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riens militaires du règne, tels que Le Bouvier et Mathieu de Coussy, nous apprennent qu'après la trêve de 1444 et la dissolution de cette armée d'Allemagne que Charles VII avait en quelque sorte conduite pour l'échouer à la campagne de Metz, ce prince avait su profiter d'une conjoncture aussi favorable, et qu'il avait fait servir à l'accomplissement de ses vues les débris de ces bandes elles-mêmes, en conservant l'élite de cette milice et en l'incorporant dans les cadres de la nouvelle organisation (1). L'un et l'autre, surtout le dernier de ces deux auteurs, nous fournissent des renseignements aussi intéressants qu'étendus sur l'ensemble des circonstances au milieu desquelles se produisit cette réforme. Nous possédions enfin l'ordonnance royale du 28 avril 1448, qui courouna l'œuvre et créa l'infanterie de nos armées modernes (2). Mais pour l'acte législatif intermédiaire, qui, entamant les faits, avait constitué notre cavalerie, l'arme essentielle du moyen âge, on n'en connaissait point le texte, et l'on était là-dessus réduit aux regrets et aux conjectures (3). Nous sommes plus heureux aujourd'hui, grâce à la collection de M. le baron de Joursan vault. Une ordonnance royale, conservée en original parmi les documents qui la composaient, ordonnance que nous allons transcrire tout à l'heure, pourrait à elle seule combler jusqu'à un certain point cette lacune et faire cesser les regrets dont nous avons parlé. Mais ce document se réfère ou se rattache lui-même, comme on va le voir, à une série d'actes promulgués peu de temps auparavant, actes également inconnus, également regrettés, et que nous avons récemment retrouvés dans

attendait l'homme d'Etat capable de la guérir, ou même assez humain pour y essayer. Aussi voyons-nous Charles VII, tout en disposant à petit bruit les moyens d'exécution de cette difficile entreprise, invoquer publiquement ces mêmes considérations pour faire passer d'autres réformes. C'est ce que nous montrent, entre autres documents politiques de cette période, les lignes suivantes, qui servent de préambule à l'ordonnance du 25 septembre 1443, destinée à introduire un meilleur régime dans l'administration et la comptabilité financière du royaume : « Et par ce (y est-il dit, par l'amoindrissement du domaine), n'avons peu pourvoir au fait de noz guerres, ne peu fournir au paiement de noz gens d'armes et de traict, par quoy ilz ont vescu et vivent sur noz pays à la totale destruction de nous et de nostre peuple, et plus seroit se par nous n'y estoit pourveu; nous, désirans de tout nostre cuer à ce pourveoir, etc. >> (Ordonn. des R. de Fr., XIII, 372.)

(1) Rec. de Godefroy, p. 427, 544 et 546.

(2) Ordon. des rois de France, t. XIV, p. 1.

(3) Daniel, Hist. de la milice françoise (1718), 1, 212; Ordon. des rois de Fr., XIII (1782), préface, p. xxviij.

différents dépôts d'archives. Nous espérons donc que, vu la gravité du fait historique dont il s'agit, le lecteur voudra bien nous permettre, même au prix d'une digression, de reprendre ces documents selon leur enchaînement chronologique, abstraction faite des lieux où ils reposent, et de placer simplement à son rang l'ordonnance tirée du manuscrit de Londres.

Le 26 mai 1445, le roi étant à Luppe ou Luppé le Chastel (1), rendit une première (2) ordonnance, que nous allons analyser. Les dispositions qu'elle contient peuvent se diviser en deux parts: les unes fixes et générales, qui s'adressaient uniformément à toutes les provinces dans lesquelles ce document circulaire fut expédié; les autres spéciales et variables pour chacune de ces localités. Dans les premières, le législateur se réfère aux ordonnances précédemment établies pour obvier aux dommages publics causés par les gens de guerre....

Et entrautres choses, y est-il dit, pour eschever la grant destruction qui se faisoit à cause du grand et excessif nombre de chevaux et gens de néant qui estoient ès compaignies et qui de riens ne servoient fors de pillier et mengier le povre peuple, ait esté ordonné que tout le dit bagaige sera mis et gecté hors des dictes compaignies et envoiés chacun en leur hostel et domicile faire leur mestier et vivre ainsi qu'ils avoient acoustumé de faire paravant (3) et ne demoureroit seulement

(1) Louppy-le-Château (Meuse, arrondissement de Bar-le-Duc).

(2) Cette expression est purement relative : nous voulons dire la première de celles qui nous sont parvenues. On peut même affirmer, d'après un passage de sa propre teneur, qu'elle avait été précédée d'une autre ordonnance générale. Mais cet acte primordial ne nous est pas connu.

