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exposé par sa foiblesse et son ignorance à périr de faim de froid, ou à être dévoré par quelque bête féroce. L'état de société pourvoit à ses besoins et lui procure la sûreté, la nourriture et les douceurs de la vie. Il est vrai que je suppose l'état de paix et non pas celui de guerre, qui est un état destructeur, barbare, et directement contraire au bonheur de la société.

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ON

SOLLICITATION.

N appelle ainsi les démarches que font les plaideurs, ou par eux-mêmes, ou par leurs amis, auprès des juges, pour se les rendre favorables.

Quelqu'un prioit Agésilas d'écrire à ses amis en Asie, de lui faire bon droit. «Mes amis, dit-il, font ce qui est de >> droit, sans que je leur écrive. »

en

Ou le juge qui se fait solliciter veut laisser croire qu'il dépend de lui de faire pencher la balance, quoiqu'il soit bien persuadé qu'il est esclave de la loi, et qu'il soit même bien résolu à ne s'en écarter jamais; alors sa vanité impose et le calomnie: plus juste qu'il ne veut le paroître, il aime mieux être craint qu'estimé ; il consent même qu'on le méprise, pourvu qu'on le ménage et qu'on le considère; et l'insulte réelle des sollicitations le flatte par l'apparence des respects qu'on lui rend. Ou, se croyant libre de prononcer comme il lui plaira, il se met lui-même à la place des lois, prêt à céder à la séduction des prières et des hommages, à l'impulsion du crédit ou des affections personnelles; alors il est réellement inique et livré à la corruption.

Dans l'hypothèse même la plus favorable, la sollicitation est offensante pour le juge sollicité. Que demander à un homme intègre, incorruptible, appliqué à s'instruire, et tel qu'on doit le supposer, à moins de lui faire outrage? Son attention? c'est la moins mal-honnête des formules que l'on emploie, et celle-là même est une injure. Demander à un homme qui va décider de la fortune, de l'état, de la vie des citoyens, lui demander d'être attentif ! Il faut être bien desireux d'un crédit usurpé et d'une considération fausse, pour s'exposer en face à de pareils affronts ; et tel est cependant l'empire de la coutume et de l'habitude, que cet usage honteux est devenu honnête et paroît innocent. Rendons justice toutefois aux magistrats qui se respectent et qui savent quelle est réellement la dignité de leur état. Accessibles pour leurs cliens quand leur instruction l'exige; accessibles aux avocats interprètes de leurs cliens, ils se dérobent,

dérobent, autant que les égards et les bienséances le permettent, à tout ce que la faveur, le crédit, l'amitié, et des séductions encore plus indécentes, peuvent entreprendre sur eux; ou si la poursuite obstinée des recommandations à la fin force leur répugnance, un froid accueil, un silence austère, et l'assurance laconique d'être attentifs et d'être justes, est tout ce qu'en obtient celui qui les a fait rougir,

Il n'est cependant pas défendu de rendre à ses juges l'honneur qui leur est dû, de les aller saluer chez eux, et de leur demander l'audience ou l'expédition d'une affaire de rapport, de leur donner les instructions et éclaircissemens dont ils peuvent avoir besoin, pourvu que dans ces sortes de démarches et d'importunités l'on n'emploie pas de mauvaises voies pour capter les suffrages des juges.

(M. MARMONTEL.)

Tome X.

B b

SOMME I L.

ETAT d'inaction ou de détention des organes des sens

extérieurs et des mouvemens volontaires; cet état est nécessaire à l'homme pour soutenir, réparer et remonter sa machine :

Du dieu qui nous créa la clémence infinie,
Pour adoucir les maux de cette courte vie,
A placé parmi nous deux êtres bienfaisans,
De la terre à jamais aimables habitans,
Soutiens dans les travaux, trésors dans l'indigence,
L'un est le doux sommeil, et l'autre est l'espérance;
L'un, quand l'homme accablé sent de son foible corps
Les organes vaincus sans force et sans ressorts,
Vient par un calme heureux secourir la nature,
Et lui porter l'oubli des peines qu'elle endure.

Henriade, ch. VII.

Tels sont les effets salutaires du sommeil; mais la cause qui le fait naître et disparoître au bout d'un certain nombre d'heures, est si difficile à trouver qu'il faut s'en tenir à de simples conjectures.

Le sommeil est la suite de la fatigue et de l'épuisement qui succèdent aux travaux du jour ; plus on a travaillé, et plus le sommeil est pressant et doux; il fuit ceux qui ne s'occupent pas, et qui ne font pas agir leurs muscles.

Les voluptés douces invitent à dormir; la fraîcheur d'une cascade, une lumière tempérée, des sons doux, l'esprit dégagé de toute sollicitude, nous assoupissent. Dans le corps, le repos, la situation dans laquelle les muscles ne travaillent pas, et qui est celle d'un homme couché, la fin d'une fièvre qui cesse de nous dévorer, les bains de pieds qui déchargent la tête d'une partie de son sang, le lait rafraîchissant des amandes, des pavots, la saignée, rappellent le sommeil.

Toutes ces causes produisent un sommeil tranquille, et qui rétablit les forces. Une cause bien dangereuse concourt avec elles à joindre une envie irrésistible de dormir au sentiment le plus doux, lorsqu'on s'y est livré, mais qui

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conduit à une mort certaine ; c'est le froid qui nous saisit, et qui, resserrant toutes les veines des tégumens, refoule le sang au cerveau et le remplit. Boerhave a été sur le point de périr par les charmes enchanteurs de ce sommeil, et Solander n'a été arraché à la mort, sur les montagnes de la terre de feu, que par la violence amicale de ses compagnons. Le corps se refroidit dans le sommeil; l'homme le plus sain prend le froid en dormant, s'il n'est pas mieux couvert que quand il veille : il périt bien sûrement dans un froid de trente-deux degrés, au lieu qu'il supporte un beaucoup plus grand froid quand il veille. Nous nous couvrons beaucoup plus la nuit que le jour : la transpiration arrêtée sous des tapis de laine, sous des duvets et des plumes, fait un bain de vapeurs, qui attendrit la peau et qui attire les humeurs.

L'enfant dort beaucoup; le vieillard dort presque toujours. Feu M. Moivre, le calculateur, ne veilloit que quatre heures sur les vingt-quatre. Paré, chirurgien de Charles IX et de Henri III, qui mourut dans sa quatrevingt-unième année, passoit la plus grande partie de son temps à dormir. Les grands animaux dorment peu, et ne se couchent que rarement.

Dans le sommeil parfait, les sens ne nous frappent plus, les irritations intérieures ne sont plus aperçues, on ne sent plus les nécessités naturelles, l'appétit ne revient pas dans le nombre d'heures dans lequel il revient pendant la veille.

Après avoir exposé les causes qui procurent le sommeil, il ne sera pas inutile de parler de celles qui l'empêchent. La faim empêche de dormir; l'indigestion, toute cause irritante qui agit continuellement sur quelque partie du corps, le froid d'une partie du corps, des pieds, par exemple, pendant que le reste est couvert, les sons violens, les sollicitudes et les chagrins, l'attention trop forte, la niélancolie, la manie, la douleur, une grande partie des fièvres, les boissons chaudes aqueuses, bues de temps en temps, le thé, le café, plusieurs maladies du cerveau qui ne sont pas encore bien déterminées; tout cela écarte aussi le sommeil, et des causes presqu'analogues produisent l'assoupissement.

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