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ris, et cita les vicaires de l'évêque au 25 février. En même temps, l'un des persécuteurs les plus fougueux, Jacques Dubois, devint fou. Les uns prétendirent qu'il subissait une punition céleste ; d'autres qu'il avait été empoisonné et ensorcelé par les Vaudois. Il mourut au mois de février 1462.

Devant le parlement, les accusés d'Arras soutinrent qu'ils n'étaient jamais allé en Vauderie; que leurs aveux devant les juges d'Arras avaient été extorqués par des menaces et par des promesses; qu'on leur avait fait donner des sommes considérables au duc de Bourgogne, au comte d'Étampes, au bailli d'Amiens, au lieutenant du bailli. Ils furent déclarés innocents, élargis et autorisés à poursuivre les vicaires d'Arras pour être rétablis dans leur honneur et dans leurs biens.

Les poursuites eurent lieu, mais l'affaire ne fut terminée qu'en 1491. Par arrêt du 20 mai, le parlement annula les sentences rendues contre les demandeurs au sujet du prétendu fait de Vauderie, condamna les juges d'Arras à réparer sur leurs biens les maux et dommages qu'ils avaient faits, et ordonna que sur les sommes confisquées aux défendeurs, on tirerait de quoi faire un service et fonder une messe à la cathédrale d'Arras pour les âmes des victimes, et élever une croix sur le lieu de l'exécution. Malheureusement la plupart des coupables n'existaient plus alors, et les habitants d'Arras se livrèrent à une joie presque stérile, quand Jean Angenost, commissaire du parlement, vint lire sur la place publique, témoin du supplice des Vaudois, l'arrêt du 20 mai qui les réhabilitait (1).

VI.

Tout le monde connaît les vicissitudes éprouvées au douzième et au treizième siècle par les hérétiques vaudois et albigeois.

(1) Voy. dans l'édition de Duclercq donnée par M. de Reiffenberg (in-8°, 1823), t. III, cet arrêt, un procès-verbal de la venue de J. Angenost, inscrit sur le papier mémorial de l'échevinage d'Arras (1484-1495, fol. 87.)- Le P. Lelong indique comme existant dans les registres de la société littér. d'Arras des Recherches historiques tirées de plusieurs manuscrits et titres anciens sur ce qui s'est passé à Arras en 1495 et 1460, au sujet des Vaudois ou prétendus sorciers, lues par M. Camp. Ce travail n'est plus à Arras. - M. Dufaitelfe, de Calais, a donné sur la Vauderie en Artois une notice en deux parties. (Archiv. du N. de la France, Hommes et Choses, p. 54, et t. III, anc. série, p. 413.)-Tieck a composé sur la Vauderie d'Arras un roman intitulé: Le sabbat des sorcières, qui a été traduit par M. de Sinner.

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Les progrès de la secte des pauvres de Lyon, organisée ou réformée par le marchand Pierre Valdo, et qui, en s'élevant contre l'eglise romaine, prêcha la communauté des biens; ceux des hérétiques d'Alby, qui devinrent en peu de temps nombreux, et redoutables au clergé catholique; les croisades prêchées et accomplies contre ces deux sectes, on pourrait presque dire contre ces deux populations; les persécutions barbares dont elles furent l'objet ; leur expulsion définitive, et l'établissement de leurs débris au fond des vallées des Alpes, où elles purent subsister dans une sorte d'indépendance et de tranquillité: telle est l'histoire dont les événements toujours variés, toujours dramatiques, quelquefois terribles, ont occupé vivement les esprits à l'époque même où la chrétienté combattait les sectateurs de Mahomet dans l'Orient, et qui a laissé une si forte trace dans les chroniques et dans les poésies contemporaines.

Mais ce ne fut guère qu'un souvenir. Au bout de peu de temps les Albigeois et les Vaudois semblèrent avoir disparu du sol de la France. Au quinzième siècle, le nom de Vaudois se montra de nouveau appliqué à des hommes que l'Église chrétienne persécutait comme leurs homonymes du treizième siècle. Quels étaient ces hommes? avaient-ils hérité des doctrines en même temps que du nom des anciens Vaudois? formaient-ils, comme l'ont insinué quelques personnes, une secte nouvelle, née des incertitudes et du doute où les deux schismes et les discussions du concile de Bâle avaient jeté les esprits? étaient-ils enfin un produit de ces instincts mystiques qui entrainaient le moyen âge vers le culte des démons et les pratiques de la magie?