(3) « Et alors, dit Guillaume Gruel en sa chronique du connétable de Richemont, mon seigneur fist les monstres et cassa ceux qui estoient à casser, et mit les gens de bien en ordonnance, et les meschans et tout le bagage furent renvoyéz et eurent lettres de passage de mon dit seigneur. » (Rec. de God., p. 782.) Nous insérerons ici, pour compléter ces éclaircissements, l'un de ces sauf-conduits dont parle G. Gruel, et dont nous trouvons une double expédition authentique dans les manusc. de Baluze, Bibloth. royale, 9037, 7, fol. 40.

1445, avril, 20. Sauf-conduit du connétable pour le bátard de Limeuil, chargé de ramener dans leurs foyers un détachement de cent soixante cavaliers et leur bagage, licenciés par ordonnance.

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<< De par le comte de Richemont, seigneur de Partenay, connestable de France. Cappitaines de gens d'armes et de trait, gouverneurs, chastellains, baillifs, prevosts, gardes de bonnes villes, citez, chasteaulx, forteresses, pontz, portz, passages et destroiz, et autres justiciers et officiers, féaulx hommes et subgetz de mon seigneur le

que certain nombre de gens d'armes et de traict qui auroient c'est à savoir chascun homme d'armes un coustillier un paige et trois chevaulx et deux archers, un paige ou ung varlet de guerre et trois chevaulx; pour la conduite des quelx avons ordonné et commis certains notables chiefz noz subgetz, bien recéans et qui ont que perdre en nostre royaume, experts et congnoissans en telz matièrez; lesquels seront tenuz de respondre et rendre compte des gens qu'ils auront en leur charge... et pour ce que à tenir les champs, ainsi qu'ils avoient accoustumé, estoit fort à doubter que aucunement ilz s'escartassent ne voulsissent pas bien obéir à leurs chiefz... nous avons en oultre ordonné pour le moins grevable et plus aisié pour nostre dit peuple que lesd. gens d'armes seront logiez ès bonnes villes de tous les pais du royaulme selon ce que raisonnablement il pourra porter, ainsi que plus amplement est contenu en noz dites ordonnances. Et entre les autres avons ordonné que ou pais de...

Ici se placent les dispositions variables. Puis vient la taxe des denrées ou prestations que les populations devaient fournir en nature; savoir:

Pour chascune personne, pour un an entier une charge et demie

roy, auxquels ces présentes seront montrées, savoir vous faisons que en suivant l'ordonnance de monseigneur le roy, pour faire cesser les pilleries et roberies, faictes par cy devant sur ses pays et subgectz, nous avons donné congié et licence au bastard de Limeul de soy despartir des routes et compaignies, et mener en sa compaignie jusques au nombre de VIIIxx chevaulx et autant de personnes ou au dessoubz et autres gens de trait et de bagage que bon luy semblera, lequel bastard de Limeul sera tenu de mener chascun en son hostel, comme ils faisoient avant qu'ilz vinssent à la guerre, sans plus tenir les champs fors seulement le temps à eux nécessaire pour leur chemin; ou quel ilz ne prendront forz seulement des vivres gracieusement. Si vous mandons expressément de par mondit seigneur et nous et à chacun de vous que, le dit bastard, accompaignié et en faisant comme dit est, faictes, souffrez, laissez aler, passer et mener ledit nombre de gens et de chevaulx en et par vos dictes villes, citez, jurisdictions et autres destroiz que bon lui semblera, plainement et paisiblement, sans lui mettre ne souffrir estre mis ou donné ne à aucun de sad. compaignie aucun arrest, destourbier, ou empeschement en quelque manière que ce soit. Car ainsi plaist à mond. seigneur le roy et à nous nonobstant les crimes déliz ou maleffices quelxconques par eulz ou l'un d'eulx commis et perpétrez le temps passé à cause de la guerre ; lesquels mond. seigneur le roy leur a remiz, quitté et pardonné par son ordonnance, en ensuivant laquelle nous les leur quittons, remectons et pardonnons semblablement par cestes, ausquelles nous avons faict mectre nostre contrescel. Ces présentes durant ung mois. Donné à La Marche en Lorreyne (la Marche en Bassigny, duché de Barrois, aujourd'hui département des Vosges, arrondissement de Neufchâteau) le 20 jour d'avril l'an mil cccc XLV. Ainsi signé par monseigneur le comte connestable. J. Le Breton. »

de blé et deux pippes de vin; item pour ung homme d'armes, les archers, qui seront six personnes, par mois deux moutons et demi beuf ou vache, ou autre char équivalant, et par an quatre lars; item pour sel et huille, chandelles, œufz et frommaigez pour les jours que on ne mange point de char, avecques leurs aultres menues nécessitez, par chascun mois pour hommes d'armes et les archers, xx sous tournois. Et pour chascun cheval par an douze chevaulx chargés d'avoine et quatre charretées tant foing que paille; c'est assavoir les deux pars foing et le tiers paille.

Ces lettres furent adressées à divers délégués, officiers qui depuis furent organisés sous le titre de commissaires des guerres; le roi les chargeait de décider de plusieurs points relatifs à l'exécution, et notamment du choix des villes entre lesquelles devaient être réparties les garnisons.

