Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

trop souvent, on le sait, que les fils de parents riches ne veulent rien faire, et que ceux qui veulent faire en sont empêchés par la situation de leur famille. Donc nos jeunes gens, à la sortie des laborieuses études de l'école, peuvent se trouver sans ressources suffisantes. Les autres écoles spéciales mènent à une carrière dont l'étendue se mesure dès qu'on y entre; on voit qu'elle conduit, de grade en grade, jusqu'à une position élevée, qu'on n'atteindra peut-être jamais, mais enfin qu'on peut atteindre un jour; et l'espérance suffit pour soutenir le courage. Jusqu'ici une telle carrière, fixe et déterminée, n'a pu être offerte aux élèves de l'école des chartes.

Il a donc fallu leur chercher divers emplois qui pussent mener, les uns dans un ordre hiérarchique de fonctions qui leur présente une perspective d'avancement, et fournir aux autres des travaux temporaires, qui leur permettent de se distinguer, de vivre honorablement, en attendant qu'ils aient trouvé une situation fixe.

Dans l'ordonnance de 1829, on avait tâché d'y pourvoir, en leur donnant entrée dans les bibliothèques publiques et les archives du royaume, selon une proportion qui, par malheur, n'a point été observée. La nouvelle ordonnance, en consacrant ces mêmes droits, qui, nous en avons la confiance, seront à l'avenir mieux respectés, y en ajoute d'autres qui agrandissent de beaucoup le cercle des emplois et des travaux auxquels les archivistes auront un droit reconnu. Ainsi, ils ont droit aux places de professeurs et répétiteurs de l'école; à celles d'archivistes des départements et bibliothécaires des villes; aux fonctions d'auxiliaires pour les grands corps d'ouvrages publiés par l'Académie des inscriptions et belles-lettres; enfin, ils vont être chargés de la publication des documents inédits de l'histoire de France.

Ce sont là, messieurs, les nouveaux moyens que l'ordonnance du 31 décembre fournit aux élèves de l'école de rendre leurs talents utiles pour leur pays et pour eux-mêmes. Ils permettront de n'en laisser aucun sans emploi, soit actuellement, soit plus tard.

Et, en faveur de ceux qui ne pourraient pas obtenir un emploi immédiat, elle contient une disposition où vous reconnaîtrez cette prévoyance bienveillante pour les personnes qui distingue tous les actes du ministre signataire de cette ordonnance. Tout élève, en recevant son diplôme d'archiviste, jouira en même temps d'une pension de 600 fr. tant qu'il n'aura pas trouvé d'emploi.

Ce peu de détails suffisent, messieurs, pour vous faire apprécier le but et la portée de cet acte qui, je le répète, constitue l'école sur des bases solides et durables.

Maintenant, si l'on demande quel résultat il est permis d'attendre de cette organisation nouvelle, pour répondre à cette question, il suffira de rappeler en peu de mots ce qu'a produit l'ancienne école, malgré sa constitution défectueuse.

Depuis son origine jusqu'en 1841, le nombre des élèves pensionnaires, admis dans cette école, a été de cinquante-quatre seulement. Douze de ces élèves appartiennent à la première école de 1820 à 1822. Sur ce nombre, six ont renoncé à la carrière paléographique; mais, restés fidèles aux études sérieuses, ils ont su conquérir une position honorable et une réputation incontestée : l'un, membre de l'Institut, s'est placé au premier rang des orientalistes de l'Europe; le deuxième est professeur à l'école des langues orientales vivantes; le troisième est mort professeur de géographie à la faculté des lettres; le quatrième est curé d'une paroisse de Paris, après avoir été professeur à la faculté de théologie; le cinquième est arrivé par son instruction et son mérite à la place de bibliothécaire de l'Institut; le sixième, bibliothécaire de la ville, est un littérateur exercé, connu par d'excellents articles de critique.

