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les grands, plus souvent dupes que les autres hommes prétendent que si ces gens à secrets ne s'enrichissent pas, - c'est par la jalousie des gens de l'art qui s'opposent à leur établissement, les dégoûtent, les décréditent, et les empêchent d'exercer leurs talens; mais ces moyens seroient bien foibles contre des succès véritables, et il n'est pas possible que ceux qui les obtiendroient ne triomphassent bientôt de tous les obstacles que l'envie pourroit leur opposer.

Nous ne présumons pas, malgré la force invincible de toutes ces raisons, devoir jamais passer le règne des secrets en médecine. Il est doux de tout espérer dans une maladie mortelle ; la mort surprend sans s'être fait craindre; on la sent plutôt qu'on n'a songé à s'y résoudre : notre ignorance, notre foiblesse, notre goût pour le merveilleux, l'amour de la vie qu'on nous promet, dont l'opération est active, dont le bien touche par le sentiment ; la séduction facile de l'imagination occupée de ce seul objet; le penchant naturel pour ce qui flatte nos desirs ; l'espérance dont on nous berce; l'abandon même des gens de l'art, qui cèdent sans regret aux instances du malade; tout cela, dis-je, doit triompher des principes les plus évidens, des raisonnemens les plus solides, et il faudroit être bien peu philosophe pour s'en étonner.

Nous ne prétendons pas, par toutes ces réflexions sur les possesseurs de prétendus et faux secrets, nier la possibilité d'en trouver de vrais et d'excellens. Il n'est pas douteux que la médecine peut faire des progrès à cet egard, et c'est par cette raison que l'Angleterre a promis de si belles récompenses à la découverte d'un remède contre la pierre; mais ceux qui trouveront ce remède ou d'autres semblables, loin d'avoir à redouter l'envie ou la jalousie de personne, doivent être assurés de leur fortune, de leur gloire et de leur immortalité.

(ANONYME.)

SÉDITION.

LA

A SÉDITION est un trouble, une division, une émeute, une révolte bien ou mal fondée dans un gouvernement.

On donne en général le nom de sédition à toutes les grandes assemblées qui se font sans la permission des magistrats, ou contre l'autorité des magistrats, ou de ceux qui s'attribuent cette autorité. Athalie et Jezabel étoient bien plus près de crier à la trahison que David; et nous n'en citerons point d'autres exemples.

Il seroit inutile de chercher un gouvernement dont la constitution soit telle, qu'on puisse s'assurer qu'il ne sera point exposé à des sétitions, des troubles et des guerres civiles. Quelque grands que soient ces malheurs, la félicité opposée nous est refusée dans cette vie, et nous n'en jouirons que dans l'autre.

Les séditieux qui cherchent à exciter les peuples à la révolte contre leur légitime souverain sont bien criminels, et les maux inévitables qu'ils occasionnent les rendent presque toujours l'objet de l'exécration publique. Il n'y a point de supplice, si cruel qu'il soit, qui puisse expier un pareil crime.

Les séditions, les troubles, les guerres civiles, proviennent d'erreur, de malice, de causes justes ou injustes; elles proviennent d'erreur, lorsqu'un peuple croit qu'on lui a fait du mal, ou qu'on a eu dessein de lui en faire, quoiqu'on n'y ait pas seulement pensé; ou lorsqu'il regarde comme un mal ce qu'on lui a fait, quoiqu'effectivement ce ne soit pas un mal. Les états les mieux réglés peuvent quelquefois tomber dans ces sortes d'erreurs; et c'est à ceux qui gouvernent à prendre les plus grandes précautions pour en éviter les suites.

Les Romains, jaloux d'une liberté nouvellement recouvrée, s'imaginèrent que Valerius - Publicola aspiroit à la royauté, lorsqu'ils virent qu'il faisoit bâtir une maison dans une place qui paroissoit trop éminente pour un particulier.

Les Lacédémoniens ne soupçonnèrent pas moins la conduite de Lycurgue ; et un jeune libertin, dans une Tome X.

Q

sédition, fut assez téméraire pour lui crever un œil, mais jamais peuple n'a témoigné tant d'amour ni de respect à de bons citoyens, que les Romains et les Lacedémoniens en témoignèrent à ces grands hommes, lorsqu'ils connurent que leurs soupçons étoient mal fondés. Quelquefois les faits sont véritables, mais le peuple les explique d'une manière opposée à l'intention qu'on a eue. Lorsqu'on eut chassé les Tarquin, les patriciens retinrent pour eux-mêmes les principales charges de la magistrature; mais ce ne fut jamais leur dessein de rétablir les rois sur le trône, ni une oligarchie entre eux, comme les familles populaires se l'imaginoient; aussi elles ne se furent pas plutôt aperçues de leur erreur, que toute leur crainte s'évanouit; et ces mêmes personnes qui sembloient ne méditer pas moins que la ruine entière de toutes les familles patriciennes, se calmèrent tout d'un coup.

