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de l'amour donnent à la poésie un caractère touchant et solennel. Pope l'a bien senti dans la composition de sa belle épître d'Héloïse à Abailard. C'est dans le temple, c'est au pied des autels qu'il amène ces deux amants, et qu'il représente l'amour victorieux de la majesté des cérémonies et de la sainteté du sacrifice.

« Viens, dit Héloïse, que son amour malheureux doit conduire à la mort: wiens, Abailard, viens, le cierge funéraire dans la main, viens m'adoucir le passage de cette vie à l'autre. » Si on supprimoit de cet ouvrage, l'une des plus belles productions de Pope, l'heureux mélange de l'amour et de la religion, on lui ôteroit son principal mérite.. Colardeau, qui paroît l'avoir senti dans les vers suivans, n'est pas entièrement à l'abri de ce reproche:

Soit que ton Héloïse, aux pleurs abandonnéë,
Sur la tombe des morts gémisse prosternée;
Soit qu'au pied des autels elle implore son dieu;:
Les autels, les tombeaux, la majesté du lieu,
Rien ne peut la distraire.

Dans nos cantiques saints c'est ta voix que j'entends,
Quand sur le feu sacré ma main jette l'encens;
Lorsque de ses parfuins s'élève le nuage,
A travers ces vapeurs je crois voir ton image.

Dans l'instant redouté des augustes mystères,
Au milieu des soupirs, des chants et des prières,
Quand le respect remplit le cœur d'un saint effroi,
Mon cœur brûlant n'invoque et n'adore que toi.

En général, on voit trop que Colardeau n'a pu lire Pope que dans une traduction française. Plusieurs des beautés de l'original sont mieux conservées dans une imitation que M. de Laharpe en a faite pour remplir les vides laissés par le jeune traducteur. Celui-ci n'avoit pas assez vu combien ce mélange de religion et d'amour est propre à produire de profondes impressions.

Il est difficile d'abord de comprendre pourquoi Didon invoque pour la prospérité de son mariage les dieux de la lumière, des moissons et des vendanges. Cette cérémonie est fondée sur quelque idée philosophique des anciens. Le mariage est la première source de la société; et le Soleil qui féconde la terre, et Cérès et Bacchus qui l'enrichissent étant les premiers bienfaiteurs de la vie sociale, il doit sembler naturel qu'ils fussent invoqués dans les cérémonies nuptiales. C'est avec la même convenance que Junon est plus particulièrement invoquée, puisque l'hymen étoit sous sa protection spéciale.

18) PAGE 16, VERS 14.

Pecudunque reclusis

Pectoribus inhians, spirantia consulit exta, etc.

Le mot inhians peint avec une grande énergie l'attention profonde avec laquelle Didon cherche à lire son destin dans les entrailles des victimes. Ce passage a inspiré à Racine plusieurs beaux vers qui en sont évidemment une imitation: De victimes moi-même à toute heure entourée,

Je cherchois dans leurs flancs ma raison égarée :

D'un incurable amour remèdes impuissans!
En vain sur les autels ma main brûloit l'encens :
Quand ma bouche imploroit le nom de la déesse,
J'adorois Hippolyte; et, le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisois fumer,
J'offrois tout à ce dieu que je n'osois nommer.
(Phèdre, act. I, sc. 3.)

On peut remarquer ici qu'il y a dans Racine une sorte d'esprit, de finesse et d'élégance plus appropriée au génie de notre langue, et dans Virgile plus d'énergie et de mouvement, particulièrement dans ces vers:

Heu! vatum ignaræ mentes! quid vota furentem,
Quid delubra juvant?

L'imitation n'est pas moins évidente dans ce passage 'Iphigénie ( Act. IV, sc. 4) :

Un prêtre, environné d'une foule cruelle,
Portera sur ma fille une main criminelle,
Déchirera son sein, et d'un œil curieux
Dans son cœur palpitant consultera les dieux!

19) PAGE 16, VERS 17.

Est mollis flamma medullas

Interea, et tacitum vivit sub pectore vulnus.

Mollis flamma est une expression heureuse, parce qu'elle rend avec une extrême précision les tourmens et les délices de l'amour.

Tacitum vivit sub pectore vulnus est tellement intraduisible, que Racine même n'a pas tenté de l'imiter.

20) PAGE 18, VERS 3.

Qualis conjectâ cerva sagittâ, etc.

On a toujours admiré avec raison la comparaison de Didon blessée des traits de l'amour avec une biche qui emporte dans ses flancs la flèche qui l'a percée. L'épithète neseius est heureuse, parce que l'objet d'une passion l'allume souvent sans le savoir.

1) PAGE 18, VERS 8.

Nunc media Ænean secum per moenia ducit, etc.

Virgile, après avoir peint l'amour de Didon, peint mieux peut-être encore les efforts qu'elle fait pour se faire aimer, et pour arrêter Énée dans Carthage. Ce héros fugitif cherche une patrie; Didon le conduit dans sa cité naissante, déjà riche des dépouilles de Sidon, et prête à le recevoir, urbemque paratam.

22) PAGE 18, VERS 10.

Incipit effari, mediâque in voce resistit.

Didon veut déclarer son amour, et s'interrompt tout à coup. Les aveux les plus intéressans dans ce genre sont toujours les plus timides, et le silence de la pudeur est peutêtre plus éloquent que les expressions les plus brûlantes de la passion.

23) PAGE 18, VERS II.

Nunc eadem, labente die, convivia quærit, etc.

Rien de plus naturel que l'empressement avec lequel Didon cherche à ramener Énée à ses festins du soir; c'est

ce que veut dire labente die. Les heures du soir sont véritablement celles de l'amour. Il est également naturel qu'elle veuille entendre de nouveau les aventures qui ont fait sur son ame une impression si profonde; c'est encore Énéc qu'elle cherche dans ses récits.

24) PAGE 18, VERS 13.

Pendetque iterum narrantis ab ore.

M. de Pompignan a cherché à rendre cette expression par ce vers:

Chaque instant qu'attachée au plaisir de l'entendre....

(Didon, act. I, sc. 4.)

L'image de Didon suspendue à la bouche du héros qui raconte, est infiniment plus belle et plus hardie.

25) PAGE 18, VERS 16.

Sola domo mæret vacuâ, stratisque relictis

Incubat: illum absens absentem auditque videtque, etc.

Tous les mouvemens de Didon, lorsqu'Énée s'est retiré dans son appartement, sont saisis avec la plus extrême sagacité. Au milieu de sa cour, entourée de ses gardes, elle se croit plongée dans la plus profonde solitude. C'est ainsi que Racine fait dire à Antiochus, après le départ de Bérénice: Dans l'Orient désert quel devint mon ennui!

(Bérénice, act. I, sc. 4.)

L'Orient fut désert du roment que Bérénice fut absente. Didon s'empare du siége que son amant vient de quitter Absent, elle croit encore le voir et l'entendre. La répéti

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