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abandonnait aussi pendant quelque temps la portion du défunt, après toutefois l'avoir laissée à sa place au réfectoire durant le repas commun (1). Un service solennel avait aussi lieu à la mort de chaque associé. Comme l'anniversaire, il se composait de l'office de la nuit (vigilia, ou agendæ mortuorum), et d'une messe solennelle (2). Des statuts prescrivent aux moines d'aller, après l'évangile, déposer pour l'âme du défunt des offrandes mystiques (3), d'autres de se prosterner à terre pendant le canon, et de témoigner leur douleur par des gémissements, des soupirs et des torrents de larmes (4). Pierre Damien va jusqu'à ordonner des jeûnes et l'application de la discipline (5). Après ces offices commençait le septenarium, ou service de sept jours (6), et le tricenarium (7) (quelquefois tercenarium, trentale et triennale), qui se prolongeait pendant un mois. Il est aussi question du centenarium, qui paraît avoir été un service de cent messes (8). — Outre ces offices conventuels, chaque religieux était tenu à des prières particulières pour les associés défunts: les prêtres disaient des messes; les clercs non promus à la prêtrise récitaient le Psantier; les frères lais ou convers répétaient un nombre de fois déterminé le Pater noster (9). Mabillon observe que, dans ces circonstances, on ne parle ni de la salutation angélique, ni de la communion (10).

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Telles sont les pratiques ordinairement spécifiées dans les

(1) Statuta S. Germani, Histoire de l'abb. roy. de S. Germain des Préz, pièces justificatives, p. clxxi.

(2) Traité entre l'évêque de Chalon et l'abbé de Dijon, 1111, Gall. christ. nova, t. IV, Instr., col. 237.

(3) Soc. entre Marmoutier et Chartres, 1056, ap. Mabillon., Ann. ord. S. Ben., t. IV, p. 565. Cf. Concordia Dunstani, c. XII, en tête du t. I du Monast. anglic.

(4) « Omnes pavimento prostrati... jaceant... gemitibus et suspiriis et lacrymarum inundatione, etc. » Goldast, Annal. Script., t. II, p. 180. — Cf. Conc. Dunstani, loco cit.

(5) B. Petri Damiani, de suæ congregationis institutis, cap. XII, ap. D. Martène, De Ritibus, éd. d'Anvers, t. IV, col. 782.

(6) V. Udalric, Consuet. Cluniac., l. III, c. XXIX; ap. Spicil., t. IV.

(7) Statuta S. Germani, publiés par D. Bouillart, pièces justif., p. clxxi.

(8) Chron. Piscar.; 1. III, ap. Spicil., t. V, p. 498. Cf. du Cange, v° Centenarium, 4.

(9) Soc. entre les Chartreux du Parc et N. D. d'Évron, Ms. de Gaign., n. 205, p. 143; - entre S. Jean de Chartres et S. Vincent de Beauvais, Gall. chr., t. VIII, Instr., col. 360;-Pierre Damien, loc. sup. cit.

(10) Analecta, éd. in-fol., p. 160. — Annales, t. III, p. 76.

lettres de fraternité. Quelquefois on se contente de dire que les associés auront droit aux mêmes prières que les religieux mêmes de la maison (1). Dans tous les cas l'inscription à l'obituaire était de rigueur. Pour accomplir cette formalité, il fallait de part et d'autre se faire connaître les noms des défunts. Ce fut là le principal usage des rouleaux des morts dont nous allons maintenant parler.

IV. DES ROULEAUX DES MORTS.

Mabillon (2) et après lui D. Tassin et D. Toustain (3) distinguent deux espèces de rouleaux des morts (4): ils qualifient les uns de perpétuels, les autres d'annuels. A ces deux espèces nous croyons indispensable d'en ajouter une troisième, pour des rouleaux auxquels nous donnerons l'épithète d'individuels, qui ne rentrent ni dans l'une ni dans l'autre des divisions établies par les Bénédictins. Nous les passerons toutes trois successivement en revue.

Les rouleaux perpétuels étaient destinés à recevoir les noms des frères ou des bienfaiteurs de l'abbaye. Ces rouleaux, formés de membranes, ou feuilles de parchemin, qu'on cousait les unes au bout des autres, se prêtaient toujours à de nouvelles additions, et pouvaient ainsi servir pendant un laps de temps indéfini. C'est pour cela qu'on les a appelés perpétuels. Mabillon (5), qui en connaissait deux à l'abbaye de Chelles, nous apprend que ce n'était pas une sèche nomenclature comme celle des nécrologes. A la suite de chaque nom se trouvaient mentionnées les bonnes œuvres qui devaient le recommander à la postérité. C'était sans doute ces rouleaux que dans certaines abbayes on lisait au chapitre (6). L'on doit aussi faire rentrer dans la même catégorie ce très-long rouleau, dont parle Orderic Vital, sur lequel, au monastère de Saint-Evroul, on

(1) Soc. entre S. Vincent et S. Pierre de Chalon, v. 1209, Gall. chr. nova, t. IV, Instr., col. 245; entre S. Remi et S. Bénigne, 1174, Mabillon, Aṇalecta, p. 159;entre Pontlevoy et S. Mesmin d'Orléans, Gall. chr., t. VIII, Instr., col. 429.

