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« de vos alliés une armée puissante qui devra y séjourner à leurs frais, à la condition que de votre côté vous aurez droit à de « semblables secours, vous pourrez, quand il en sera besoin, « couvrir de guerriers intrépides cette terre inaccessible de Lombardie, et, pratiquant la tactique nouvelle, défier vos en« nemis devant chacune de leurs forteresses, les convaincre de faiblesse et de pusillanimité, et en triompher aussitôt avec la magnanimité d'un grand roi. Est-il en effet un moyen plus propre à manifester votre courage et votre puissance, en même temps que la faiblesse et la timidité de vos ennemis, cherchant « de toute part dans leur propre pays des retraites qui puissent « les soustraire à votre armée, fuyant son aspect et la redoutant • assez pour souffrir, silencieux, tremblants et sans tenter de résistance, qu'elle dévaste et ruine tout ce qui devait assurer « leur existence, celle de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs prêtres? Il n'y a qu'une manière de répondre à cette question, à moins que par envie, par orgueil ou par quelque « autre mauvais sentiment, on ne veuille rabaisser un ouvrage « que j'ai entrepris avec désintéressement, par amour pour la république chrétienne, pour la gloire de votre nom et celle de - votre royaume (1).

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Enhardi par ce raisonnement, l'auteur passe à la conquête de la Hongrie (2). Le roi de Sicile pourra l'entreprendre avec le secours du roi de France, et toujours à la condition de lui en céder la souveraineté. Quant au royaume d'Allemagne, l'auteur avoue qu'il ne voit pas d'autre moyen qu'une convention pour s'en rendre maître. « Sur ce point et sur d'autres, dit l'auteur, « il faut s'en remettre au Seigneur Dieu des armées, qui saura bien établir un chef unique pour le temporel, comme il en « existe un déjà pour le spirituel. Il est difficile en effet qu'il se passe un temps bien long avant que le roi d'Allemagne, pressé par des guerres, n'ait besoin de réclamer votre secours. D'ailleurs, les fils de votre sœur, qui doivent succéder au trône d'Allemagne et à quelques provinces de ce royaume, pourront « être élevés et instruits dans votre palais, en sorte qu'un jour, « avec la grâce de Dieu, vous verrez vos vœux accomplis par leur intervention ou par leur volonté (3) !

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L'auteur prévoit qu'on lui objectera que le roi de France,

(1) Fol. 10 recto.

(2) Fol. 10 verso.

(3) Ibid.

occupé de tant de grandes entreprises, sera presque toujours hors de ses États et ne pourra jamais être en paix.

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C'est le « contraire, dit-il, qui arrivera avec la grâce de Dieu : vous avez « et vous aurez beaucoup de frères, de fils, de neveux et d'autres « proches que vous mettrez à la tête de vos armées pour diriger « vos guerres, tandis que vous resterez dans votre pays natal • pour vaquer à la procréation des enfants, à leur éducation, à << leur instruction et à la préparation des armées, ordonnateur « et dispensateur de tout le bien qui se fera et qui pourra se faire dans les royaumes situés en deçà de la mer méridionale (1).

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A ceux qui trouveraient insolite cette manière de gouverner, l'auteur oppose l'exemple de quelques empereurs romains qui ont ainsi administré bien des royaumes; il cite encore le roi des Tartares qui vit en repos au centre de ses États, et envoie dans les différentes provinces des lieutenants qui combattent pour lui quand la nécessité l'exige. « Votre Majesté, ajoute-t-il, n'ignore pas les malheurs qu'entraîne la fin prématurée d'un prince qui meurt dans une expédition lointaine, alors même qu'il ne périt point par le sort des armes. Une triste expé«rience vous en a donné des preuves bien éclatantes et bien ma« nifestes dans les personnes illustres de votre père et de votre aïeul. Les combats avaient cessé autour d'eux, quand ils ont payé le tribut à la nature. C'est à l'intempérie des saisons et à « la corruption de l'air qu'ils ont succombé, alors que les lois « ordinaires de l'humanité et la force évidente de leur consti«tution semblaient leur assurer une longue existence. Et si l'on « me dit que cet événement était réglé d'avance par le destin et qu'ils n'auraient pu éviter ce genre de mort, je réponds que c'est là une opinion erronée, combattue par les vrais philo« sophes et par les théologiens (2). Ici l'auteur avoue que les mouvements des astres exercent une grande influence sur nos actions; mais il prétend que cette influence n'est pas irrésistible, et que notre libre arbitre nous permet toujours de régler notre conduite d'après les conseils de la raison et de l'expérience. Le souvenir des causes passées et des effets qu'elles ont produits depuis l'origine du monde, la connaissance des causes présentes et l'habitude de conjecturer les effets qu'elles doivent vraisem

