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jouiroient sans interruption du droit de représenter l'état, en deviendroit bientôt le maître ou le tyran.

(ANONYME.)

Pasquier se vantoit de pouvoir montrer, par une infinité de raisons, que rien n'est plus pernicieux à la France que la tenue des états-généraux. « C'est, dit-il, une vieille » folie qui court en l'esprit des plus sages Français, qu'il » n'y a rien qui puisse tant soulager le peuple que telle » assemblée. Au contraire, il n'y a rien qui lui procure » plus de tort, pour une infinué de raisons, que si je >> vous déduisois, je passerois les bornes et termes d'une » missive ». Il n'y a point de doute qu'il n'eût pu produire là-dessus beaucoup de très-bons raisonnemens ; mais il n'est pas moins certain qu'il seroit facile de les combattre. C'est une matière sur laquelle on peut disputer long-temps, et soutenir àperte d'haleine le pour et le contre. Cependant si l'on en appeloit à l'expérience, il est à présumer que l'opinion de Pasquier l'emporteroit: car il seroit bien difficile de marquer les avantages que la France a tirés de ces assemblées, et l'on prouveroit très-facilement qu'elles n'ont servi qu'à fomenter les désordres. Les Anglais ont raison de dire que la tenue fréquente des parlemens est nécessaire au bien de leur état ; mais la France ne peut pas dire la même chose de ses assemblées générales. On en convoqua plusieurs sous le règne des fils de Henri II, et jamais la France ne fut plus agitée ni plus malheureuse que dans ces temps-là. Ces convocations, bien loin de guérir le mal, ne faisoient que l'augmenter. Personne ne doit reconnoître plus franchement cette vérité que ceux de la religion; car c'étoit dans ces assemblées leurs ennemis prenoient de nouvelles forces.

que

Il y a des gens qui comparent les états-généraux avec les conciles. Toutes ces sortes d'assemblées sont de mauvais augure: c'est un témoignage affligeant que les maux publics sont extrêmes, et que l'on commence à désespérer de la guérison. On fait alors comme dans les maladies qui ne laissent presque plus d'espérance; on assemble quantité de

médecins; ils consultent, ils disputent, ils s'accordent rarement, et ils font si bien que le malade peut dire comme l'empereur Adrien : La multitude des médecins m'a tue. Les belles harangues ne manquent pas dans ces assemblées; mais les cabales et les intrigues y manquent encore moins et la conclusion suit presque toujours, non pas la justice et la vérité, mais la brigue la plus forte.

(ANALYSE DE BAYLE.)

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ON

REPROCHE.

N entend par ce mot le blâme amer que nous encourons par une mauvaise action qu'on ne devoit pas attendre de nous. Le reproche est fait pour les ingrats. Si l'on échappe au reproche des autres, on n'échappe point à celui de sa propre conscience. Dans chaque état, on peut avoir des reproches à se faire.

(ANONYME.)

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FORME de gouvernement, dans lequel le peuple en

corps, ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance.

Lorsque, dans la république, le peuple en corps a la souveraine puissance, c'est une démocratie. Lorsque la souveraine puissance est entre les mains d'une partie du peuple, c'est une aristocratie.

Lorsque plusieurs corps politiques se réunissent ensemble pour devenir citoyens d'un état plus grand qu'ils veulent former, c'est une république fédérative.

Les républiques anciennes les plus célèbres sont la république d'Athènes, celle de Lacédémone, et la république

romaine.

Je dois remarquer ici que les anciens ne connoissoient point le gouvernement fondé sur un corps de noblesse, et encore moins le gouvernement fondé sur un corps législatif formé par les représentans d'une nation. Les républiques de Grèce et d'Italie étoient des villes qui avoient chacune leur gouvernement, et qui assembloient leurs citoyens dans leurs murailles. Avant que les Romains eussent englouti toutes les républiques, il n'y avoit presque point de roi nulle part. En Italie, dans la Gaule, l'Espagne, l'Allemagne; tout cela étoit de petits peuples ou de petites républiques l'Afrique même étoit soumise à une grande; l'Asie mineure étoit occupée par les colonies grecques. Il n'y avoit donc point d'exemple de députés de villes ni d'assemblées d'état; il falloit aller jusqu'en Perse pour trouver le gouvernement d'un seul.

