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sieurs couvents ont été incapables non-seulement de composer une pièce de poésie, mais encore d'écrire correctement en prose. Témoin ce passage du titre de Montivillier: Orate pro nostris Beatrix abbatissa, Elisabet abbatissa, Elisabet secretaria... et omnes alie quorum nomina Deus novit (1). Mais ce n'est rien en comparaison des religieuses de Fontevraud. Voici comment elles s'expriment :

TITVLVS Sancte Marie Fontis Evaridi.

Scimus, fratres karissimi, quia doletis de pissimum patrem quam amisistis in hac luce; sed credimus quot regnat in eternat beatitudine; nos tamen sumus sociate vestre dolori, quia erat nobis pius atque dilectus, et juxta Johannis vocem, Deus karitas est; propter hoc inpendimus ei modicum beneficium de caritati dulcedine : hec sunt ccc psalteria et totidem vigilias. Orate pro piissimo patre nostro Roberto, et pro Hersende karissimea matre nostra, pro domno Petro Pictavensis episcopo, et pro Leodegario archiepiscopo, etc. (2).

a

La barbarie de l'écriture répond à celle du style. Les caractères sont grossiers et sans forme régulière. Dès le premier coup d'œil, il est impossible de n'y pas reconnaître la main peu exercée d'une femme. Les auteurs du Nouveau traité de diplomatique (3) soupçonnaient que des signatures attribuées par Chatelain aux religieuses de Fontevraud, étaient non de leur main, mais de celle d'un secrétaire. Le texte que nous avons rapporté eût pu modifier leur opinion. Il prouve qu'au moins elles savaient écrire, et qu'elles entendaient encore tant bien que mal la langue latine.

Mais pour montrer que cette ignorance ne s'étendait pas alors sans exception à toutes les communautés de femmes, nous copierons ici le titre d'Argenteuil :

Titulus ecclesie Sancte Marie Argentoilensis cenobii.

Anima domni Vitalis et anime omnium fidelium defunctorum in pace vera, qui xpistus est, requiescant. Oravimus pro vestris, orate pro nobis et pro nostris, Balduino comite, Basilia abbatissa, Adela abbatissa, Judit abbatissa, Helvide m., Adela m., Eremburge decana, Adelaidis, Havide, Dodone laïco, et omnibus quorum nomina Deus in libro vite scribat. Amen.

Flet pastore pio grex desolatus adempto;

(1) Tit. n° 25.

(2) Tit. n° 131. — Pater Robertus, c'est le fameux Robert d'Arbrissel, fondateur de Fontevraud; Hersende karissima mater, est Hersende de Champagne, première prieure (Gall. chr. nova, t. II, col. 1313); Pierre, évêque de Poitiers, mourut en 1115 (ibid., t. II, col. 1170); Léger, archev. de Bourges, mourut le 30 mars 1120 (ibid., t. II, col. 47).

(3) V. t. IV, p 518, et t. V, p. 560.

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Je ne m'arrête pas aux noms des abbesses, qui toutes trois i estèrent inconnues aux rédacteurs du Gallia christiana (2). Je veux seulement appeler l'attention sur la pièce de vers. Pour le fond comme pour la forme, il est impossible de ne pas la déclarer supérieure à tous les morceaux contenus sur le rouleau. Mais qu'on ne s'étonne pas de voir ici la première place occupée par une femme; car, selon nous, cette femme est Héloïse. J'essayerai de justifier mon opinion.

L'on reconnaîtra d'abord que le titre en question, composé vers 1123 à Argenteuil (3), peut être l'œuvre d'Héloïse, retirée dans ce monastère depuis environ l'année 1119. On nous accordera de plus qu'elle cultivait la poésie avec succès, et qu'elle possédoit surtout ce talent particulier aux femmes de mettre du sentiment dans ce qu'elles écrivent (4). Or, n'est-ce pas là le caractère distinctif des vers précités? Nous demanderons encore s'il est vraisemblable qu'il se soit en même temps rencontré, dans la petite abbaye d'Argenteuil, plusieurs religieuses capables de composer un semblable morceau? Et, en admettant cette rencontre bien extraordinaire, n'eût-on pas donné la préférence à Héloïse, qui s'était si bien gagné l'amitié de ses sœurs (5)? D'ailleurs, quand une abbaye comptait dans son sein plusieurs poëtes,

(1) Tit. n° 40.

