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jeu des conditions et des caractères, permet au langage le plus d'énergie, de naturel et de variété. Pour cette épreuve, elle prenait la meilleure épo= que, celle où l'idiome français, souple et ductile comme le métal brûlant, gardait profondément l'empreinte de la pensée. Les langues sont un domaine commun où le génie se fait une propriété particulière. De même que, par une invention de nos jours, les objets extérieurs, les masses, les détails même, se gravent spontanément sur une surface préparée où la lumière réfléchit leur image, ainsi dans l'idiome d'un peuple se reproduisent d'euxmêmes, au grand jour de la vie, ses usages et ses mœurs. Mais à côté de ce dédoublement d'un siècle et de sa langue, et de cette mutation des choses par les paroles, le génie et la passion, qui est le génie du moment, ajoutent la création à la copie. Le fond général d'une langue, c'est la peinture par reflet, par l'action seule de l'objet et de la lumière; le style, c'est l'œuvre inspirée du peintre. Sans doute, il n'est pas besoin d'un vocabulaire pour discerner ces deux origines. On les juge mieux cependant par cette étude. En la demandant, l'Académie, sur onze ouvrages, a obtenu deux travaux remarquables : l'un, inscrit sous le n° 3, distribue et explique, dans un immense recueil, toute la diction de Molière; l'autre, le n° 10, en réunit les traits les plus expressifs dans un choix qui n'oublie rien. Des considérations instructives précèdent les deux ouvrages, entre lesquels l'Académie a partagé le prix qui vient d'être doublé. Leur mérite, comparé, a été apprécié dans un rapport que nous ne pouvons lire à cette séance, ni abréger sans l'affaiblir. Les auteurs, que leurs noms désignent assez, sont MM. Genin et Guessard. Une première mention est encore accordée au no 11, et une seconde au n° 8. »

Dans toute cette partie de son discours, M. le secrétaire perpétuel a paru, comme un dieu d'Homère, s'envelopper de nuages, pour lancer de là, sans être aperçu, ses flèches contre les pauvres humains. Ni l'Académie ni les lauréats n'échappent à ses atteintes ; peut-être même le public en a-t-il sa part.

Dès le début on sent l'épigramme. Le concours est annoncé comme ayant porté sur le style de Molière. Pourquoi dire le style, quand le programme dit le langage? C'est qu'à la fin de sa période, le rapporteur se propose d'imputer à l'Académie la fantaisie singulière d'avoir voulu prouver au monde que le style d'un grand écrivain, c'est-à-dire son génie, ne peut pas se mettre en dictionnaire. Voyez la belle expérience, se prend-il à dire là-dessus, et comme il était utile de la faire! Là est le trait final. Il serait excellent, si l'Académie avait eu l'intention qu'on lui prête. Malheureusement, le bon sens est là pour prendre la réplique, et objecter que l'Académie, ayant voulu qu'on lui fît un travail sur la langue française, a choisi tout naturellement pour thème les écrits de Molière, où le bon français passe pour se trouver en assez grande abondance, et sous plus de formes qu'en aucun autre genre d'ouvrage.

Arrivé aux lauréats, le secrétaire perpétuel nous apprend qu'ils jouissent

tous deux de l'avantage d'être complets; mais l'un l'a été en ne prenant pas tout, et l'autre en ne laissant rien passer. Voilà certes deux philologues d'un grand mérite, surtout celui qui a trouvé le secret d'être complet sans l'être.

Autre malice dont il faut que ces lauréats soient victimes. Entre leurs deux manières d'être complets, l'Académie, pour une raison ou pour une autre, avait mis en première ligne celle de M. Guessard. Elle avait décidé, en conséquence, bien que le prix fût partagé ex æquo, que le nom de M. Guessard passerait le premier, comme le prouvent de reste et le procèsverbal académique et le programme de la séance. Que fait M. le secrétaire perpétuel ? Il nomme M. Guessard le second, et par là trouve façon de mortifier deux personnes; car ni l'un ne peut consentir à recevoir ce qui ne lui est pas dû, ni l'autre n'est satisfait qu'on lui enlève ce qui lui appartient. Le cas du premier nous semble particulièrement désagréable: probablement c'est sur celui-là que tombe surtout le poids de la plaisanterie. Quant à l'Académie, elle est de trop bon ton pour s'en plaindre. Sa résignation à souffrir est connue, et s'est montrée une seconde fois dans la même séance, toujours à l'occasion des concours.