(2) De re diplom., l. 1, c. IX, n. 1.— Analecta, éd. in-fol., p. 160.

(3) Nouveau Traité de diplom., t. I, p. 433.

(4) En latin Rotulus, Rotula, Rollus, Rolla, Liber rotularis, Volumen. (5) De re diplom., loc. cit.

(6) Ludwig, Reliq. Mss., t. I, p. 281.

écrivait les noms des religieux, et ceux de leurs pères, mères, frères et sœurs. Il restait sur l'autel pendant toute l'année. Le jour de l'anniversaire général, il était déroulé dans toute sa longueur. Le prêtre recommandait en ces termes ceux qui y figuraient: Seigneur, daigne admettre dans le sein de tes élus les âmes de tes serviteurs et servantes dont les noms se voient écrits sur cet autel (1). Plusieurs des anciens rituels recueillis par D. Martène (2) présentent des formules analogues. Mais je n'ai point trouvé mentionné ailleurs que dans Orderic Vital l'usage de mettre le rouleau sur l'autel. A Coventry (Warwickshire) on exposait le nécrologe à la même place (3). L'on sait que les diptyques se plaçaient sur l'autel, et les rouleaux, aussi bien que les obituaires, n'en sont qu'une transformation (4).

Le caractère qui distingue les rouleaux perpétuels des deux autres espèces, c'est que ceux-là étaient destinés à rester dans le couvent même, tandis que ceux-ci étaient faits pour circuler au dehors.

Les rouleaux annuels étaient ceux que les églises associées

(1) « In rotulo quidem longissimo omnium fratrum, dum, vocante Deo, ad ordinem veniunt, nomina scribuntur, deinde patrum et matrum eorum, fratrumque ac sororum. Qui rotulus penes aram toto anno servatur, et sedula commemoratio inscriptorum in conspectu Domini agitur, dum ei a sacerdote in celebratione dicitur : Animas famulorum famularumque tuarum quorum nomina ante sanctum altare tuum scripta adesse videntur, electorum tuorum jungere digneris consortio... Volumen mortuorum super altare dissolutum palam expanditur. » (L. III, ap. Duch., Script. Norm., p. 487).

(2) De Ritibus, t. I, col. 406, éd. d'Anvers.

(3) Hii sunt libri quos Joh. de Bruges.... scripsit ad opus Coventrensis ecclesie.... Kalendarium mortuorum super magnum altare. Dugdale's Monasticon Anglic.,

éd. de Londres, 1817 et suiv., t. III, p. 186. Note des nouveaux éditeurs.

(4) Il me semble que dans beaucoup de cas il n'y avait entre les rouleaux perpétuels et les nécrologes d'autre différence que celle qui existait entre les volumes (volumina) des anciens, et leurs livres (codices, ou libri quadrati). Tous deux se lisaient au chapitre, tous deux se plaçaient sur l'autel. Mabillon assigne pour caractère spécifique aux rouleaux les éloges qu'on y consignait. Mais ce caractère leur est commun avec bien des obituaires. Dans celui de Fontevrault, par exemple, de très-longs panégyriques accompagnent le nom de plusieurs abbesses (Gall. chr. nova, t. II, Instr., col. 363). V. aussi dans le même ouvrage (t. VII, col. 664) les extraits du nécrologe de Saint-Victor de Paris. Dans celui de Carcassonne, qui paraît remonter au douzième siècle (Ms. du Roi, n. 5256), quelques personnages ont eu les honneurs d'une pièce de vers tout à fait dans le goût des titres funèbres que bientôt nous allons voir sur les Rôles.

s'envoyaient annuellement pour s'annoncer les noms de leurs morts. La collection des lettres de saint Boniface fournit la preuve que cet usage était déjà en vigueur au huitième siècle. Ce pontife demande à l'abbé Adherius des prières pour les âmes des frères endormis dont le porteur de la lettre montrera les noms (1). Ailleurs il envoie les noms des derniers défunts; et recommande d'en transmettre la liste aux autres monastères (2). A la même époque nous voyons l'abbé Dodon prier l'évêque de Mayence de lui communiquer par un bref les noms de ses amis (3). Le nom de bref est à remarquer : c'est le terme propre qui a servi pendant tout le moyen âge à désigner ces lettres d'avis (4). Un manuscrit de Saint-Martial de Limoges leur donne l'épithète de gestatoires (5). La promesse d'une inscription sur ces brefs et sur la règle (nécrologe) était une formule consacrée des lettres de communion que cette abbaye donnait à ses associés. Un concile les nomme lettres courantes (6); d'anciens documents, breviaires (7). Il faudrait bien se garder de confondre ces breviaires avec les livres liturgiques connus maintenant sous ce nom, et qui ne paraissent pas remonter au delà du quatorzième siècle (8). Les éditeurs modernes donnent ordinairement à ces lettres le nom d'encycliques. Quoi qu'il en soit, l'usage de s'envoyer périodiquement des rouleaux n'a point été général. Les coutumes de Saint-Bénigne de Dijon (9) n'admettent de rôles annuels qu'autant que l'éloignement des lieux n'aurait pas permis de notifier séparément la mort de chaque frère.

