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chefort, fit, en 1136, du lieu même où fut fondé le monastère d'Aiguebelle par les soins des moines de Morimond (1). Comme cette inscription était fruste, l'abbé de la communauté l'a fait remplacer depuis quelques années par une copie qu'on a gravée fort mal à propos en caractères gothiques du seizième siècle. Nous avons cherché inutilement l'ancienne pierre, qu'on aurait dû conserver pour donner de l'authenticité à la nouvelle.

On avait inscrit dans la croisée méridionale de la cathédrale d'Arras, sur la muraille du chœur, la charte par laquelle Philippe-Auguste accordait à cette église le droit de régale (2).

Deux chartes assez longues figuraient à droite et à gauche de Ja porte de l'église de Crest, du côté de la place (3). L'une d'elles contenait un accord sur le ban du vin, passé entre les habitants de cette ville et leurs seigneurs, Pierre, évêque de Die, avec ses neveux, et Guillaume de Crest avec ses enfants. L'acte, appelé testamentum, est dépourvu de toute note chronologique ; mais il s'agit de Pierre II, qui a occupé le siége épiscopal de 1164 à 1167. L'autre charte n'est guère postérieure, et elle est bien plus importante; c'est la charte d'affranchissement de la commune de Crest, octroyée par Aimar de Poitiers, comte de Valentinois. Ce seigneur accorde à ses sujets pleine liberté, plenam libertatem, et déclare qu'ils ne seront dorénavant soumis à aucune espèce d'exaction, ni obligés de servir de cautions ou d'otages, se réservant toutefois les droits de justice, de ban et d'ost, ainsi que le logement de cent chevaliers. L'affranchissement fut consenti et solennellement juré au mois de mars 1188, dans l'église de Notre-Dame de Crest, en présence de l'évêque de Die et d'un grand nombre de témoins, qui sont mentionnés dans l'acte.

La charte de liberté et de franchises donnée en 1198 par Géraud Adhémar et son cousin Lambert à la ville de Monteil, appelée depuis Montélimart, offre la plus grande analogie avec celle de Crest. Elle est gravée en lettres capitales et onciales sur une belle table de marbre, qu'on voyait autrefois sur les rem

(1) Gall. Christ, t. I, col. 737.

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(2) Ibid, t. III, col. 330. Martenne, Voyage Littér., t. II, p. 73.

(3) Delacroix, Statistique du département de la Drôme, 2o éd., p. 471 et suiv. On vient de reconstruire le portail de l'église de Crest, et nous ne savons si l'on a eu soin de conserver les deux précieuses inscriptions qui étaient encastrées dans l'ancien bâtiment.

III. (Deuxième série.)

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parts. On la fit transporter, vers 1825, dans l'hôtel de ville, et soigneusement incruster dans le mur d'un corridor, où elle est encore aujourd'hui. Ce document a été publié, mais d'une manière fort incorrecte (1); c'est pourquoi nous en donnons en note le texte corrigé, en soulignant les mots qui avaient été omis ou mal lus, et en rétablissant l'orthographe de l'original (2).

César Nostradamus, dans son Histoire de Provence (3), avait déjà publié la charte de Montélimart. Mais il prétend qu'elle était gravée sur une table de cuivre et enchâssée contre un pan de mur de l'hôtel de ville. Il ajoute, ce qui paraîtra singulier, « qu'aux deux côtés et au haut de cette table est représenté, et monté sur un palefroy bardé, un chevalier couvert d'un harnais complet ou armé de toutes pièces, avec l'épée nue d'une main, comme prêt à porter son coup, et l'écu de l'autre, embelli de trois bandes, ancienne enseigne des Adhémars, premiers seigneurs de Grignan, toute telle que celle qu'on voit ès restes et vieilles tours du château de Monteil... » Pithon-Curt, en publiant le même document dans son Histoire de la noblesse du Comtat Venaissin (4), a répété l'observation de Nostradamus, presque dans les mêmes termes, et sans doute d'après lui.

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Faut-il admettre le témoignage de ces deux auteurs, qui se réduit en réalité à un seul, et croire que l'inscription était gravée à la fois sur cuivre et sur marbre? Mais, s'il en est ainsi, pourquoi Nostradamus n'a-t-il pas parlé de la table de marbre ? Pourquoi le docteur de Ménuret, de Montélimart, auteur de l'article

(1) Delacroix, Statistique du département de la Drôme, 2o édit. in-4°, p. 360.