Les Archives du Royaume conservent deux exemplaires différents de cet acte précieux, cotés l'un et l'autre série K, carton 68, no 14. Le premier est l'expédition originale sur parchemin, jadis scellé et signé « par le roy en son conseil, DE LA LOÈRE »; avec ces mots au dos: POITOU pour logier les gens d'armes. Elle s'adresse aux commissaires dont les désignations suivent: « L'évesque de Poitiers ; le séneschal de Limousin; Jehan le Boursier, chevalier; Maitres Maurice Claveurier, Jehan Chevrier et les eslus sur le faict des aydes en Poictou. » Le roi fixe le contingent de la province « à Ix**x lances et les archers » et leur donne pour chefs « c'est assavoir soubz nostre amé et féal le seneschal du dict Poictou, cent lances; soubz le mareschal de Loheac, ou bas Poitou, .lx. lances et .xxx. lances du nombre de Floquet; c'est-à-dire trois des hommes les plus considérables de l'armée et du royaume. Le second, moins explicite, est en vidimus sous la date du 10 décembre 1449; il règle les mêmes choses pour les « pais et diocèse de Mende et de Gévaudan. »

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A quelques mois de là, Charles VII, de retour aux provinces du centre, son séjour habituel, alors que ses premières tentatives de réforme avaient subi l'épreuve et reçu la sanction d'un commencement d'expérience, au moment où il devait tracer l'ordre à suivre pour la période annuelle qui allait s'ouvrir, promulgua une nouvelle ordonnance. C'est celle que nous trouvons dans le ms. 11542 du British Museum. Quoique cette pièce ne soit à certains égards qu'une reproduction de celle qui précède,

et malgré ses dimensions, nous croyons nécessaire de la mettre in extenso sous les yeux de nos lecteurs; d'abord parce qu'elle présente des modifications importantes apportées à la législation antérieure, et en second lieu parce que ce document original et inédit n'appartient plus à la France (1).

1445. Décembre, 4. Lettres du roi Charles VII, par lesquelles il institue dans la sénéchaussée de la Marche cinq commissaires à l'effet de percevoir, d'après un nouveau mode, un aide pour la solde des gens d'armes.

<< Charles par la grace de Dieu roy de France, à nos amez et féaulx conseillers et chambellan le sire de Culant (2), Maistre Jehan Tudert (3), maistre des requêtes ordinaires de nostre hostel, les séneschal et chancellier de la Marche et Pyon de Bar (4) nostre valet de chambre, salut et dilection. Comme en ayant pitié et compassion de nostre povre peuple, qui, le temps passé, a eu tant à souffrir pour les guerres qui si longuement ont esté et duré en nostre royaume, à l'encontre et pour la pillerie qui durant les dites guerres a esté en nostredit royaume, à la grande destruction et dépopulation d'icellui, nagueres avons fait cesser la dite

(1) Cette charte faisait partie, au catalogue de vente, du lot 3409. Fontanieu, qui écrivait vers 1750 (voy. ci-dessus, page 123, note 3), en avait eu communication par les mains de Dom Pernot, bibliothécaire de Saint-Martin des Champs. (Voy. son histoire manuscrite de Charles VII. Bibloth. roy., n° 9 des mss. sans cote, non pagíné; liv. IV, à l'année 1445.) La bibliothèque de Saint-Martin était, comme on sait, avant la révolution, l'une des plus riches de la capitale en documents originaux. Il est probable que M. le baron de Joursanvault se procura la pièce en question lors de la suppression des monastères.

(2) Charles, sire de Culant et de Châteauneuf, gouverneur de Mantes, de Paris et de Chartres, capitaine de cent hommes d'armes, grand maître de France en 1449, mort en juin 1460.

(3) Jean Tudert ou Tudart, conseiller du roi ; maître des requêtes en 1438; l'un des juges dans le procès relatif à la mort de la dauphine; ambassadeur en Aragon en 1458. (Arch. du Roy. J. Reg. 51, fol. 41, verso; Duclos, Hist. de Louis XI, preuves; voy. aussi le P. Anselme, t. II, p. 375.)

(4) Pyon ou Pierre de Bar, seigneur de Villemenard et de Saint-Germain du Puy. Ce gentilhomme était le cadet d'une ancienne famille du Berry, fixée alors à Bourges, où l'hôtel de Bar existait encore du temps de la Thaumassière. Il servit Charles VII en qualité de valet de chambre et d'écuyer, ainsi que son frère Jean de Bar, seigneur de Baugy, qui, en 1449, traita comme ambassadeur pour la reddition de Lisieux, et fut fait chevalier sur le champ de bataille. Pyon de Bar fut employé dans les finances dès 1436. Il existe au cabinet des titres de la Bibliothèque royale deux quittances de lui, sous la date de cette année, relatives à des missions de confiance

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