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par Auripert, dont la volonté était de donner la liberté à des hommes de condition servile qui n'étaient pas moins de quarante. Ne nous plaignons pas trop de ce qu'il n'est pas dit dans la pièce si ces hommes étaient des esclaves proprement dits, ou des colons romains, ou des serviteurs (massari), ou des aldi, et ne croyons pas que si leur qualité eût été exprimée avec précision, on eût pu en déduire d'une manière plausible la solution de la question de savoir si Auripert, son frère et Rotrude étaient des Lombards ou des Romains originaires du royaume; car il est très-raisonnable de croire, ou du moins fort permis de supposer qu'entre Lombards et Romains, de quelque condition qu'ils fussent, existait le commercium, c'est-à-dire, la faculté de s'acheter, de se vendre mutuellement les biens immeubles avec les personnes qui faisaient partie de ces biens, à quelque titre que ce fùt; de sorte que les différentes qualifications des esclaves et des autres personnes de condition serve ne doivent pas être regardées comme un moyen infaillible de déterminer la race de leur maitre (1).

« Non moins précieux me semble le discours sorti de la propre bouche du roi Didier, qui déclare avoir vu la disposition (judicatum) d'Auripert, et avoir présenté requête à son prédécesseur Astolphe, afin qu'il voulût bien la confirmer. C'est une chose connue, en effet, combien a déjà été débattue parmi les érudits la question de savoir si Didier, avant de monter sur le trône, fut jamais duc de toute la Toscane, puis duc de Lucques. Et comme nous savons qu'il avait vu la disposition d'Auripert, et qu'il s'était entremis auprès du roi Astolfe pour la faire confirmer, nous pouvons conjecturer avec quelque vraisemblance qu'il avait été envoyé en Toscane ou ailleurs par ce prince, pour y exercer au moins un pouvoir extraordinaire (temporaire), beaucoup plus tôt que ne le donnaient à entendre les paroles d'Anastase le bibliothécaire, qui nous le montre comme à peine arrivé dans ce pays lorsqu'il apprit la mort du roi (2).

(1) Tout au plus resterait-il du doute sur ce point, si lorsqu'une telle vente était faite à un Romain, le mundium n'était pas, comme le reste, aliéné en sa faveur. Mais comme le mari romain pouvait acquérir le mundium sur la femme lombarde ( LL. Liutpr. VI, L. 74), je ne saurais voir pourquoi il n'aurait pas pu l'acquérir aussi sur les aldi, les massari, etc.

* (2) Anastas. in Stephani vita. - Fragment. Longob. historiæ, etc.; dans les scriptor. Rer. ital., t. I, part. II, pag. 113. Muratori, Annali d'Italia; an 756.

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Enfin, quant aux personnes des juges et des notaires nommés dans cette charte, je terminerai en disant que dans Giselpert on reconnait un célèbre duc de Vérone, et que je n'ai point rencontré mention ailleurs de Bursio le majordome et d'Arsiulf le gastalde, peut-être parce que je n'ai pas mis dans mes recherches la diligence que les érudits ont coutume de mettre. Il en est de même de Léontace, dont le nom n'a point encore paru, que je sache, dans les chartes datées du palais du roi Didier, et qu'il faut compter maintenant parmi les principaux notaires royaux. On peut cependant noter le nom de Pierre, notaire subalterne (1), qui atteste avoir écrit la charte (2). »

Il ne nous reste, pour avoir terminé, qu'à signaler une rectification fournie par notre document à l'Art de vérifier les dates. La date indiquée dans cette pièce est la sixième année du règne de Didier, la troisième de celui de son fils Adelchis, indiction quinzième. C'est en 756 que Didier monta sur le trône (3), et, en effet, l'année 762 correspond à la quinzième indiction; mais alors c'est en 759 qu'Adelchis ou Adalgise fut associé à la royauté, et toutes les éditions de l'Art de vérifier les dates fixent cet événement à l'année 769. C'est donc une erreur de dix ans qu'on doit y corriger.

(1) Voy. Fumagalli, Cod. S. Ambros., p. 36.

(2) Toutes les notes qui accompagnent ce fragment de traduction sont aussi de l'auteur italien.

(3) On a beaucoup disserté sur l'époque où commença le règne de Didier. Voyez notamment Fumagalli, Codice S. Ambrosiano, p. 34 et suiv.

H.-L. B.

TITRES

CONCERNANT

RAIMOND DU TEMPLE

ARCHITECTE DU ROI CHARLES V.

Raimond du Temple est connu pour avoir reconstruit le Louvre en 1365 ouvrage qui lui fit grand honneur en son temps, et dont il se tira avec l'approbation d'un maître « sage artiste », lequel « de géomé<< trie qui est l'art et science des mesures et ecquerres, compas et lignes, << s'entendoit souffisamment et bien le monstroit en devisant de ses édif<«<fices. » C'est ainsi que Christine de Pisan parle de Charles V (1), et un peu plus loin elle signale le Louvre comme l'un des notables édifices qu'il faille rapporter à son règne. La partie sur laquelle Raimond du Temple avait surtout déployé les ressources de son art, était le grand escalier d'honneur, relié aux bâtiments de l'entrée principale, du côté de la cour. C'était une hélice dont le rayon surpassait tout ce qu'on avait jamais fait de plus grand en ce genre, car les marches portaient sept pieds de large. La cage était d'une décoration splendide, toute ouvragée à jour, avec des niches où étaient placées des statues de rois et de sergents d'armes. Le vieux Sauval, à qui nous devons ces détails (2), avait trouvé dans les registres de la chambre des comptes la mention d'un autre fait assez piquant. Lorsque Raimond du Temple en fut à la construction de ce fameux escalier, les carrières des environs de Paris ne lui fournissant pas de pierre à son gré, il acheta de la fabrique de l'église des Innocents les vieilles tombes en liais qu'on avait enlevées du cimetière. Voilà qui prouverait à soi seul la sollicitude d'un bon constructeur, si notre architecte n'avait reçu comme tel un hommage éclatant de la part de Pierre Lescot. Lorsque ce grand artiste refit à son tour le Louvre de Charles V, il trouva la fondation si bonne, qu'il la conserva autant que cela lui fut possible. Il fit de même pour un pan de mur qui

(1) Le livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles le Quint, 3o partie,

c. 10.