Des six autres, l'un, que tous reconnaissent pour leur maître, est membre de l'Institut, et professeur de l'école depuis 1831; un deuxième vient d'être nommé profes

seur dans cette même école; deux ont obtenu le grand prix Gobert, décerné par l'Institut; des deux derniers, l'un, qui a remporté deux prix à l'Institut, est auteur de plusieurs ouvrages très-longs; l'autre, de divers mémoires et d'un ouvrage important, encore inédit.

N’ai-je pas eu raison de regretter plus haut que cette première école, après de tels résultats, fût tombée en désuétude pour ne se relever qu'après un intervalle de sept ans?

Par un bonheur singulier, elle n'avait attiré, presque sans exception, que ces esprits d'élite, ordinairement si rares.

La nouvelle école, entre 1831 et 1841, n'a reçu que quarante-deux pensionnaires, dont plus de la moitié se sont distingués par des écrits également relatifs, sans exception, à notre histoire nationale, et dont le mérite est attesté par les récompenses que l'Institut leur a décernées.

L'énumération seule de ces écrits m'entraînerait beaucoup trop loin; qu'il me suffise, pour faire apprécier le mérite de leurs auteurs, de rapporter que trois d'entre eux ont obtenu des prix à l'Institut, un d'eux a mérité de partager un accessit, dix ont obtenu des médailles, six autres ont publié des ouvrages qui prendront un rang distingué dans la science, six sont archivistes ou attachés aux publications historiques du ministère de l'instruction publique, neuf autres enfin ont publié, dans le recueil intitulé Bibliothèque de l'école des chartes, d'excellents mémoires, aussi remarquables par la justesse des vues que par l'exactitude et la profondeur des recherches. Au milieu de la diversité de mérite qui naît de celle des esprits, on reconnaît, dans tous ces ouvrages, la clarté, l'ordre, la convenance du style au sujet, qualités modestes, médiocrement prisées de la foule, mais au plus haut point estimées des connaisseurs car ce sont les qualités propres à l'esprit français, que l'invasion du germanisme menaçait en vain il y a quelques années d'oblitérer et de détruire. Mais non! le bon sens, ce roi du monde, conservera toujours en France le trône que lui ont élevé nos grands génies du dix-septième siècle.

Voilà, messieurs, en résumé, ce qu'a produit l'école jusqu'en 1841. N'êtes-vous pas frappés, comme moi, de cette remarquable constance dans la direction des travaux de cette jeunesse érudite, qui ne dévie pas de la route qu'elle a une fois choisie? Au milieu des distinctions et des séductions du monde, elle reste constamment attachée à des études spéciales, en apparence ingrates, assurément peu favorisées de la mode et peu propres à donner cette popularité décevante, mais passagère, que d'autres poursuivent avec tant d'efforts, à laquelle ils sacrifient même, peut-être à leur insu, les plus chers intérêts de la vérité.

N'admirez-vous pas aussi que cette jeunesse, devenue entièrement libre après avoir passé les examens, abandonnée alors à elle-même, résiste, par la force de l'impulsion salutaire qu'elle a reçue, aux préoccupations, aux goûts du moment, et ne donne dans aucune de ces aberrations littéraires, politiques ou religieuses, où se laissent entraîner à notre époque tant de jeunes intelligences des plus distinguées? Non, messieurs, aucun de nos jeunes paléographes n'est entré dans ces conspirations contre le sens commun, dont nous sommes témoins chaque jour. J'ai beau chercher, je ne vois pas qu'aucun d'eux ait seulement songé à inventer ni système de philosophie, ni la plus petite religion nouvelle!

Tels sont donc, messieurs, le pouvoir et le mérite des études sérieuses et approfondies; elles donnent un goût indélébile pour le vrai et le beau; elles sont un bouclier assuré pour un esprit droit, contre les égarements dont il aurait, sans leur secours, tant de peine à se garantir.

