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Puis quand je l'oy parler si sagement,
Et que je voy sa plume travailler,
Je tourne bride, et m'esbahy comment
On est si sot de s'en esmerveiller.

XV.

A LA ROYNE DE NAVARRE.

Nous fusmes, sommes, et serons
Mort, et malice, et innocence:

Le

pas de mort nous passerons,
Malice est tousjours en presence:
Dieu en nostre premiere essence
Nous voulut d'innocence orner:
O la mort pleine d'excellence,
Qui nous y

fera retourner.

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XVI.

RESPONSE POUR LE GENTILHOMME, AUX VERS QUE LA ROYNE DE

NAVARRE AVAIT FAICTZ EN FAVEUR D'UNE DAMOYSELLE.

CE seroit trop que la belle esmouvoir :

Le

povre amant n'y a pensé, ne pense:

2

1 Cette morale est, à la vérité, fort belle, mais elle paraît bien extraordinaire dans la bouche d'un amant: cependant elle devait plaire à Marguerite, qui composait des chansons spirituelles, et pourtant ne conservait pas très-religieusement les droits de son mari.

2 Les vers de Marguerite sont bien mauvais ; ils ne méritaient pas une aussi jolie réponse. Les voici :

Il pensoit bien brusler son chaste cueur

Parler à elle, et la servir, et veoir
Luy sont assez d'heureuse recompense,
Et confessant, noble fleur d'excellence,
Qu'elle l'a bien mis à mort voyrement:
Mais son amour, et son feu vehement,
Chasteté d'œil ne les pourroit estaindre :
Car tant plus vit la dame chastement
De tant plus croist le desir d'y attaindre.

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DE MADAME YSABEAU DE NAVARRE. I

QUI cuyderoit desguiser Ysabeau

D'un simple habit, ce seroit grand'simplesse:
Car au visage a ne sçay quoy de beau,
Qui faict juger tousjours qu'elle est princesse :
Soit en habit de chambriere, ou maistresse,
Soit en drap d'or entier ou decouppé,
Soit son gent corps de toile enveloppé,
Tousjours sera sa beauté maintenue:

Par doulx regardz, par souspirs tresardans,
Par un parler qui faict Amour vainqueur,
Par long servir, par signes evidens:

Mais il trouva une froideur dedans,
Qui tous ses traictz convertissoit en glace:
Et qui pis est, par une doulce audace,
L'œil chaste d'elle le regarda si fort,
Que sa froideur à travers son cueur passe,
Et meit son feu, Amour, et luy à mort.

1 Isabelle de Navarre épousa, en 1535, René, premier du nom, vicomte de Rohan. Elle était fille de Jean d'Albret, roi de Navarre, et sœur de Henri d'Albret, roi de Navarre, époux de Marguerite, sœur de François Ier.

Mais il me semble (ou je suis bien trompé)

Qu'elle seroit plus belle toute nue. '

XVIII.

A JANE. 2

VOSTRE bouche, petite et belle,
Est de gracieux entretien,

Puis un peu son maistre m'appelle,

Et l'alliance je retien.

Car ce m'est honneur et grand bien :

Mais quand vous me prinstes pour maistre,
Que ne disiez vous aussi bien:
Vostre maistresse je veulx estre?

XIX.

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DEDANS le eloz d'un jardin fleurissant
Entre autres fleurs voy une rose blanche,

« C'est encore ce tour de finesse et de naïveté qui aiguise en

» épigramme un madrigal qui, sans cela, ne serait que galant. MARMONTEL.

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2 Jeanne d'Albret, princesse de Navarre. Elle appelait sans doute Marot son maistre, parce qu'il lui avait donné des conseils lorsqu'elle s'occupait de poésie; il lui avait même prêté quelquefois sa plume. Voyez l'Épitre pour la petite princesse de Navarre, à madame Marguerite.

3 Blanche de Tournon fut mariée à Jacques de Coligny, oncle de l'amiral, et en secondes noces, à Jean Dubellay, cardinal et évêque de Paris. Brantôme, dans ses Femmes galantes, n'oublie

Que je serois sur toutes choisissant,

Si de choisir j'avois liberté franche :

Dieu gard sans fin le rosier et la branche,
Dont est sortie une tant belle rose :

Dieu gard la main qui pour croistre l'arrose:
Dieu gard aussi le tresexcellent clos :
Dieu face en moy la sienne amour enclose:
A peine d'estre en son amour enclos.

XX.

DE HELEINE DE TOURNON.

Αυ

moys de may que

l'on saignoit la belle,

Je vins ainsi son medecin reprendre :

Luy tires tu sa chaleur naturelle ?

Trop froide elle est, bien me l'a faict apprendre :

Tais toy, dist il, content je te voys rendre :
J'oste le sang qui la fait rigoureuse,
Pour prendre humeur en amours vigoureuse,
Selon ce moys qui chasse tout esmoy :

pas de raconter cette scandaleuse histoire. « En vérité, dit à ce » sujet le cynique L. Dufresnoy, cela étoit plus édifiant que ce » qui s'est passé quelquefois depuis. Au moins les évêques d'alors >> se couvroient-ils du voile du sacrement. Oh! que ce seroit une » belle partie de l'histoire ecclésiastique, et un recueil aussi ins» tructif que curieux, que celui qu'on feroit des officiaux, grands» vicaires, archevêques, évêques, cardinaux qui se sont mariés, >> sans abandonner néanmoins ni la religion, ni leurs béné>>fices!»

Ce qui fut faict, et devint amoureuse,

Mais le pis est que ce n'est pas

XXI.

de moy.

EPIGRAMME QU'IL PERDIT CONTRE HELEINE DE TOURNON.

POUR un

UR un dizain que gaignastes mardy,
Cela n'est rien, je ne m'en fais que rire:
Et fuz tresaise alors que le perdy,
Car aussi bien je voulois vous escrire :
Et ne sçavois bonnement que vous dire,
Qui est assez pour se taire tout coy.
Or payez vous, je vous baille de quoy,
D'aussi bon cueur que si je le donnoye:
Que pleust à Dieu que ceulx à qui je doy,
Fussent contens de semblable monnoye.

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I Boileau n'a pas dédaigné de remanier la pensée de cette épigramme:

2

Tout me fait peine,

Et depuis un jour

Je crois, Climène,
Que j'ai de l'amour.

Cette nouvelle

Vons met en courroux ;

Tout beau, cruelle,

Ce n'est pas pour vous.

Marguerite se chargea de répondre pour Hélène de Tournon à cette spirituelle épigramme :

Si ceulx à qui debver, comme vous dictes,
Vous congnoissoient comme je vous congnois,
Quitte seriez des debtes que vous feistes
Le temps passé tant grandes que petites,

En leur payant un dizain toutesfoys

Tel que le vostre, * qui vault mieulx mille foys

* Cette faute de versification se reproduit souvent dans les poésies de Marguerite.

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