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(1) Fol. 11 recto.

(2) Ibid. et fol. 11 verso.

blablement produire, voilà, selon l'auteur, ce qui fait l'habileté des démons à deviner l'avenir. C'est par des calculs et des prévisions de cette nature que les Grecs et les Romains ont réussi à dominer le monde; et il ne doute pas que Philippe le Bel n'atteigne le même but (1). Il conclut donc en priant Dieu d'accorder au roi et à ses héritiers présents et à venir la grâce de toujours gouverner en paix cette monarchie universelle, en évitant les guerres ainsi que les dépenses et les dangers qui en sont la conséquence ordinaire (2).

Analyse de la seconde partie de l'opuscule.

L'influence du gouvernement d'un bon roi doit se faire sentir pendant la paix tout aussi bien que pendant la guerre. S'il règne pour ses sujets plutôt que pour lui-même, il doit rechercher quels sont les maux dont ils souffrent ou ceux qui les menacent, afin d'y apporter un remède prompt et énergique. Le mal que l'auteur entend signaler, c'est l'envahissement et l'usurpation de la juridiction royale (3).

S'il est généralement vrai qu'en France les causes réelles se plaident à la cour du roi ou à celles des autres seigneurs féodaux, il ne l'est pas moins que les actions personnelles sont presque toujours enlevées à la juridiction royale. Et d'abord, un laïque cité devant la cour du roi comme défendeur à une action personnelle, a le droit, d'après la coutume, de décliner cette juridiction, lorsque le demandeur est un clerc, parce que ce clerc, s'il était défendeur, refuserait lui-même de s'y soumettre (4). Que si par hasard l'un et l'autre désirent procéder devant cette cour, les officiaux des évêques feignent que la coutume s'y oppose, ils contraignent juges et plaideurs à s'arrêter en les excommuniant, et vont jusqu'à lever des amendes pour le trouble apporté à leur juridiction. Ce n'est pas tout ils citent devant eux des laïques, même lorsqu'ils sont actionnés par d'autres, laïques (5). Si les laïques demandent à être renvoyés devant le juge royal, l'official, pour les forcer à répondre ou pour avoir le droit de les excommunier en cas de refus, prétend que la foi est intéressée dans l'affaire ; il refuse d'entendre sur cette ques

(1) Fol. 11 verso. (4) Ibid.

(2) Fol. 12 recto.
(5) Fol. 13 recto.

(3) Fol. 12 verso.

tion préjudicielle ceux qui ne consentiraient pas, en même temps, à plaider au fond; et lors même qu'il ne réussit point à justifier cette allégation, il persiste à retenir la cause et prononce des condamnations. Il arrivera une fois peut-être qu'un avocat du roi osera résister à ces manœuvres; mais dans cent autres occasions et plus, il ne peut rien faire, parce qu'il n'est pas appelé, ou parce que le plaideur laïque craint de s'opposer à la volonté de l'official, ou enfin parce qu'aujourd'hui le nombre des autres avocats est extrêmement considérable, et que les laïques laissent là presque toujours l'avocat du roi, qui est seul, pour recourir aux autres, qui sont vingt, trente ou quarante, et qui, au lieu de décliner la compétence des officiaux, se réunissent à eux pour attaquer l'avocat du roi, en - s'écriant: « Voilà cet homme, qui est toujours disposé à com<< battre, comme un apostat, la juridiction et la liberté ecclésiastique (1).

