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IV.

1518.

A MADAME D'ALENÇON POUR ESTRE COUCHÉ EN SON ESTAT.

PRINCESSE

ESSE au cueur noble et rassis,

La fortune, que j'ay suivie,

Par force m'a souvent assis
Au froid giron de triste vie :
De m'y seoir encor me convie,
Mais je respons (comme fasché)
D'estre assis je n'ay plus d'envie:
Il n'est que d'estre bien couché.

Je ne suis point des excessifz
Importuns, car j'ay la pepie:

Dont suis au vent comme un chassis,
Et debout ainsi qu'une espie:
Mais s'une fois en la copie
De vostre estat je suis merché,
Je criray plus hault qu'une pie,
Il n'est que d'estre bien couché.

L'un soustient contre cinq ou six
Qu'estre accouldé, c'est musardie:

I

1 Le génie de Clément Marot n'avait pas échappé à François Ier. Ce monarque, ami des lettres, ne tarda pas à encourager le jeune poète, et le fit entrer, en qualité de valet-de-chambre, dans la maison de sa sœur, Marguerite d'Alençon. C'est à ce sujet que cette ballade a été composée.

L'autre, qu'il n'est

que

d'estre assis

Pour bien tenir chere hardie:

L'autre dit que c'est mélodie
D'un homme debout bien fiché:

Mais quelque chose l'on die,

Il n'est

que

que d'estre bien couché.

ENVOY.

Princesse de vertu remplie :
Dire puis (comme j'ay touché)
Si promesse m'est accomplie,
Il n'est que d'estre bien couché.

V.

1520.

DU TRIUMPHE D'ARDRES ET GUIGNES, PAR LES ROYS DE FRANCE ET D'ANGLETERRE. I

AU camp des roys, les plus beaulx de ce monde, Sont arrivez trois riches estandars:

' Charles d'Autriche, élevé à l'empire en 1519, n'attendait que l'instant favorable pour attaquer le roi de France. François Ier craignant de voir l'Angleterre se ranger contre lui dans la guerre qui allait se déclarer, résolut de renouveler, dans une entrevue, le traité qu'il avait conclu un an auparavant avec Henri VIII. C'est entre Ardres et Guignes que les deux rois se rencontrèrent, accompagnés de leurs épouses et d'une suite nombreuse et brillante. Ce lieu, où on avait construit en bois des palais magnifiques, ornés de dorures et de riches tapisseries, fut appelé le Camp du Drap d'or. Les courtisans des deux cours étalèrent un tel luxe, que plusieurs, dit un

Amour tient l'un de couleur blanche et munde,
Triumphe l'autre avecques ses souldars
Vivement painct de couleur celestine:
Beauté apres en sa main noble et digne
Porte le tiers tainct de vermeille sorte:
Ainsi chascun richement se comporte,
Et en tel ordre, et pompe primeraine
Sont venuz veoir la royalle cohorte
Amour, Triumphe, et Beauté souveraine.

En ces beaux lieux plustost que vol d'aronde
Vient celle Amour des celestines pars,
Et en apporte une vive, et claire unde,
Dont elle estainct les fureurs du dieu Mars:
Avecques France, Angleterre enlumine,
Disant Il fault qu'en ce camp je domine :
Puis à son vueil faict bon guet à la porte,
Pour empescher que Discorde n'apporte
La pomme d'or, dont vint guerre inhumaine:
Aussi affin que seulement en sorte
Amour, Triumphe, et Beauté souveraine.

historien du tems, y portaient leurs forêts, leurs prés et leurs moulins sur leurs épaules. Les fêtes, les bals, les festins et les tournois se succédèrent pendant un mois. Enfin on se sépara, et François qui avait conçu de hautes espérances, n'obtint de Henri VIII qu'une promesse vague de rester neutre, s'il portait ses armes en Italie.

1 Sur le fronton du palais du roi d'Angleterre était représenté un archer anglais, avec cette devise: Qui j'accompagne est maître. Henri VIII était bien-aise de montrer à tous les yeux que la France avait besoin de l'Angleterre.

Pas ne convient, que ma plume se fonde
A rediger du triumphe les arts,
Car de si grans en haultesse profonde
N'en feirent onc les belliqueurs Cesars.
Que diray plus? richesse tant insigne
A tous humains, bien demonstre, et designè
Des deux partiz la puissance tresforte.
Bref, il n'est cueur qui ne se reconforte
En ce pays, plus qu'en mer la seraine,
De veoir regner (apres rancune morte)
Amour, Triumphe, et Beauté souveraine.

ENVOY.

De la beauté des hommes me deporte :
Et quant à celle aux dames, je rapporte,
Qu'en ce monceau laide seroit Helaine.
Parquoy concludz, que ceste terre porte
Amour, Triumphe, et Beauté souveraine.

VI.

1521.

DE L'ARRIVEE DE MONSEIGNEUR D'ALENÇON EN HAYNAULT. I

DEVERS Haynault, sur les fins de Champaigne

1 Une altercation entre les maisons de Crouy et de Bouillon, donna naissance à cette guerre terrible qui, pendant vingt-sept ans, mit en feu une partie de l'Europe. Le prince de Crouy voulait prendre l'empereur pour arbitre; le prince de Bouillon refuse avec fierté

Est arrivé le bon duc d'Alençon'

Avec honneur qui tousjours l'accompaigne,
Comme le sien propre, et vray escusson.
Là peult on veoir sur la grand' plaine unie
Des bons souldars son enseigne munie,
Prestz d'employer leur bras fulminatoire
A repoulser dedans leur territoire

Lourdz Haynuyers, gent rustique et brutale,
Voulant marcher sans raison peremptoire

Sur les climatz de France occidentale.

2

Prenez hault cueur doncques France, et Bretaigne3 Car si en camp tenez fiere façon,

Fondre verrez devant vous Alemaigne,

Comme au soleil blanche neige, et glaçon.
Fiffres, tabours sonnez en armonie,
Advanturiers que la picque on manie

entre

de se soumettre au jugement de Charles, qu'il envoie défier en pleine diète, et fait une irruption dans les Pays-Bas. Charles furieux, croyant que François Ier est le moteur secret de ces hostilités, aussitôt en France avec des forces formidables, s'empare de plusieurs villes, et ne s'arrête qu'aux portes de Mézières. Le roi s'avance à la tête de son armée jusqu'à Valenciennes, et voit son ennemi effrayé fuir à son approche.

1 Le prince d'Alençon, époux de Marguerite, sœur du roi, était allé commander l'avant-garde de l'armée.

2 Les provinces qui sont en deça de la Moselle et de la Meuse. 3 François Ier, époux de Claude, fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne, n'avait pas encore réuni ce duché à la couronne. Ce n'est qu'en 1532 que, d'après le consentement des États assemblés, la Bretague devint province inaliénable de France.

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