(2) Anno ab incarnacione Domini M C XC octavo, ego Geraldus AEmarius et ego Lambertus, nos duo domini Montilii, per nos et per nostros, bona fide et sine dolo et mera liberalitate et spontanea volontate, donamus et titulo perfecte donacionis concedimus ominibus nostris de Montilio, presentibus et futuris, libertatem talem, ne de cetero toltam vel quistam, vel aliquam novam exactionem, vel prava usatica in eis faciamus, vel aliquo modo fieri permitamus, nec eis per vim vel per aliquam forciam gravamen aliquod vel jacturam, nisi juris vel justicie debito, conabimur inferre. Quod si nos vel aliquis successorum nostrorum predictam donacionem et libertatem quocumque modo violare temptaverit, jam dictos omnes omines nostros et res eorum in villa Montilii, sub dominio nostro in presenti vel in futuro existentes, ab omni jure et fidelitate et ominio absolvimus; et ut omnia, sicut superius scripta sunt, fideliter observemus, et nullo tempore contraveniamus, tactis sacrosanctis evangeliis juramus.

(3) Hist. de Prov., 1614, in-fol., p. 162 et 163.

(4) Hist. de la Nobl. du C. Ven. 1743-1750, in-4°, t. IV, p. 22.

qui concerne cette ville, dans le Dictionnaire des Gaules d'Expilly, ne mentionne-t-il au contraire que l'inscription lapidaire? Enfin, pourquoi ne retrouve-t-on aujourd'hui que la table de marbre transportée des remparts dans l'hôtel de ville, sans qu'il reste parmi les habitants du pays le moindre souvenir d'une plaque de cuivre où leur charte d'affranchissement aurait été gravée? Toutes ces raisons nous portent à rejeter l'hypothèse d'une double copie exécutée sur des matières différentes, et nous font soupçonner une erreur due à la crédulité ou à l'imagination trop brillante de Nostradamus, historien sans critique, et de plus fils d'un célèbre astrologue. Les anciens sceaux équestres de la maison Adhémar lui auront peut-être fourni l'idée du prétendu dessin qui, d'après lui, accompagnait l'inscription de Montélimart.

Nous venons de passer en revue les chartes lapidaires qui existent encore en France ou qui sont connues d'après les livres, et il résulte de notre examen, que les documents de cette espèce concernent presque toujours des églises, des monastères ou des communautés d'habitants. En effet, la charte d'Orléans et celle de Die sont les seules qui aient rapport à des intérêts particuliers.

Un autre fait qui mérite d'être observé, c'est que toutes ces inscriptions remontent au delà du treizième siècle. Il est bien entendu qu'il ne faut pas ranger parmi les chartes lapidaires les obits et les fondations de toutes sortes, qu'on rencontre encore aujourd'hui en très-grand nombre sur les dalles et les murailles de nos vieilles églises, et qui appartiennent aux époques les plus diverses. Nous excluons aussi les inscriptions destinées à perpétuer le souvenir de faits historiques, pour ne nous occuper que des actes publics ou privés écrits sur des pierres.

En Italie, ces monuments paléographiques sont moins rares qu'en France: il paraît qu'on avait coutume, au delà des Alpes, de graver sur les murs des églises les principales donations pieuses qui leur étaient faites (1). Plusieurs églises de Rome, de Milan et de Florence en font encore foi. On dut imiter cet exemple en France, au moins dans les provinces méridionales voisines de l'Italie, et tout porte à croire que le nombre des chartes lapi

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· Nouv. Traité de

(1) Mabillon, Iter italicum, part. I, p. 151. I papiri diplomatici racolti ed illustrati dall' abate Gaetano Marini. In-fol, Roma, 1805, no XCI. Dipl., t. II, p. 535, not. 1.

daires existant en deçà des Alpes vers le douzième siècle était assez considérable; mais elles ont péri avec les monuments dont elles dépendaient, et en particulier avec les églises de ce tempslà, dont la construction vicieuse a hâté la ruine. Ces sortes d'inscriptions disparaissent chaque jour; on en compte à peine aujourd'hui trois ou quatre, et il n'y en aura bientôt plus, si l'on ne prend soin de les conserver quand on restaure les anciens édifices.

