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Semblant ferois de vous innocenter :
Seroit ce pas honneste couverture?

XLIX.

D'ANNE QUI LUY JECTA DE LA NEIGE.

I

ANNE par jeu me jecta de la neige, 1
Que je cuydois froide certainement :
Mais c'estoit feu, l'experience en ay je,
Car embrasé je fuz soudainement.
Puis que le feu loge secretement
Dedans la neige, ou trouveray je place
Pour n'ardre point? Anne, ta seule grace
Estaindre peult le feu, que je sens bien,
Non point par eau, par neige, ne par glace,
Mais par sentir un feu pareil au mien.

I Nous pensons avec L. Dufresnoy que cette épigramme donna de nouvelles armes à la médisance qui avait déjà fixé l'attention de la cour sur la conduite légère de la reine de Navarre. En effet, cette princesse, en s'abandonnant ouvertement à une familiarité si peu conforme à son rang, se préparait elle-même d'amers chagrins. Elle était femme, et ne savait pas cacher ses sentimens ! Mais nous devons plutôt accuser son amant, qui se vantait hautement de son bonheur. Il mérita bien qu'on lui défendit d'approcher de sa maîtresse (ces vers furent peut-être cause de cette défense); il aurait mérité que sa maîtresse le lui défendît aussi.

L.

SUR LA DEVISE

Non ce que je pense.

TANT est l'amour de vous en moy empraincte, De voz desirs je suis tant desireux,

Et de desplaire au cueur ay au cueur ay telle craincte, Que plus à moy ne suis, dont suis heureux: A d'autre sainct ne s'adressent mes vœux, Tousjours voulant (de paour de faire offense) que voulez et non ce que je veulx:

Ce

Ce

que pensez et non ce que je pense.

LI.

DU DEPART DE S'AMYE. I

ELLE s'en va de moy la mieulx

aymee,

Elle s'en va ( certes) et si demeure
Dedans mon cueur tellement imprimee,
Qu'elle y sera jusques à ce qu'il meure.
Voyse ou vouldra, d'elle mon cueur s'asseure:
Et s'asseurant n'est melancolieux :

Mais l'œil veult mal à l'espace des lieux,
De rendre ainsi sa liesse loingtaine.

'L. Dufresnoy croit que cette épigramme fut faite lorsque Marguerite, après son mariage avec Henri d'Albret, roi de Navarre, suivit ce prince dans ses états.

Or adieu donc le plaisir de mes yeulx,
Et de mon cueur l'asseurance certaine.

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DIEU te gard, doulce, amyable calandre,
Dont le chant faict joyeux les ennuyez :
Ton dur depart me feit larmes espandre,
Ton doulx revoir m'a les yeulx essuyez :
Dieu gard le cueur, sus qui sont appuyez
Tous mes desirs. Dieu gard l'œil tant adextre,
Là ou Amour a ses traictz essuyez,

Dieu gard sans qui gardé je ne puis estre.

MUSE

LIII.

DIALOGUE DE LUY ET DE SA MUSE.

MAROT.

USE dy moy, pourquoy à ma maistresse Tu n'as sceu dire adieu à son depart.

LA MUSE.

Pource que lors je mourus de destresse : que d'un mort un mot jamais ne part.

Et

MAROT.

Muse, dy moy comment doncques Dieu gard

1 Cette épigramme et la suivante furent adressées à Marguerite, lorsque cette princesse, qui avait suivi son mari dans ses états, revint à Paris où Marot gémissait de son absence.

Tu luy peulx dire ainsi

par mort ravie?

LA MUSE.

Va, povre sot, son celeste regard
La revoyant m'a redonné la vie.

LIV.

DE OUY ET NENNY.

UN doulx nenny, avec un doulx soubrire,
Est tant honneste, il le vous fault apprendre:
Quand est d'ouy, si veniez à le dire,
D'avoir trop dict je vouldrois vous reprendre :
Non que je sois ennuyé d'entreprendre
D'avoir le fruict, dont le desir me poinct:
Mais je vouldrois, qu'en me le laissant prendre,
Vous me dissiez Non, vous ne l'aurez point.'

' Nos agréables rimeurs qui se sont plaints si souvent au public de trouver des maîtresses trop faciles, n'ont fait que commenter et paraphraser ces vers de Marot, et ne les ont sûrement pas égalés. LA HARPE.

C'est surtout par ce tour artificieux que l'épigramme diffère du madrigal qui ne déguise rien; mais qui tout naturellement a l'air de ce qu'il est, galant, délicat, ingénieux, et qui, lors même qu'il est fin, ne dissimule pas l'intention de l'être.

MARMONTEL.

Ovide exprime la même idée, mais qu'il est loin d'approcher de la gracieuse naïveté de Marot!

Vim licet appellent, grata est vis ista puellis,
Quod juvat invitæ sæpe dedisse volunt;

Quæcumque est Veneris subitâ violata rapinâ

UN

LV.

D'UN OUY.

ouy mal accompaigné

Ma triste langue profera,

Quand mon cueur du corps eslongné
Du tout à vous se retira.

Lors à ma langue demoura

Ce seul mot, comme triste, ouy:
Mais si mon cueur plus resjouy
Avoit sur vous ce poinct gaigné,
Croyez que dirois un ouy
Qui seroit mieulx accompaigné.

LVI.

NENNY

DE NENNY.

NY desplait et cause grand soucy
Quand il est dict à l'amy rudement :

Mais quand il est de deux yeulx adoucy
Pareilz à ceulx qui causent mon tourment,

Gaudet et improbitas muneris instar habet.
At quæ cum posset cogi, non tacta recessit,

Ut simulet vultu gaudia, tristis erit.

Mellin de Saint-Gelais a parlé du ouy et nenny; c'est déjà un éloge que de le citer après les vers de Marot :

Dissimulez vostre contentement
Soubz un refuz, amy de violence,
L'ouy sera en mon entendement,
Et le nenny sera en mon silence.

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