(2) T. VII, col. 509.-Ils n'avaient trouvé le nom d'aucune abbesse depuis le neuvième siècle.

(3) Le raisonnement subsisterait lors même qu'on adopterait la date de janvier 1119, c'est-à-dire 1120, pour la mort du B. Vital. Dans ce cas, le rouleau se fût trouvé à Argenteuil vers le milieu de l'année 1120.

(4) Hist. littér., t. XII, p. 646.

(5) Ibid., p. 633.

rien n'empêchait que chacun d'eux n'inscrivît sa pièce. Comment donc Héloïse, qui étalait avec tant de complaisance ses talents poétiques, même à la grave cérémonie de sa prise d'habit, comment, dis-je, eût-elle gardé le silence dans une occasion si naturelle de les faire valoir?

Si ces raisons paraissent avoir quelque valeur, il s'ensuivra de plus que très-probablement ces vers sont écrits ici de la main même d'Héloïse. Les titres funèbres étaient en effet copiés sur le rouleau par l'auteur lui-même. C'est ce qu'atteste la variété d'écritures qu'on observe entre les différents morceaux composés dans une même abbaye par plusieurs poëtes, variété qui n'existerait pas, s'ils eussent été simplement copiés par un scribe. C'est encore ce qu'attestent les titres d'Orléans, d'Angers et de Wilton (1). Les vers qu'ils contiennent ont été écrits par un copiste, et on a eu bien soin d'en faire l'observation, en y accolant le mot scriba. Je rappellerai encore que plus haut nous avons vu les enfants d'Auxerre et de Salisbury écrire eux-mêmes les vers qu'ils avaient composés. L'exemple de Fontevraud nous a aussi montré qu'il en était de même dans les communautés de femmes.

D'après tous ces faits, il me semble, je ne dirai pas certain, mais vraisemblable, que les Archives du royaume possèdent sur le rouleau du B. Vital un autographe probablement unique de la plus célèbre femme du douzième siècle.

Je ne sais si mon opinion sera partagée par de plus habiles critiques, au jugement desquels je me soumets humblement d'avance. Au reste, qu'on admette on qu'on rejette le titre d'Argenteuil comme l'autographe d'Héloïse, le rouleau du B. Vital n'en conservera pas moins une grande valeur. Pour les paléographes, il restera toujours un monument d'un prix inestimable, et peut-être le seul de son espèce qui soit parvenu jusqu'à nous.

(1) Tit. n. 115, 132 et 151.

P. S. M. Aug. Le Prevost nous a depuis signalé l'existence d'un rouleau des morts à Rouen. Nous n'avons encore aucun détail sur ce document. Serait-ce le rouleau de Hayde, abbesse de S. Amand, que nous avons omis de comprendre dans la liste suivante, et sur lequel on peut consulter l'Histoire de l'Abb. de S. Amand, par Fr. Pommeraye, p. 17?

APPENDICE.

I.

La liste suivante comprend les rouleaux des morts dont j'ai trouvé, soit des fragments, soit l'indication. Je ne doute pas qu'elle n'offre de bien nombreuses lacunes. Mais l'absence de tout catalogue de ce genre m'engage à donner ici, quelque incomplet qu'il soit, le résultat de mes recherches. Je suis l'ordre chronologique.

V. 850. Rouleau de Hruolf, comte et abbé de S.-Riquier. Hariulfe, historien de cette abbaye, en a inséré l'encyclique au ch. IX du 1. III de sa Chronique. (Spicil., éd. in-fol., t. II, p. 316.)

1004. Baluze, dans ses Miscellanées (éd. in-fol., t. II, p. 114), donne la circulaire des moines de Fleury sur la mort de leur abbé Abbon. 1020. Encyclique des moines de Ripouil et de Coxane sur la mort de Bernard, comte de Besalu. (Marca Hispanica, p. 1024.)

1050. Rouleau de Garnier, abbé de S. Étienne de Dijon. Les titres de Lyon, Soissons, Noyon et Arras sont dans l'Histoire de l'église de S. Estienne de Dijon (preuves, nos 102-105). Un autre titre est dans la vie de cet abbé, ap. Perart, Monumenta Burgundica, p. 124

134.

