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est d'une parfaite simplicité; les deux stances suivantes méritent encore d'être citées :

Le fameux Amphion dont la voix nompareille
Bâtissant une ville étonna l'univers,

Quelque bruit qu'il ait eu, n'a point fait de merveille
Que ne fassent mes vers.

Par eux de tes hauts faits la terre sera pleine,
Et les peuples du Nil qui les auront ouis
Douneront de l'encens, comme ceux de la Seine,
Aux autels de Louis.

Le même poète va me fournir un exemple plus parfait de simplicite admirable; c'est dans sa paraphrase du pseaume 124 :

En vain pour satisfaire à nos lâches envies,

Nous passons près des rois tout le temps de nos vies
A souffrir des mépris, à ployer les genoux;

Ce qu'ils peuvent n'est rien, ils sont ce que nous sommes ;
Véritablement hommes,

Et meurent comme nous.

Si la simplicité noble retrace de grandes images, elle ne differe pas du sublime; Homère et Virgile sont des modèles de cette dernière simplicité.

Racine l'a bien connue, et j'en cite pour preuve ces vers d'Andromaque :

Ne vous souvient-il plus, seigneur, quel fut Hector?
Nos peuples affoiblis s'en souviennent encor!

Son nom seul fait trembler nos veuves et nos filles ;
Et dans toute la Grèce il n'est point de familles
Qui ne demandent compte à ce malheureux fils
D'un père ou d'un époux qu'Hector leur a ravis.

ACTE I.

(M. de JAUCOURT.)

SINCÉRITÉ.

LA SINCERITE n'est autre chose que l'expression de

la vérité. L'honnêteté et la sincérité dans les actions égarent les méchans, et leur font perdre la voie par laquelle ils peuvent arriver à leurs fins, parce que les méchans croient d'ordinaire qu'on ne fait rien sans artifice.

La sincérité est une ouverture de cœur. On la trouve en fort peu de gens; et celle que l'on voit d'ordinaire n'est qu'une fine dissimulation pour attirer la confiance des autres.

Si nos ames étoient de purs esprits, dégagés des liens du corps, l'une liroit au fond de l'autre ; les pensées seroient visibles, on se les communiqueroit sans le secours de la parole, et il ne seroit pas nécessaire alors de faire un précepte de la sincérité; c'est pour suppléer, autant qu'il en est besoin, à ce commerce de pensées dont nos corps gênent la liberté, que la nature nous a donné le talent de proférer des sons articulés. La langue est un truchement par le moyen duquel les ames s'entretiennent ensemble: elle est coupable, si elle les sert infidélement, ainsi que le seroit un interprète imposteur qui trahiroit son ministère.

La loi naturelle, qui veut que la vérité règne dans tous nos discours, n'a pas excepté les cas où notre sincérité pourroit nous coûter la vie. Mentir, c'est offenser la vertu; c'est donc aussi blesser l'honneur: or, on convient généralement que l'honneur est préférable à la vie; il en faut donc dire autant de la sincérité.

Qu'on ne croie point ce sentiment outré : il est plus général qu'on ne pense. C'est un usage presque universel dans tous les tribunaux de faire affirmer à un accusé, avant de l'interroger, qu'il répondra conformément à la vérité, et cela même lorsqu'il s'agit d'un crime capital. On lui fait donc l'honneur de supposer qu'il pourra, quoique coupable du fait qu'on lui impute, être encore assez homme de bien pour déposer contre lui-même

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au risque de perdre la vie, et de la perdre ignominieusement. Or, le supposeroit-on, si on jugeoit que la loi naturelle le dispensât de le faire ?

La morale de la plupart des gens, en fait de sincérité, n'est pas rigide on ne se fait point une affaire de trahir la vérité par intérêt, ou pour se disculper, ou pour excuser un autre on appelle ces mensonges officieux; on les fait pour avoir la paix, pour obliger quelqu'un, pour prévenir quelqu'accident. Misérables prétextes qu'un mot seul va pulvériser : il n'est jamais permis de faire un mal pour qu'il en arrive un bien. La bonne intention sert à justifier les actions indifférentes, mais n'autorise pas celles qui sont déterminément mauvaises.

La sincérité empêche de parler autrement qu'on ne pense; c'est une vertu. La franchise fait parler comme on pense; c'est un effet du naturel. La naïveté fait dire librement ce qu'on pense; cela vient quelquefois d'un défaut de réflexion. L'ingénuité fait avouer ce qu'on sait et ce qu'on sent; c'est souvent une bêtise.