Quoiqu'on ne connaisse en France que deux chartes métalliques, l'une sous le nom de Charlemagne, laquelle est suspecte suivant Mabillon (1), l'autre, qui est une bulle du pape Innocent III adressée à l'archevêque de Tours (2), il est probable que le moyen âge en a produit autant que de chartes lapidaires. Si elles n'existent plus, c'est que les métaux s'altèrent par le feu, et qu'ils tentent la cupidité bien plus que le marbre ou les pierres, dont il est difficile de changer la destination.

L'usage d'écrire sur les pierres et sur les métaux remontait à la plus haute antiquité. Sans parler des hiéroglyphes, des nombreuses inscriptions cunéiformes et des tables de Moïse, nous rappellerons que les Romains enregistraient sur le bronze leurs lois et leurs traités de paix, et que les préteurs faisaient quelquefois graver leurs édits sur la pierre (3). Mais aucun texte n'autorise à penser qu'à Rome on ait employé ce moyen de conservation pour de simples actes privés. Dans une société bien organisée et régulière sous le rapport du droit, ce serait un luxe de précaution tout à fait inutile.

On vient de voir que les chartes lapidaires de la France s'étendent du huitième au treizième siècle. Ainsi elles répondent à l'époque de la plus grande barbarie (4). Tàchons de rendre compte

(1) Itemque (aliud diploma) Caroli Magni in pagina ærea. At sane posterius istud maxime suspectum habeo. Mabillon, De re dipl., p. 38.

(2) Cette bulle était conservée dans l'église de Tours sur une table de plomb; elle sanctionnait la soumission de l'église de Dol à l'archevêché de Tours. D. Morice. Hist. de Bretagne, t. I, pr. col. 759.

(3) Le préfet de Rome, Turcius Apronianus, fit graver sur une table de pierre un édit avec ce préambule : Licet formam dispositionis acta contineant, ad fidem tamen gestorum plenius memoriæ tradendum, tabulam placuit affigi quæ publicaret ordinem

rerum.

(4) En parlant de la sorte, nous ne tenons pas compte du beau règne de Charlemagne, qui ne fut qu'une tentative de renaissance prématurée et par suite avortée.

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d'un fait si singulier. Sous la première race des rois de France, les Germains d'origine n'avaient pas encore adopté d'une manière générale la coutume de confier leurs transactions à l'écriture; le plus souvent la preuve testimoniale leur suffisait. Les GalloRomains, au contraire, rédigeaient tous leurs actes par écrit, et, par surcroît de prévoyance, ils les faisaient souvent insinuer dans les registres de la curie (1), qui tenaient lieu de nos recueils de minutes, et présentaient la plus grande garantie de conservation. Mais quand les municipalités, vestiges de la domination romaine, eurent disparu, et avec elles les registres des curies; quand l'anarchie et les guerres intestines qui ont précédé et suivi l'établissement de la féodalité, eurent exposé les villes à des pillages et des incendies fréquents, on sentit combien il serait utile de graver sur la pierre les actes les plus importants, particulièrement ceux qui avaient rapport à des établissements publics. Par ce moyen, les églises, les monastères, les hôpitaux, et enfin les communautés d'habitants eurent leurs titres principaux à l'abri des nombreuses causes de destruction nées du malheur des temps. Les murs des églises, les portes et les remparts des villes devinrent comme des archives publiques, où chacun pouvait voir ses droits et ses priviléges. Dans tous les actes qui intéressaient un très-grand nombre de personnes, on ne pouvait faire autant d'originaux qu'il y avait de parties intéressées; il était dès lors très-naturel qu'on songeât à l'expédient d'un original indestructible, exposé dans un lieu des plus apparents, et qu'il était par conséquent loisible à tout le monde de consulter à volonté. Cette exposition publique, cette sorte de promulgation, en solennisant les chartes, avait encore l'avantage d'en assurer l'exécution et d'éloigner les violateurs.

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A partir du treizième siècle, ces précautions ne sont plus motivées l'ordre est à peu près établi dans la société féodale; il y a partout plus de sécurité et de confiance. La plupart des villes affranchies ont des archives et des officiers municipaux pour les garder. D'un autre côté, l'usage des cartulaires, où les églises, les monastères et même les communes faisaient insérer leurs titres pour suppléer à la perte des originaux, était devenu

(1) Vid. Marculfi formul. passim. Voici un passage de la formule LIII de l'appendix: « Ex gestis municipalibus, ut mos et lex est, juxta morem et consuetudinem alligare atque firmare facias, etc. » Baluz., Capitul. reg. Franc., t. II, col. 465.

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