Dans les meilleures républques grecques, les richesses y étoient aussi à charge que la pauvreté; car les riches étoient obligés d'employer leur argent en fêtes, en sacri

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fices, en chœurs de musique, en chars, en chevaux pour la course, en magistratures, qui seules formoient le respect et la considération.

Les républiques modernes sont connues de tout le monde; on sait quelle est leur force, leur puissance et leur liberté. Dans les républiques d'Italie, par exemple, les peuples y sont moins libres que dans les monarchies. Aussi le gouvernement a-t-il besoin, pour se maintenir, de moyens aussi violens que le gouvernement des Turcs; témoins les inquisiteurs d'état à Venise, et le tronc où tout délateur peut, à tout moment, jeter avec un billet son accusation. Voyez quelle peut être la situation d'un citoyen dans ces républiques. Le même corps de magiscomme exécuteur des lois, toute la puissance qu'il s'est donnée comme législateur. Il peut ravager l'état par ses volontés générales; et, comme il a encore la puissance de juger, il peut détruire chaque citoyen par ses volontés particulières. Toute la puissance y est une; et, quoiqu'il n'y ait point de pompe extérieure qui découvre un prince despotique, on le sent à chaque instant. A Genève, si l'on est plus libre, on n'est pas exempt de troubles et de divisions sans cesse renaissantes, qui altèrent le bonheur et la tranquillité des citoyens.

trature a,

Il est de la nature d'une république qu'elle n'ait qu'un petit territoire; sans cela, elle ne peut guère subsister. Dans une grande république, il y a de grandes fortunes, et par conséquent peu de modération dans les esprits; il y a de trop grands dépôts à mettre entre les mains d'un citoyen; les intérêts se particularisent un homme sent d'abord qu'il peut être heureux, grand, glorieux, sans sa patrie, et bientôt qu'il peut être seul grand sur les ruines de sa patrie.

Dans une grande république, le bien commun est sacrifié à mille considérations; il est subordonné à des exceptions; il dépend des accidens. Dans une petite, le bien public est mieux senti, mieux connu, plus près de chaque citoyen; les abus y sont moins étendus, et par conséquent moins protégés.

Ce qui fit subsister si long-temps Lacédémone, c'est qu'après toutes ses guerres, elle resta toujours avec son territoire le seul but de Lacédémone étoit la liberté; le seul avantage de sa liberté, c'étoit la gloire.

:

Ce fut l'esprit des républiques grecques de se contenter de leurs terres, comme de leurs lois. Athènes prit de l'ambition, et en donna à Lacédémone; mais ce fut plutôt pour commander à des peuples libres que pour gouverner des esclaves, plutôt pour être à la tête de l'union que pour la rompre. Tout fut perdu lorsqu'une monarchie s'éleva, gouvernement dont l'esprit est tourné vers l'agrandissement.

Il est certain que, lorsque la puissance du prince dégénère en tyrannie, elle ne met pas un état plus près de sa ruine que quand l'indifférence pour le bien commun y met une république. L'avantage d'un état libre est qu'il n'y ait point de favoris. Mais quand cela n'est pas, et qu'au lieu des amis et des parens du prince, il faut faire la fortune des amis et des parens de tous ceux qui ont part au gouvernement, tout est perdu. Les lois sont éludées plus dangereusement qu'elles ne sont violées par un prince qui, étant toujours le plus grand de l'état, a le plus d'intérêt à sa conservation.

Si une république est petite, elle peut être bientôt détruite par une force étrangère; si elle est grande, elle' se détruit par un vice intérieur. Ce double inconvénient infecte également les démocraties et les aristocraties, soit qu'elles soient bonnes, soit qu'elles soient mauvaises. Le mal est dans la chose même; il n'est point de forme qui puisse y remédier. Aussi l'expérience prouve-t-elle, et les hommes instruits conviennent-ils que, pour un grand état, il n'y a point de meilleur gouvernement que celui d'un seul.

+

à

Le gouvernement républicain ne convient pas toutes sortes de peuples. La famille royale s'étant éteinte parmi les Cappadociens, le peuple romain, dont ils étoient les alliés, leur permit de s'ériger en république. Bien loin de profiter de cette permission, ils envoyèrent des ambassadeurs à Rome, pour déclarer que la liberté leur étoit

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