1050. Extraits du rouleau de Geoffroi, comte de Cerdagne. (Marca Hisp., col. 1094.)

1096. Les poésies de Baudri de Bourgueil, publiées par Duchesne (Script. Franc., t. IV, p. 251 et sqq.), nous font connaître pour cette année les rouleaux de Jean, évêque d'Orleans, Natalis, abbé de S. Nicolas d'Angers, Renaud, archevêque de Reims, et Hildebert, archevêque de Bourges.

1097. Rouleau de Johel, abbé de La Couture, et de Hoel, évêque du Mans. Les vers qu'y inscrivit Baudri nous ont été conservés dans la collection de Duchesne (t. IV, p. 252).

1100. Encyclique sur la mort de Bernard, abbé de Marmoutier. (Mabillon, Annal., t. V, p. 668.)

V. 1100. Rouleau d'un abbé nommé Adam, d'un autre nommé Guillaume, et d'un Durand, tous trois connus par les poésies de Baudri. (Loco sup. cit.)

V. 1100. Rouleau de Geraldus, abbé de Montierneuf à Poitiers. (Ibid.)

1101. Rouleau de saint Bruno. (V. suprà.)

V. 1110. Rouleau de Mathilde, abbesse de Caen. (V. supra.)

1113. Encyclique sur la mort d'André, abbé de Chezal-Benoît. (Spicil., éd. in-fol., t. III, p. 462.)

1113. Encyclique des moines d'Anchin sur la mort d'Odon, évêque de Cambrai. (Thes. Anecd., t. V, p. 855.)

1120. Dans la vie du B. Giraldus de Salis est insérée l'encyclique que l'évêque de Poitiers redigea à l'occasion de sa mort. (Ampliss. Coll., t. VI, col. 997.)

1122. Rouleau du B. Vital. (V. supra.)

1123. Encyclique des religieux de S.-Aubin d'Angers sur la mort de Marbode, évêque de Rennes, et de Gérard, moine de S.-Aubin; publiée par Beaugendre à la fin des Opera Hildeberti, p. 1383, et d'une manière plus complète par D. Martène (Thes. Anecd., t. I, col. 355). Celui-ci donne à la suite plusieurs pièces de vers, qui sont probablement des titres funèbres composés en réponse à l'encyclique.

1142. Encyclique d'Oduin, abbé de S.-Guillain. (Gall. christ. nova, t. III, Instr., col. 17.) Les éditeurs ajoutent: Sequuntur quædam alia carmina quæ longum esset hic exscribere, nec adeo necessarium.

1150. Encyclique sur la mort de Hervé, moine de Bourgdieu. Elle a été publiée trois fois : dans le Spicilége, éd. in-fol., t. III, p. 462; dans le Thes. Anecd. de Bernard Pez, t. II; et dans les Ann. Ord. S. Bened., t. VI, p. 719. Ce qui lui donne surtout du prix, c'est qu'elle contient la liste des ouvrages de Hervé.

1151. Encyclique sur la mort de Suger, abbé de S.-Denis, dans les Preuves de l'hist. de cette abbaye, part. 2, p. 201.

1152. Rouleau d'Ébles, abbé de Tulle. Baluze (Hist. Tutel., p. 479), d'après les mss. de l'abbaye d'Obasine, a publié les titres inscrits sur ce rouleau par les églises de S.-Cyprien de Poitiers, S.-Martin des Champs, Montmartre, S.-Radegonde de Poitiers, un chanoine de Chartres, et S.-Maur des Fossés.

1154. Encyclique, rédigée par Laurent, doyen de Poitiers, sur la mort de Gilbert de la Porée. Besly l'a publiée dans ses Evesques de Poictiers, p. 103. Dreux du Radier l'a traduite dans la Biblioth. histor. et critique du Poitou, t. I, p. 251.

1157. Rouleau de Herbert, abbé de S.-Étienne de Dijon. Fyot en a extrait les titres de Fontevraud, Figeac, et Cluny. (Hist. de l'égl. de S.-Estienne de Dijon, preuves, nos 366-368.)

1157. Rouleau de Calon, évêque de Poitiers. Les auteurs du nou

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