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la pureté du dogme, et qui, se reproduisant sous différentes formes dans la suite des siècles, ont été tour à tour frappés des anathèmes de l'Eglise.

Saint Augustin, par le zèle et les lumières qu'il déploya dans sa dispute contre Pélage, partisan outré de la liberté, mérita d'être appelé par excellence le docteur de la grâce. Avant cette dispute, il avoit combattu les erreurs des manichéens, contraires au libre arbitre. Par cette circonstance-là même, les théologiens des écoles opposées ont pu puiser des armes dans ses ouvrages; mais comme la controverse qu'il soutint contre les pélagiens fut plus longue et plus animée, le parti dont les opinions s'éloignoient le plus des erreurs pélagiennes a trouvé plus de facilité à s'appuyer de son autorité, et s'est toujours particulièrement fait gloire de marcher sous sa bannière.

Les ténèbres et l'ignorance qui suivirent la condamnation des pélagiens, et les guerres où les Chrétiens furent occupés, semblèrent amortir la curiosité sur ces questions. On en disputa cépen¬ dant encore dans les couvents des moines, et depuis dans les universités, lorsque les études scolastiques se ranimèrent. L'école de saint Thomasd'Aquin, qui adopta ce que la doctrine de saint Augustin avoit de plus rigide, parut y ajouter quelque chose de plus rigide encore, en voulant l'expliquer par le système de la prémotion physique système suivant lequel Dieu lui-même imprimeroit à la volonté le mouvement qui la détermine. Les franciscains et d'autres théologiens s'é

levèrent fortement contre cette doctrine. On accusoit les thomistes d'introduire le fatalisme, de rendre Dieu auteur du péché, de le représenter comme un tyran qui, après avoir défendu le crime à l'homme, le nécessite à devenir coupable, et le punit de l'avoir été. Les thomistes à leur tour reprochoient à leurs adversaires de transporter à la créature une puissance qui n'appartient qu'à Dieu, et de renouveler les erreurs de Pélage en anéanṛ tissant le pouvoir de la grâce, et en faisant l'homme auteur de son salut.

Malgré l'aigreur de ces imputations réciproques, et l'animosité qu'elles devoient inspirer, un concours heureux de circonstances en modéra les effets. Les deux opinions opposées avoient partagé les universités, et chaque parti avoit à sa tête deux ordres rivaux, tous deux puissants, tous deux recommandables par une égale réputation de science et de piété, tous deux également chers au siége de Rome par le zèle infatigable avec lequel ils travailloient à étendre son autorité. Les papes avoient un trop grand intérêt à conserver ces deux appuis de leur puissance pour faire pencher la balance en faveur de l'un ou de l'autre. Le peuple ne prit aucune part à ces disputes qu'il n'entendoit pas; la foi n'y étoit point intéressée; Rome gardoit le silence; et jamais une question sur laquelle l'autorité a laissé librement soutenir le pour et le contre n'a occasionné et n'occasionnera de troubles.

Luther et Calvin parurent : ces deux nouveaux

réformateurs, ardents à chercher des contrariétés entre la croyance de l'église catholique et la doctrine des premiers siècles du christianisme, prétendirent embrasser, mais outre-passèrent beaucoup les principes que saint Augustin avoit développés contre les pélagiens. Il est vrai que les luthériens ne furent pas long-temps sans revenir à des principes plus doux, et que, même parmi les calviniste Arminius et ses sectateurs abandonnèrent tout-i hic la doctrine de Calvin pour prendre celle de Pélage. Mais, lors de l'établissement du protestantisme, le système de la prédestination la plus rigide étoit un des points que les novateurs prêchoient avec le plus d'enthousiasme, et que les théologiens catholiques s'attachèrent le plus à réfuter.

Les jésuites, dont la société avoit pris naissance dans ces temps d'orage et de dissensions, se livrèrent à la controverse avec toute l'activité que pouvoit inspirer l'ambition d'acquérir la prépondérance dans l'Eglise. Une métaphysique ingénieuse et séduisante leur attira des élèves et des sectateurs. Fiers de leurs succès, ils ne se bornèrent pas à combattre Luther et Calvin : ils voulurent élever une nouvelle école contre celle de saint Thomas. Le système du jésuite espagnol Molina, sur l'accord de la grâce et du libre arbitre, balança la prémotion physique. Dans ce système, Dieu voit d'abord, par une prévision de simple intelligence, toutes les choses possibles; il voit, par une autre prévision, que Molina appelle

la science moyenne, ou la science des futurs conditionnels, non-seulement ce qui arrivera en conséquence de telle ou telle condition, mais encore ce qui seroit arrivé (et qui n'arrivera pas), si telle ou telle condition avoit eu lieu; tous les hommes sont continuellement munis de grâces suffisantes pour opérer leur salut, grâces qui deviennent efficaces ou qui demeurent sans effet, selon le libre usage qu'ils en font; lorsque Dieu veut convertir ou sauver un pécheur, il lui accorde les grâces auxquelles il prévoit, par la science moyenne, que le pécheur consentira, et qui le feront persévérer dans le bien. On voit par ce précis que Molina, cherchant à sauver la liberté humaine, lui donne une étendue trop illimitée, trop indépendante du Créateur. Il n'a même fait que substituer à la première difficulté une difficulté semblable, et peutêtre plus grande : car, suivant ses principes, la prescience d'un événement conditionnel qui ne doit pas arriver est fondée sur une connexion entre cet événement et la condition dont il dépendoit; connexion absolument incompréhensible, et cependant nécessaire par elle-même, puisque, la condition n'ayant point été et ne devant point être réalisée, il n'a existé, ni n'existera aucun exercice de la liberté, aucune détermination qui puisse en étre l'effet.

Suarez fit quelques corrections au système de Molina, et crut pouvoir expliquer, par le concours simultané de Dieu et de l'homme, comment la grâce opère infailliblement son effet, sans que

l'homme en soit moins libre d'y céder ou d'y résister; mais cette association de la Divinité aux actes de notre volonté foible et changeante est encore un mystère non moins impénétrable que tous les autres points de la dispute.

Malgré les objections qui démontroient l'incertitude ou même la fausseté de leur doctrine, les jésuites la produisoient partout avec confiance, comme le véritable dénoûment des difficultés que les saints Pères avoient trouvées à concilier la liberté des actions humaines avec la prescience di. vine. Cette orgueilleuse prétention blessa les anciennes écoles. On fut indigné de la supériorité que ces nouveaux docteurs vouloient s'attribuer, pour avoir introduit dans la théologie quelques subtilités métaphysiques, qui, dans le fond, n'éclaircissoient rien, et qui même se contredisoient réciproquement. Les combats qu'ils eurent à soutenir en particulier contre les dominicains s'animèrent au point, que le saint-siége crut devoir s'en occuper : les théologiens des deux ordres débattirent leurs opinions devant ces assemblées si connues sous le nom de congrégations de Auxiliis. Rome eut encore cette fois la sagesse de ne rien prononcer; mais l'éclat de ces thèses solennelles ne fit qu'augmenter l'acharnement des deux partis.

Pendant que ces funestes divisions troubloient l'Eglise, Corneille Jansen, évêque d'Ypres, si connu sous le nom de Jansenius, homme respecté pour sa science et pour ses mœurs, et fort éloigné de prévoir qu'un jour son nom deviendroit un si

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