Les Vaudois, comme on l'a vu par les documents précédents, apparaissent dans l'histoire longtemps avant la persécution d'Arras, et ils présentent en toute occasion des caractères qu'il est impossible de méconnaître. Bien que leur réunion soit désignée sous les noms de secte et d'hérésie, ils ne forment point, comme ces mots l'indiquent d'ordinaire, une association religieuse dissidente de l'Église; les Vaudois, au quinzième siècle, sont assimilés par tous les contemporains qui parlent d'eux, aux nécromanciens, aux sorciers (1), aux gens accusés d'être en commerce avec le diable. Dans les vers du Champion

(1) D. Carpentier, suppl. ad glossar., au mot Valdenses, dit que Vauldoyerie idem sonat atque veneficium, incantamentum, et il cite une charte de 1479 qui contient ces mots : Icellui Loys estoit tenu et réputé de user de sorcerie ou Vauldoyerie.

des dames, le nom de Vaudoises est accolé à celui de faicturières, et les faicturières sont des sorcières. Factura, est-il dit dans Du Cange, sortilegium, maleficium, Italis fattura, incantatio, Gallicis, charme... nostris alias failure et faicturerie... faiturier Delphinatibus, sortilegus, veneficus... facturari, fascinari. On trouve de plus, dans une lettre de rémission de l'an 1446, le mot hẻrésie joint à celui de facturerie et remplacé plus loin par celui de sorcerie, comme présentant sans doute le même sens : « Laquelle Jaquette et aussi son mary estoient notoirement et publiquement diffamez et accusez de cas de hérésie et faicturerie « et avoir donné ou fait avoir plusieurs maladies à pluseurs « personnes... par leurs sorceries et faicturerie (1). .

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Pénétrons plus au fond des choses quelles sont les pratiques, les habitudes reprochées aux Vaudois par les écrivains contemporains? Les Vaudois sont des adorateurs du démon; ils tuent et mangent de petits enfants; ils jettent des sorts sur les personnes et sur les choses, dévastent les campagnes, font périr les récoltes; ils se rendent la nuit à une assemblée des gens de leur secte que l'on nomme mescle ou sabbat; ils y vont montés sur un bâton, balai ou ramon, et ils trouvent dans le lieu de réunion des tables chargées de vin et de viande, et le diable, en forme d'homme et plus souvent de bouc, de chien, de mouton, de singe; ils rendent à Satan un hommage bizarre et dégoûtant, l'adorent et se livrent à toute sorte d'actes sacriléges envers Dieu, la Trinité, la croix de Jésus; puis ils partagent les vins et les viandes, et, après le repas, les lumières s'éteignent, et tous les assistants, hommes et femmes, s'unissent charnellement les uns aux autres, et le diable lui-même change de sexe à volonté pour satisfaire les désirs de tous (2).

Étudions d'autre part les sorciers proprement dits et les actes habituels dont on les accusait au moyen àge. Les adorateurs du

(1) Litt. remiss. ann. 1446 in reg. 178, ch. 46, citées par Du Cange, vo Factura.— On lit dans le glossaire de Roquefort: Vauderie, Vaudoisie : la secte des Vaudois, hérésie, assemblée de prétendus sorciers... Vaudois s'est dit aussi pour sorcier. - On donnait encore le nom de Vaudoix aux gens qui avaient commerce avec des bêtes : Carpentier, suppl. ad Glossar., cite une charte de 1458, dans laquelle se trouvent ces mots Icellui Rousselot publia à plusieurs personnes que le suppliant estoit Vaudoix et qu'il avoit esté à une vache. Dans Monstrelet, les actes infâmes du maréchal de

Retz (1440) sont qualifiés hérésie.

(2) Voyez, outre le récit de Jacq. Duclercq cité plus haut, la chron. de Matthieu de Coussy, dans le Panthéon littér., ch. cxxix, p. 228 et 229, et la chron. de Pierre le Prêtre.

démon sont, comme on sait, aussi anciens que le monde, et les deux principes du bien et du mal, Oromaze et Ahrimanes, l'enfer et le ciel, Dieu et le diable, se sont partagé les hommages des humains. La Bible avait reconnu la puissance des devins et des magiciens; l'Évangile fit apparaître le démon à côté du Christ. Le bon et le mauvais principe, les bons et les mauvais anges eurent leur rôle distinct dans la cosmogonie des Manichéens; le pape saint Léon accuse ces hérétiques de se livrer aux secrets de la magie. Saint Irénée dit que d'autres hérétiques, nommés Simoniens, usent d'exorcismes et d'enchantements, et que les sectateurs de Basilides se servent d'images, d'enchantements et d'invocations (1). Nicéphore affirme les mêmes choses des Helcescites (2). Au rapport de Sévère, Priscillien, qui apporta en Espagne les idées des Gnostiques, était imbu des préceptes de l'Égyptien Marcus, qui faisait profession de magie (3). Les chrétiens orthodoxes eux-mêmes prirent dans la Bible et dans l'Evangile cette croyance traditionnelle : que le démon, avec la permission de Dieu, exerce un pouvoir sur l'âme de l'homme, sur son corps et sur la nature qui l'entoure.

