

Bon cueur, bon corps, bonne phizionomie
Boire matin, fuyr noise, et tanson:
Dessus le soir, pour l'amour de s'amye
Devant son huys la petite chanson:

Trencher du brave, et du mauvais garson,
Aller de nuict, sans faire aucun oultrage:
Se retirer, voyla le tripotage:

Le lendemain recommencer la presse.
Conclusion, nous demandons liesse:
De la tenir jamais ne fusmes las:
Et maintenons, que cela est noblesse :
Car noble cueur ne cherche que soulas.

ENVOY.

Prince d'amours, à qui devons hommage,

I Dans ces tems d'ignorance et de fanatisme, les ministres de la religion, loin des autels qui les enrichissaient, étaient plongés dans une mollesse honteuse, et s'abandonnaient à la débauche la plus effrénée.

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