Un homme sincere ne veut point tromper. Un homme franc ne sauroit dissimuler. Un homme naïf n'est guère propre à flatter. Un ingénu ne sait rien cacher.

La sincérité fait le plus grand mérite dans le commerce du cœur. La franchise facilite le commerce des affaires civiles. La naïveté fait souvent manquer à la politesse. L'ingénuité fait pécher contre la prudence.

Le sincère est toujours estimable. Le franc plaît à tout le monde. Le naïf offense quelquefois. L'ingénu se trahit.

(ANONYME.)

SINGULARITÉ.

ON
Ox prend ordinairement ce mot en mauvaise part,

N

pour désigner une affectation de mœurs, d'opinions, de manières d'agir, ou de s'habiller, contre l'usage ordinaire; cependant il faut distinguer la singularité louable de la

vicieuse.

Tout homme de bon sens tombera d'accord avec moi que la singularité est digne de nos éloges lorsque, malgré la multitude qui s'y oppose, elle suit les maximes de la morale et de l'honneur: dans de semblables cas, il faut savoir que ce n'est pas la coutume, mais le devoir, qui est la règle de nos actions, et que ce qui doit diriger notre conduite est la nature même des choses; alors la singularité devient une vertu qui élève un homine au dessus des autres, parce que c'est le caractère d'un esprit foible de vivre dans une opposition continuelle à ses propres sentimens, et de n'oser paroître ce qu'on est ou ce qu'on doit être.

La singularité n'est donc vicieuse que lorsqu'elle fait agir les hommes contre les lumières de la raison, ou qu'elle les porte à se distinguer par quelques niaiseries: comme je ne doute pas que tout le monde ne condamne les personnes qui se singularisent par les mauvaises mœurs, le désordre et l'impiété, je ne m'arrête qu'à ceux qui se rendent remarquables par la bizarrerie de leurs habits, de leurs manières, de leurs discours, ou de telles autres choses de peu d'importance dans la conduite de la vie civile; il est certain qu'à tous ces égards on doit donner beaucoup à la coutume; et, quoique l'on puisse avoir quelque ombre de raison pour ne pas suivre la foule on doit sacrifier son humeur particulière et ses opinions aux usages généralement reçus et suivis.

Il faut donc s'y prêter, et se ressouvenir qu'en suivant toujours le bon sens même, on peut paroître ridicule dans l'esprit de gens qui nous sont de beaucoup inférieurs, et se rendre moins propre à être utile aux autres dans des affaires réellement importantes: au reste, parmi nous,

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on voit très-peu de gens se singulariser dans les modes, les usages et les opinions reçues; mais combien n'en voit-on pas qui, de peur de se donner un ridicule, n'osent se montrer ce qu'ils devroient être, et ce que la vertu leur prescrit d'être.

La singularité n'est pas précisément un caractère, c'est une simple manière d'être qui s'unit à tous les caractères, et qui consiste à être soi, sans s'apercevoir qu'on soit différent des autres; car, si l'on vient à le reconnoître, la singularité s'évanouit; c'est une énigme qui cesse de l'être aussitôt que le mot en est connu. Quand on s'est aperçu qu'on est différent des autres, et que cette différence n'est pas un mérite, on ne peut guère persister que dans l'affectation; et c'est alors petitesse ou orgueil, ce qui revient au même, et produit le dégoût; au lieu que la singularité naturelle met un certain piquant dans la société qui en ranime la langueur.

Les sots, qui souvent croient avoir le mérite qu'ils n'ont pas, et qui s'imaginent que personne n'en a plus qu'eux, voyant le succès de la singularité, se font singuliers, et l'on sent ce que cette bizarrerie doit produire.

Au lieu de se borner à n'être rien, ce qui leur conviendroit si bien, ils veulent à toute force être quelque chose, et ils sont insupportables. Ayant remarqué, ou plutôt entendu dire que des génies reconnus ne sont pas toujours exempts d'un grain de folie, ils tâchent d'imaginer des folies, et ne font que des sottises.

La fausse singularité n'est qu'une privation de caractère, qui consiste non seulement à éviter d'être ce que sont les autres, mais à tâcher d'être uniquement ce qu'ils ne sont pas.

On voit des sociétés où les caractères se sont partagés comme on distribue des rôles. L'un se fait philosophe, un autre plaisant, un troisième misanthrope. Tel se fait caustique qui penchoit d'abord à être complaisant; mais il a trouvé le rôle occupé. Quand on n'est rien, on a le choix de tout.

Il n'est pas étonnant que ces travers entrent dans la tête d'un sot; mais on est surpris de les rencontrer avec

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