Cependant l'Église proscrivit de tout temps le culte du diable et la magie. Voltaire dit quelque part qu'il arrive toujours et nécessairement qu'une secte persécutée dégénère en faction. On peut dire avec plus de vérité qu'une secte vaincue, proscrite, se tourne vers les superstitions, vers le culte matériel du démon, vers la magie. Le paganisme, après sa défaite, a laissé comme vestiges de sa domination passée de nombreuses superstitions, qui, pendant plusieurs siècles, sont restées enracinées dans les esprits populaires; les sectes religieuses, plus ou moins dissidentes de l'Église chrétienne, se sont aussi perpétuées dans une série de croyances mystérieuses et de pratiques bizarrres.

Les peines très-sévères prononcées dès les premiers temps du christianisme contre les sorciers et les magiciens ne firent point cesser le culte rendu au démon, et il fallut très-souvent renouveler les prohibitions à cet égard. On voit dans les canons des conciles, dans les sermons des Pères, dans les lois des souve

(1) Lib. I, adversus hæres., cap. xx et xxm).

(2) Hist. eccles., lib. V, c. 24.

(3) Crespet, de odio Satanæ, lib. I, disc. 15, donne comme l'une des causes qui font que la magie accompagne d'ordinaire l'hérésie : quod dæmones in hæreticis ut olim in idolis habeant domicilium, etc.

rains romains ou barbares la preuve des efforts continuels faits pour diminuer le nombre des sorciers, et par conséquent la preuve de la persistance de la sorcellerie. Le concile de Laodicée défendit aux ecclésiastiques d'être magiciens et enchanteurs. Divers écrits d'Origène, de S. Éphrem, de S. Jean Chrysostome, de S. Gaudence, de S. Ambroise, de S. Augustin, un sermon célèbre de S. Éloi sont dirigés contre la magie et les superstitions. Le concile de Carthage, en 398, le concile d'Agde, en 506, et une foule d'autres, qui appartiennent à des époques postérieures et qu'il serait inutile de mentionner ici, proscrivent les superstitions et condamnent les magiciens. Une loi romaine porte que les enchanteurs, ceux qui envoient des tempêtes, ceux qui invoquent des démons et se livrent à la divination, seront punis de mort (1). D'après les lois d'Alfred, roi d'Angleterre, une femme qui reçoit des magiciens, des enchanteurs, des sorciers, et celui qui offre des sacrifices à d'autres qu'à Dieu seul doivent subir la mort (2). Des lois anglaises prononcent contre les enchanteurs la peine capitale ou celle de l'exil (3). Un capitulaire de Charlemagne de 789 est dirigé contre les enchanteurs, et contre ceux, en particulier, qui soulèvent à volonté des orages (4). Un autre capitulaire, de l'an 805, ordonne qu'on se saisisse des enchanteurs, augures, devins, tempêtiers, mais qu'on ne les fasse pas périr, et que seulement on les tienne en prison jusqu'à ce qu'ils se soient amendés (5).

(1) « XIII. Malefici vel incantatores et missores tempestatum, vel hi qui per invocatio« nem dæmonum mentes hominum turbant, hi vero omni pœnarum genere punian«< tur.... Quicumque sacrificia dæmonum celebraverint, vel incantationum dæmones << invocaverint, capite puniantur. Similiter, quicumque invocationem dæmonum, vel in divinos ariolos appellant, vel in aruspices qui auguria cablant crediderint, capite puniantur.» (Lex Romana, ap. Canciani, leg. barbar., t. II, part. IV, p. 402.) (2) « XXX. Fœminam quæ consuevit excipere incantatores et magos et sagas, ne «sinas vivere... XXXII. Et si quis sacrificium immolaverit præter Deo soli, morte « moriatur.» (Leges Alfredi regis, 872 à 901, ap. Canciani, t. II, 1. IV, p. 245.)

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(3) V. leg. Eadwardi et Guthrani reg,, ap. Canciani, t. II, l. IV, c. x, p. 259; leg. Athelstani, ibid., VI, p. 261; canon. editi sub Eadwardo rege, ibid., XVIII, p. 276; Northumbrensium presbyterorum leges, ibid. XLVIII et LIV, p. 286; concil. Anhanense, vers 1006, ibid., p. 297; leges Cnuti regis, ibid., IV et V, p. 304.

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(4) « Ideo præcipimus ut nec cauculatores et incantatores, nec tempestarii vel obligatores non fiant, et ubicumque sunt emendentur et damnentur... » (Caroli magni capitul. aquisgranense an. 789, capit. LXIII, ap. Baluz., t. I, p. 235.)

(5) « De incantationibus, auguriis vel divinationibus et de his qui tempestates vel

aliqua maleficia faciunt, placuit sancto concilio ut, ubicumque deprehensi fuerint,

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