Elle avait à disposer d'un prix fondé par le comte Maillé de la Tour-Landry, en faveur d'un littérateur digne de compassion et d'encouragement. Son choix tombe sur M. Lafon-Labatut, un pauvre ouvrier, jeune et aveugle, qui a fait des vers, qui est digne de compassion et qui n'est pas indigne d'encouragement. Informé de cela, M. le ministre de l'instruction publique s'empresse d'ajouter une pension littéraire à la couronne de M. Lafon-Labatut de plus, il prie l'Académie de vouloir s'associer à ce bienfait et d'en faire part elle-même au jeune poëte. L'Académie ne demande pas mieux, et décide qu'il en sera aussi fait part au public; mais hélas! son secrétaire perpétuel, mû on ne sait par quel propos, se refuse à dire quoi que ce soit et du prix, et de M. Lafon-Labatut, et du bienfait, et finalement n'en dit rien. Est-ce encore une plaisanterie? Si c'en est une, sur quoi porte-t-elle ? sur le jugement de l'Académie, sur l'infortune du lauréat, ou sur la libéralité du ministre ?

Pour en revenir à nos philologues, le rapport dit que leurs noms les recommandent assez. Cela est vrai pour l'un, et non pas pour l'autre. M. Guessard, devenu M. Guenard, risque fort de n'être pas reconnu par les futurs commentateurs des œuvres mêlées de M. Villemain. Voyez pourtant quelle malencontreuse faute d'impression; et le plus diabolique, c'est qu'elle se produit le même jour et dans le Moniteur et dans le Journal des Débats; de façon que raisonnablement on ne peut pas l'attribuer à la négligence des imprimeurs. Il faut qu'il y ait là-dedans de la faute du secrétaire de M. Villemain. Ce jeune étourdi (car ce ne peut être qu'un enfant) n'a pas bien épelé le brouillon de son maître, malgré les avertissements réitérés qu'il a dû recevoir de faire attention aux noms propres. Il a lu Guenard, et a écrit Guenard dans ses deux copies, s'il n'en a fait que deux. On

frémit quand on songe que ce petit malheureux, par une bévue toute contraire, eût pu écrire Gessin au lieu de Genin. Il aurait fait deux victimes au lieu d'une, ce qui est déjà trop. M. le secrétaire perpétuel y réfléchira, nous aimons à le croire, et, prenant exemple de la présente circonstance, ou il ne s'en rapportera plus à une main mercenaire pour reproduire ses écrits, ou il ne lâchera plus sa copie aux compositeurs, comme la sibylle ses oracles. Les altérations de noms propres sont trop à redouter, surtout pour celui qui écrit en vertu d'une qualité dont il est investi au seul effet de publier des noms propres. L'erreur, dans ce cas, risque d'être prise pour un travestissement prémédité, et l'on peut s'entendre accuser d'avoir manqué tout ensemble aux règles du savoir-vivre et au devoir de la justice. N'oublions pas de dire que, dans cette même séance, un autre de nos confrères, M. Dareste, professeur d'histoire au collége Stanislas, a été mentionné avec honneur pour son éloge de Turgot.

- L'Académie royale de Rouen, dans la séance publique dont nous avons dernièrement rendu compte, avait exprimé l'espoir que le travail de notre confrère M. E. de Fréville, sur le commerce maritime de Rouen, serait promptement publié. Ce vœu vient d'être accompli de la manière la plus honorable pour M. de Fréville. Le conseil général de la Seine-Inférieure, le conseil municipal et la chambre de commerce de Rouen ont voté chacun une somme de 500 fr. pour les frais d'impression de l'ouvrage.