(2) Antiquitez de Paris, t. II, p. 11.

forme l'appui du gros pavillon situé aujourd'hui dans l'angle sud-ouest du palais (1). Qui sait s'il n'était pas dans son plan d'utiliser aussi l'hélice de son devancier ? Il est certain que tous les architectes de la renaissance respectèrent cette partie du vieux Louvre. Elle ne tomba que lorsque Louis XIII eut fait reprendre les travaux par Jacques Mercier. C'est à ce peu de notions qu'a été réduite jusqu'à présent la biographie de Raimond du Temple. Quatre cédules du cabinet des titres de la Bibliothèque royale vont nous permettre d'y ajouter quelques traits.

En 1376, il avait un fils étudiant à Orléans, dont le roi lui avait fait l'honneur d'être parrain. La première de nos cédules est un don de 200 francs d'or que Charles V fait à ce fils, son filleul, « pour lui acheter des livres et autres choses nécessaires pour lui »; la seconde est la reconnaissance du jeune Charles (Charlot du Temple, comme lui-même s'appelle) payé de ses deux cents francs à Paris, le 6 novembre 1377, au moment où il retournait de vacances à « l'étude d'Orléans.

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La libéralité de Charles V envers Charles du Temple est motivée par la satisfaction que lui causent les services du père, son « bien-aimé sergent d'armes et maçon ». Ainsi Raimond du Temple cumulait avec les fonctions d'architecte celles de garde-du-corps, car les sergents d'armes étaient des huissiers militaires institués par Philippe-Auguste « pour son corps garder», selon l'expression des Grandes chroniques (2). Or, cette circonstance explique pourquoi les sergents d'armes figuraient sculptés à côté des statues des rois, dans le grand escalier du Louvre. Raimond du Temple avait trouvé, dans ce système de décoration, un moyen indirect de signer son œuvre, tout en glorifiant par un monument durable le corps dont il faisait partie.

La troisième des pièces que nous publions nous transporte à l'année 1394, sous le règne de Charles VI. Raimond du Temple vit toujours, exerçant comme par le passé les fonctions de sergent d'armes. Sa position industrielle est d'ailleurs améliorée de simple maçon il est devenu maître des œuvres de maçonnerie du roi. Employé par le duc d'Orléans à la construction de l'hôtel de Bohême, ainsi qu'à celle de la grande chapelle d'Orléans aux Célestins, il obtient du prince, à titre de gratification, 200 francs d'or, dont la moitié lui est payée deux mois et demi après l'ordonnancement. La quittance donnée par Raimond du Temple lors du payement de cette somme, forme l'objet de notre dernier titre. Cette pièce, comme toutes les quittances, ne fait que répéter

(1) Androuet du Cerceau, Les plus excellens bastimens de France.

(2) Edition in-18, t. IV, p. 90.

les termes du mandat y correspondant; mais comme elle est munie du sceau de la partie prenante, nous la croyons bonne à signaler. Elle apprend que le Maître des œuvres de Charles VI scellait d'un petit cachet de 0,018 de diamètre, portant pour effigie une tête barbue dessinée de profil, tournée à gauche et entourée, pour légende, des mots : seel Ramont du Temple.

Terminons par une conjecture que nous suggère la date des deux dernières pièces qui viennent d'être analysées.

On a placé dans l'église souterraine de Saint-Denis deux pierres gravées, provenant de l'ancienne église de Sainte-Catherine-du-Val-desÉcoliers, lesquelles représentent des sergents d'armes en habit civil et en habit de guerre. A en croire l'inscription qui accompagne ces figures, elles seraient un ouvrage du temps de saint Louis, exécuté en accomplissement d'un vœu que fit le corps des sergents le jour de la bataille de Bouvines. Alexandre Lenoir s'en rapporta à l'inscription, et rangea les deux pierres parmi les monuments du treizième siècle, dans son Musée des monuments français. Willemin, qui depuis grava les costumes des sergents d'armes, fit la même chose (1). La science archéologique, plus avancée aujourd'hui, sait se défier des textes, même les plus positifs, lorsqu'ils donnent aux monuments une antiquité démentie par le style de ces monuments. Les deux pierres de Saint-Denis sont datées par le costume des figures qu'elles représentent, et l'on peut affirmer, sans crainte d'erreur, qu'elles ont été exécutées de 1390 à 1400. Il faut donc admettre que le monument du temps de saint Louis étant détruit ou effacé à la fin du quatorzième siècle, le corps des sergents d'armes voulut qu'il fût refait. Or est-il supposable qu'un autre que Raimond du Temple ait été chargé du soin de cette restauration ? Nous ne voulons pas dire qu'il grava les pierres en question; ce serait même se risquer que de prétendre qu'il en donna le dessin; mais à coup sûr elles furent faites sous ses yeux et d'après ses indications.

Nous renvoyons au monument lui-même ou à la gravure de Willemin ceux qui voudront se faire une idée de ce que semblait maître Raimond du Temple, lorsque, déposant le compas et la règle, il caracolait autour du roi, sa grande masse de cuivre à la main, tantôt vêtu de velours et de fourrures, tantôt bardé de fer comme un chevalier.

(1) Monuments inédits, t. I.

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