(1) Epist. XXIV.

(2) Epist. cvi.

(4) V. du Cange, vo Brevia mortuorum.

(3) Epist. LXXX.

(5) « Adnotetur in Regula et in Brevibus gestatoriis...» (Ms. du Roi, no 5243, fol. 91 ro). « Adnotetur in Regula et in Brevibus gestatoriis (Ibid., fol. 45 ro). — << Nomina eorum in Martyrologio et in Brevi scribentur. » Cf. Raynier, Apost. Bened. in Anglia, app., p. 254.

(6) Conc. ap. Saponarias, an. 859, c. 13, cité par du Cange, vo Brevia.

(7) « Nomen ejus notetur in Breviario et in Martyrologio. » Germ. Consuet., no 6, ap. D. Martène, De Ritibus, t. IV, col. 793. - Breviaria monachorum decedentium mittantur ab iis invicem. » Statuts de Tulle, ap. Baluze, Hist. Tutel., col. 655.-On trouve encore dans le même sens rotularis epistola (Duch., Script. Fr., t. IV, p. 252), rotularis pagina (ib., p. 252 et 253), voluminis epistola, et rotuli epistola (Chron. Centul., 1. III, c. 1x, ap. Spicil., éd. in-fol., t. II, p. 316). Brevia obituum, et simplement obitus (Instit. B. Gileberti, ap. Monast. Anglic., dern. édit., t. VI, part. II, p. *xc et *xci.

(8) Acta SS. Julii, t. I, p. 10 et 11.

(9) Cap. XVII; ap. D. Martène, De Ritibus, t. IV, col. 794.

Ailleurs, comme à Pontlevoy et à Saint-Mesmin d'Orléans, cet envoi périodique était, au contraire, formellement exigé par l'acte d'association. Ces deux abbayes devaient s'expédier leurs listes le lendemain de la fête patronale de leurs églises (1).

Pour compléter ce qui concerne les rôles perpétuels et annuels, nous regrettons bien de n'avoir rencontré aucun monument de ce genre. Nous serons plus heureux pour les rôles individuels, et ce que nous en dirons pourra s'appliquer en partie aux rôles annuels. Les rouleaux individuels s'envoyaient à la mort de chaque frère, pour obtenir à son intention les prières de ses associés. Tantôt on faisait une copie du bref pour chaque communauté (2) à laquelle on en voulait donner connaissance; tantôt le même exemplaire était successivement apporté dans les différentes abbayes.

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Pour les simples religieux, la lettre de faire-part était bien simple. On en jugera par ces modèles: Un tel, enfant de notre congrégation, est mort (3). Nous avons perdu un tel, chantre de notre congrégation. Nous conjurons tous les fidèles engagés dans la vie religieuse d'intervenir pour lui auprès de Dieu (4).— Tel jour, dans tel monastère, est mort un tel, prêtre et sacristain de la même église. Au nom de la charitě chrétienne, nous réclamons vos prières pour son âme. Nous prierons pour les vôtres (5).

Cette simplicité n'était plus de mise quand il s'agissait de grands personnages. Dans ces occasions, le rouleau déployait orgueilleusement toutes ses pompes, et s'adressait non plus seulement aux églises associées entre elles ou voisines (6), mais à l'université des fidèles. Le plus savant moine du couvent se mettait à l'œuvre. Faisant un appel à toutes les ressources de son imagination et de sa mémoire, il entassait dans son encyclique toutes les figures bibliques, soit pour proclamer le néant des choses d'ici-bas, soit pour maudire la faute du premier

(1) V. Gall. christ., t. VIII, Instr., col. 429.

(2) V. les formules à l'usage de S. Gall, dans Goldast, Alam. rerum Script., t. II, p. 179.

(3) Mss. Consuet. Farfensis monast., ap. D. Martène, De Ritibus, t. IV, col. 794. (4) Ibid.

(5) Liber usuum Cisterc., cap. xcvш. V. d'autres formules, ap. Hæftenum, I. VIII, Disquis. monast., tr. I.

(6) Mittatur etiam epistola ad vicina quæque monasteria. Dunstani Concordia, c. XII, en tête du Monast. anglic.

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