Le cabinet des antiquités de la Bibliothèque du roi a récemment fait l'acquisition de deux morceaux d'orfévrerie mérovingienne, qui ont été trouvés l'année dernière à Gourdon (Saône-et-Loire). Ces objets sont d'or massif et enrichis de grenats incrustés. Ils consistent en un petit vase à deux anses fait en forme de canthare, et en un plateau de forme rectangulaire à rebords convexes, au fond duquel est figurée une croix en relief. Il est évident que le vase et le plateau ont servi au culte chrétien La barbarie du travail, la présence d'un grand nombre de pièces d'or à l'effigie des empereurs Auguste et Justin, qui se trouvaient dans le même lieu, ont fait supposer que ces objets avaient été enfouis lors de l'invasion de l'Autunois par les rois francs Clotaire I 'et Childebert I en 532.

LES VAUDOIS

DU QUINZIÈME SIÈCLE.

Au milieu du quinzième siècle, le bruit se répandit qu'il existait en France, dans la Flandre, en Savoie, une hérésie abominable, dangereuse pour la religion et pour la société, une secte infernale et digne de la haine de tous les bons chrétiens; on l'appelait l'hérésie ou la secte vaudoise. Des informations furent commencées, particulièrement en Artois et en Picardie; bientôt ce fut une persécution. Beaucoup de gens, dans les tortures, avouaient, disait-on, qu'ils avaient fait partie de la secte, et désignaient aux juges de nouveaux hérétiques. En peu de temps, par les efforts très-actifs de quelques membres du clergé, les prisons se remplirent de gens accusés de Vauderie; d'après ceux qui voulaient trouver des coupables, un tiers de la chrétienté, et plus, partageait les erreurs vaudoises; des ecclésiastiques, des évêques, des cardinaux, étaient infectés de Vauderie. La ville d'Arras, placée alors sous le gouvernement du duc de Bourgogne, fut le principal théâtre de la persécution, et les gens d'église, en l'absence de l'évêque, y poursuivirent avec une violence impitoyable les personnes suspectes de Vauderie, gens du peuple, bourgeois ou nobles. L'affaire fit grand bruit, et la plupart des écrivains contemporains l'ont mentionnée avec plus ou moins de détails. Mais ils se sont bornés III. (Deuxième série.)

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à exposer les faits, et s'ils se sont permis une appréciation, elle porte plutôt sur la moralité des persécuteurs que sur la réalité de l'hérésie vaudoise. Parmi les historiens modernes, les uns n'ont point mentionné la Vauderie du quinzième siècle, les autres ont signalé son existence, mais sans avoir compris quelles étaient ses origines, d'où elle venait, ce qu'elle voulait, et, pour tout dire, ce qu'elle était. Voltaire, qui a parlé de tout, n'a pas prononcé un seul mot sur les Vaudois du quinzième siècle, et l'on doit s'étonner que le grand renverseur d'autels ait manqué une aussi bonne occasion de lancer ses foudres sur le clergé chrétien. M. de Barante a donné le récit des événements de la Vauderie d'Arras; mais là, comme dans bien des pages de l'Histoire des ducs de Bourgogne, il a moins écrit en historien qu'en chroniqueur (1). Rien n'est éclairci: seulement, M. de Barante montre une noble pitié pour les victimes et flétrit avec énergie les passions haineuses et cupides des juges. M. Michelet paraît avoir oublié la Vauderie. M. de Sismondi en a fait une légère esquisse; il a posé quelques questions. Mais on voit bien que, préoccupé par des faits plus saillants, il a glissé sur celui-là, et ne lui a pas accordé toute l'attention qu'il mérite.

En somme, la Vauderie du quinzième siècle n'a été ni racontée d'une manière complète, ni appréciée d'une façon satisfaisante. Les documents étaient peu nombreux, peu explicites, et il ne paraissait sans doute pas très-utile de prendre la peine d'en chercher d'autres. Aujourd'hui les documents se sont présentés d'eux-mêmes, et en éclairant un épisode singulièrement dramatique de l'histoire du quinzième siècle, ils lui donnent un nouvel intérêt. Voici quelques détails sur les Vaudois; voici les textes que nous avons recueillis à leur sujet, et les réflexions que ces textes nous ont inspirées.

I.

Le premier document où nous ayons trouvé le nom de Vaudois appliqué aux membres de la secte dont nous nous occu

(1) On sait au reste quelle est la devise de M. de Barante: Scribitur ad narrandum, non ad probandum.

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