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Ces clameurs et ces haines causent plus de tort aux avocats du roi que ne valent les gages qu'ils perçoivent pour la peine qu'ils prennent à défendre des causes pendant tout le cours de l'année. C'est chaque année, et pour ainsi dire chaque jour, que les officiaux travaillent à maintenir leur juridiction et à envahir, pour l'avantage qu'ils y trouvent, celle qui, d'après le droit commun, appartient au pouvoir royal; et comme, d'un autre côté, les juges royaux, détournés par leurs occupations, peuvent rarement songer à leur résister, il en résulte que la juridiction ecclésiastique s'augmente outre mesure, tandis que celle du roi perd la connaissance de beaucoup d'affaires et les profits qu'elles rapportent. Si des clercs, par exemple, s'obligent par lettres royaux, eux et leurs biens, à l'acquittement d'une dette, et qu'ils refusent ensuite de la payer, les juges ecclésiastiques s'efforceront d'annuler cette obligation, qui, si elle eût été contractée à Bologne, ou dans tout autre pays de droit écrit, par devant un tabellion laïque, pourrait être mise à exécution par le juge de ces débiteurs, c'est-à-dire par le pouvoir séculier (2).

Quand les juges royaux reprochent aux officiaux d'usurper la juridiction royale, ceux-ci répondent qu'ils ont toujours été en possession des droits qu'ils exercent. « Ce qui est vrai, dit l'au«teur, c'est qu'à moins d'une possession de cent années, on

(1) Fol. 13 recto et verso.

(2) Fol. 13 verso.

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« ne peut prescrire contre le roi : le droit canon et le droit civil, dont ils se servent, sont d'accord sur ce point. Or, il y a moins de cent ans qu'ils ont usurpé toute leur juridiction; on peut le savoir par les vieillards qui ont vu comment cela s'est fait (1). C'est même depuis l'an 1240; car alors, l'exercice de leur juridiction se réduisait à si peu de chose qu'on ne percevait rien en Normandie pour les sceaux de l'archevêque et des évêques, qui maintenant rapportent annuellement vingt « mille livres parisis et plus, déduction faite des frais. Les ef«< forts de quelques individus ne peuvent rien contre de tels « maux, parce que les conseillers les plus influents sont des prélats qui s'entendent pour écraser les opposants, ou qui travaillent en dessous à les faire éconduire par eux et par leurs amis, sans que la cause de cette disgrâce puisse être connue ni " prouvée.

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D'ailleurs, quand les avocats du roi combattent ces abus, « les prélats et les officiaux leur disent: Croyez-vous que l'Église « doive accorder des bénéfices et des dignités à ses ennemis? Le prélat qui en agirait ainsi serait un fou. Voilà un des mille moyens par lesquels on arrête les gens du roi; ils se taisent « et dissimulent, moyennant qu'on donne aux clercs de leur famille, fils, neveux ou proches, les gras bénéfices qu'ils con« voitent. En un mot, à moins qu'on ne s'empresse de venir « au secours de l'Etat, et qu'on n'applique un prompt remède, « le temps de la prescription s'accomplira, et le mal sera désormais incurable (2).

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Mais à quelle mesure générale pouvait-on recourir? L'auteur déclare ici qu'en sa qualité d'avocat royal éclairé par l'expérience, il y a longtemps réfléchi, et qu'il croit avoir trouvé un moyen de réprimer par tout le royaume les fraudes qui diminuent à la fois l'autorité et les émoluments de la justice royale. Il propose à cet effet un projet de lettre adressé par le roi à Boniface VIII (3), et dans laquelle le pape est prié d'ordonner une enquête pour constater les empiétements des prélats français sur la juridiction royale. Le roi rappelle au pape que, bien différents des autres souverains, ses ancêtres et lui ont toujours été disposés à laisser les évêques jouir en paix de la juridiction que le droit commun leur attribue; mais il ne veut pas (3) Fol. 14 verso.

(1) Fol. 14 recto.

(2) Ibid.

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