Menenius - Agrippa apaisa une des plus violentes séditions qui se soit élevée dans la république romaine en récitant au peuple la fable des différens membres du corps humain, qui faisoient des plaintes contre le ventre; et la plus dangereuse de toutes fut étouffée, aussitôt qu'on eut accordé à ce peuple des tribuns pour le protéger.

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Quelques jeunes patriciens avoient favorisé les déccmvirs, et il y en avoit d'autres du même corps qui ne vouloient pas se déclarer ouvertement contre eux; il n'en fallut pas davantage pour faire croire au peuple qu'ils avoient tous conspiré avec ces nouveaux tyrans; mais Valerius et Horatius s'étant mis à la tête de ceux qui cherchoient à détruire cette nouvelle tyrannie, il reconnut bientôt son erreur, et regarda les patriciens comme les plus zélés défenseurs de sa liberté.

Les gouvernemens démocratiques, si dificiles, pour ne pas dire impossibles, à établir dans un grand état, sont sujets à ces sortes d'erreurs; elles sont rares dans les aristocraties, et nous n'en avons point d'exemples parmi les Lacédémoniens depuis l'établissement des lois de Lycurgue; mais il semble que les monarchies absolues en soient toutà-fait exemptes. On dissimule, et on nie souvent le mal qu'on a dessein de faire, jusqu'à ce qu'il ne soit plus temps

d'y remédier autrement que par la force; ceux que là nécessité oblige à se servir de ce remède n'ignorent pas qu'il faut infailliblement qu'ils périssent, s'ils ne viennent à bout de ce qu'ils ont entrepris. Celui qui tire l'épée contré son prince, disent les Français, en doit jeter le foureau ; car, quelque juste raison qu'il ait de prendre ce parti, en supposant qu'il pût y en avoir de telles, il peut s'assurer que sa ruine est inévitable, s'il ne réussit pas. Il arrivé rarement qu'un prince fasse la paix avec ceux qu'il regarde comme des rebelles, et qui le sont effectivement; ou s'il la fait, il ne l'observe jamais, à moins que les sujets ne se réservent assez de forces pour l'obliger à tenir sa parole; et tôt ou tard on trouve bien moyen de leur ôter ce qu'on leur avoit accordé. D'ailleurs il est à remarquer que les séditieux et les rebelles finissent presque toujours par éprouver le sort qu'ils méritent.

Les séditions qui proviennent de malice, sont rares dans les gouvernemens populaires; car elles sont préjudiciables au peuple, et personne ne s'est jamais fait du mal de dessein prémédité. Il y a sans doute souvent de la méchanceté dans ceux qui excitent ces séditions; mais le peuple n'y est jamais entraîné que par erreur; dès qu'il s'aperçoit qu'il a été trompe, il ne manque pas de se venger des fourbes qui l'ont surpris. Si le peuple reconnoît trop tard son erreur, elle lui coûte ordinairement la perte de sa

liberté.

Dans les monarchies absolues, presque tous les troubles qui y arrivent proviennent de malice, ou de l'accablement des charges que l'on fait supporter au peuple. Quand ils proviennent de la méchanceté de ceux qui les excitent, il est assez difficile d'y remédier, parce qu'ils se proposent, en les nourrissant, d'en retirer quelque grand avantage.

Après la mort de Brutus et de Cassius, on n'entreprit point de guerre dans l'empire romain, qui n'eût pour principe quelqu'intérêt particulier; et les provinces, après avoir aidé un général à chasser du trône un tyran, éprouvoient souvent que celui-ci étoit aussi cruel que son prédécesseur.

Pour me résumer en deux mots, je remar uerai qu'en

général la tyrannie, les innovations en matière de religion, la multiplicité des impôts, le changement des lois ou des coutumes, le mépris des priviléges de la nation, le mauvais choix des ministres, la cherté des vivres, etc., sont autant de causes des plus dangereuses séditions.

Les remèdes sont de rétablir les principes du gouvernement, de rendre justice au peuple, d'écarter la disette par la facilité du commerce, et l'oisiveté par l'établissement des manufactures, de réprimer le luxe, de faire valoir les terres en donnant du crédit à l'agriculture, de ne point laisser une autorité arbitraire aux chefs, de maintenir les lois et de modérer les impôts.

(M. de JAUCOURT.}

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