Eh bien, messieurs, ce qu'a produit d'excellent l'ancienne école, malgré les défauts de son organisation, nous autorise à concevoir les plus belles espérances sur les résultats qu'elle produira, maintenant que l'enseignement y est plus complet et mieux pondéré; car les deux savants professeurs à qui l'on doit les résultats que je viens de faire ressortir continueront de lui donner le secours de leurs lumières et de leur expérience. Le nouveau professeur qui va les seconder est élève lui-même de l'école ainsi que les quatre répétiteurs, chargés aussi d'une partie de l'enseignement; car, il faut encore le remarquer à l'honneur de cette ancienne école, c'est dans son sein que M. le ministre a pris tous les fonctionnaires qui devaient concourir à la prospérité de la nouvelle. Assurément il ne pouvait mieux faire; et, je ne crains pas de le dire, s'il avait eu besoin d'en doubler le nombre, il n'aurait encore eu que l'embarras du choix. Je n'ai plus qu'un seul mot à dire. Je m'adresse aux jeunes gens qui doivent former la nouvelle école, et dont j'aperçois plusieurs dans cette enceinte : qu'ils suivent l'exemple de leurs devanciers; mais, qu'ils le sachent bien, ils sont en conscience obligés d'aller encore plus loin qu'eux, car ils ont trois années d'études; l'enseignement qui va leur être donné sera plus étendu, sans être moins approfondi. Ils vont avoir plus de moyens d'instruction que n'en ont eu les anciens élèves; ils n'auront donc le droit de se considérer comme leurs égaux que s'ils parviennent à les surpasser.

Ce discours, dans lequel M. le directeur a rendu aux travaux d'érudition de l'ancienne école un témoignage si honorable et si précieux pour nous a 9 été constamment écouté avec une attention marquée, et fréquemment interrompu par les applaudissements de l'assemblée.

M. Jules Quicherat, répétiteur général, a lu ensuite un mémoire intitulé: Histoire du costume en France aux treizième et quatorzième siècles. Après avoir reçu le serment de MM. les professeurs et répétiteurs, M. le ministre a terminé la séance par un discours aussi remarquable par l'élévation des pensées que par la générosité des sentiments, et que l'auditoire a accueilli avec les marques de la plus sympathique approbation. M. le ministre s'est exprimé en ces termes :

Messieurs,

C'est un jour heureux dans une vie publique, que celui où il nous est donné d'assurer les destinées d'une institution nationale et utile, de perpétuer des travaux également importants pour les progrès de la science et pour la gloire du pays, de présider à une solennité qui inaugure, pour la partie studieuse de la jeunesse française, pour nos corps savants les plus illustres et pour l'étude des annales de la France, un nouvel avenir.

L'école des chartes, pensée heureuse et française de la restauration, était restée un dessein généreux plus qu'une véritable institution. Elle n'avait point de foyers, point de cours public, point d'enseignement complet et dignement rétribué. Les élèves n'avaient point de perspective certaine. On ne peut assez admirer qu'avec cette organisation insuffisante, elle ait produit tout ce que la France lui a dû d'hommes éminents et de travaux utiles.

Tout ce qui lui manqua jusqu'à ce jour, elle le possède désormais. A dater de ce moment, elle a un chez soi digne d'elle; elle est l'annexe et non la dépendance de ce

vaste établissement où reposent, rassemblés pour être étudiés, mis en lumière, livrés à toutes les investigations de la critique et de l'histoire, les monuments écrits des plus vieux siècles de la monarchie. Son professorat s'est agrandi et constitué; son enseignement s'étendra à toutes les branches de la paléographie et de la diplomatique. Le public studieux pourra profiter tout entier de ses leçons; et le jeune auditoire, qui vient demander des grades à cette faculté nouvelle, y trouvera la certitude d'un appui constant de l'État à tous les degrés de la carrière.

J'énumère, messieurs, avec complaisance ces heureux résultats, parce que j'ai à en reporter l'honneur à tous ceux qui ont été mes collaborateurs et mes devanciers dans la tâche d'asseoir l'école des chartes sur de plus solides fondements. Le gouvernement du roi a rencontré une assistance généreuse et empressée dans les grands pouvoirs de l'État. Car c'est une vertu de nos institutions que, si quelquefois le bien y coûte plus d'efforts et ne s'y réalise que plus éprouvé, parce qu'il a été plus combattu, il s'y accomplit aussi toujours plus sûrement et plus complétement que partout ailleurs. Mais, messieurs, je ne remplirais pas tout mon devoir et ne répondrais pas à toute votre pensée, si je renfermais ma reconnaissance et la vôtre dans cet hommage général aux pouvoirs qui représentent si dignement les intérêts et l'esprit de la France. Ministre, j'aime à constater dans cette solennité publique ce que la cause de l'institution a dû à la ferme et persévérante initiative, au concours loyal et habile d'esprits élevés de l'opposition. Il est des noms qui seront toujours prononcés avec reconnaissance dans cette enceinte; chacun de vous a nommé déjà M. Taillandier et M. Ferdinand de Lasteyrie. Il convenait à cette cause de l'étude laborieuse des annales de la patrie de réunir dans un même effort tous les amis des progrès du pays et de sa gloire.

En effet, messieurs, dans l'état actuel de la société, avec le courant qui entraîne les esprits à la poursuite des résultats prompts et productifs, il y avait péril que les travaux superficiels ne fissent négliger de plus en plus les recherches patientes, les connaissances qui sont indispensables à l'histoire. A l'Académie des inscriptions et belles-lettres, qui reste au milieu de nous comme un débris et un monument de l'ancien régime des études, il fallait des collaborateurs, des émules, des continuateurs. Il fallait des héritiers à ces bénédictins si célèbres, dont ce palais, il y a quelques années encore, conservait un survivancier illustre. Un temps où tout le monde écrit était exposé à parler de tout et à beaucoup ignorer, si un corps de scrutateurs dévoués du passé n'était constitué au milieu de nous.

Et cependant il importe que l'esprit français se replie sur lui-même, qu'il scrute les origines, qu'il associe aux généalogies de races et de familles, qui n'ont souvent qu'un intérêt privé, des généalogies d'idées, d'institutions de classes, qui sont un intérêt public. Telle sera l'histoire du tiers état qu'accomplit, avec les matériaux que les élèves de l'école des chartes rassemblent sous sa main, comme autant de bénédictins savants et dévoués, cet homme à qui la vue, l'action, la force et presque la vie ont été reprises, qui n'a de vivant que la pensée, et qui, paralytique, aveugle, impuissant, bâtit des monuments immortels à sa gloire et à la gloire de son pays. Voilà le plus admirable modèle de ce que peut être le travail moderne; voilà l'exemple que nous devons nous proposer pour comprendre comment notre époque de renouvellement général se concilie avec une étude plus approfondie que jamais des temps qui ne sont plus, des institutions, des idiomes, des idées qui ne doivent pas revivre.

Dernièrement, dans les champs de l'Afrique, au milieu de cet empire tout français et tout moderne que fondent nos soldats, je m'arrêtais avec émotion et respect

[blocks in formation]

L'article qui suit est un fragment du mémoire intitulé: Histoire de l'administration monarchique en France, depuis Philippe-Auguste jusqu'à la mort de Louis XIV; mémoire dont l'auteur a été couronné par l'Académie des sciences morales et politiques, dans la séance annuelle du 5 juin dernier.

SI. Origine des péages et des prohibitions.

Deux sortes de taxes pesaient originairement sur le commerce, les péages et les taxes prohibitives. La féodalité, en faisant de chaque grand fief un État distinct, multiplia les péages sur tous les points de la France, et opposa autant de barrières au commerce qu'il y avait de lignes de frontières entre les provinces. L'établissement d'un grand nombre de péages fut le résultat de conventions passées entre les seigneurs et les marchands, qui y gagnaient, les premiers l'avantage de percevoir un revenu régulier, les seconds celui d'être garantis contre les vols et les pillages.

Rien ne prouve que la réunion des différentes provinces composant le domaine royal ait eu pour effet de faire tomber les barrières élevées entre elles. Telle fut une des premières causes de l'établissement des traites ou douanes intérieures et extérieures. Je ne parle pas des péages particuliers perçus pour l'entretien des routes ou d'autres travaux publics.

Les taxes prohibitives entrèrent aussi pour une forte part dans III. (Deuxième série.)

31

« ZurückWeiter »