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RÈGNE, EMPIRE.

EMPIRE a une grace particulière lorsqu'on parle des

peuples ou des nations. Régne convient mieux à l'égard des princes. Ainsi l'on dit l'empire des Assyriens et l'empire des Turcs, le règne des Césars et le règne des Paléologues.

Le premier de ces mots, outre l'idée d'un pouvoir de gouvernement ou de souveraineté, qui est celle qui le rend synonyme avec le second, a deux autres significations, dont l'une marque l'espèce, ou plutôt le nom particulier de certains états; ce qui peut le rendre synonyme avec le mot de royaume; l'autre marque une sorte d'autorité qu'on s'est acquise, ce qui le rend encore synonyme avec les mots d'autorité et de pouvoir. Il n'est point ici question de ces deux derniers sens; c'est seulement sous la première idée, et par rapport à ce qu'il a de commun avec le mot de règne, que nous le considérons à présent, et que nous en faisons le caractère.

L'époque glorieuse de l'empire des Babyloniens est le règne de Nabuchodonosor; celle de l'empire des Perses est le régne de Cyrus; celle de l'empire des Grecs est le règne d'Alexandre; et celle de l'empire des Romains est le règne d'Auguste : ce sont les quatre grands empires prédits par le prophète Daniel.

Donner à Rome l'empire du monde, c'est une pensée fausse dans le sens littéral; et, quelque beauté qu'on y trouve dans le figuré, elle sent toujours la dépendance d'un sujet qui parle de ses maitres, ou du moins de ceux qui l'ont été. Je ne crois pas qu'un orateur russien ou chinois s'en servît en faisant l'éloge des Romains; nousmêmes nous ne nous en servons point en parlant de l'empire des autres nations sous la puissance desquelles nous n'avons pas été, quoiqu'elles aient étendu leur domination aussi loin et sur d'aussi vastes contrées que l'a fait Rome.

Louer un prince par le nombre des guerres et des victoires arrivées sous son régne, c'est saisir ce que la gloire a de brillant le louer par la douceur, par l'équité et par la sagesse de son régne, c'est choisir ce que la gloire a de solide.

:

Le mot d'empire s'adapte au gouvernement domestique des particuliers, aussi bien qu'au gouvernement public des souverains on dit d'un père qu'il a un empire despotique sur ses enfans; d'un maître, qu'il exerce un empire cruel sur ses valets; d'un tyran, que la flatterie triomphe, et que la vertu gémit sous son empire. Le mot de regne ne s'applique qu'au gouvernement public ou général, et non au particulier on ne dit pas qu'une femme est malheureuse sous le règne, mais bien sous l'empire d'un jaloux; il entraîne même dans le figuré cette idée de pouvoir souverain et général : c'est par cette raison qu'on dit le règne et non l'empire de la vertu ou du vice; car alors on ne suppose ni dans l'un ni dans l'autre un simple pouvoir particulier, mais un pouvoir général sur tout le monde, et en toute occasion. Telle est aussi la raison qui est cause d'une exception dans l'emploi de ce mot, à l'égard des ainans qui se succèdent auprès d'un même objet, et de ce qu'on qualifie du nom de règne le temps passager de leurs amours, parce qu'on suppose que, selon l'effet ordinaire de cette aveugle passion, chacun d'eux a dominé sur tous les sentimens de la personne qui s'est successivement laissé vaincre.

Ce ne sont ni les longs regnes ni leurs fréquens changemens qui causent la chute des empires; c'est l'abus de l'autorité.

Toutes les épithètes qu'on donne à empire, pris dans le sens où il est synonyme avec règne, conviennent aussi à celui-ci; mais celles qu'on donne à règne ne conviennent pas toutes à empire, dans le sens même où ils sont synonymes. Par exemple, on ne joint pas avec empire, comme avec régne, les épithètes de long et de glorieux; on se sert d'un autre tour de phrase pour exprimer la même chose.

L'empire des Romains a été d'une plus longue durée que l'empire des Grecs; mais la gloire de celui-ci a été plus brillante par la rapidité des conquêtes. Le règne de Louis XIV a été le plus long et l'un des plus glorieux de la monarchie française.

(M. de JAUCOURT.)

LE

REGRE T.

E REGRET est un souvenir pénible d'avoir fait, dit ou perdu quelque chose. Il semble pourtant que le remords soit d'avoir commis un mal, et le regret d'avoir perdu un bien. Ainsi tout le monde est exposé à avoir des regrets; mais il n'y a que les coupables qui soient. tourmentés de remords. Les choses qu'on regrette le plus, sont celles auxquelles on attache le plus de valeur. Ainsi la perte de l'innocence, de la santé, de la fortune, de la réputation, doit principalement exciter nos regrets, avec d'autant plus de raison que souvent nous ne les perdons que par notre faute. Les remords sont quelquefois utiles, ils disposent le méchant au repentir. Plus souvent encore les regrets sont superflus, ils ne réparent pas la perte qui les a occasionnés. Les regrets sont un hommage que les vivans rendent à la vertu des morts. A quoi sert le regret du temps perdu? On regrette indistinctement une bonne et une mauvaise chose. Il y eut des hommes qui regrettèrent la perte de l'imbécille Claude. Les Israélites regrettoient, dans le désert, les oignons de l'Égypte. Il y a peu d'objets vraiment regrettables. Le regret marque toujours du malheur ou de l'imprudence. (ANONYME.)

RELIGIEUX.

Ce mot a divers usages en notre langue. Il se prend dans

E

son origine pour ce qui appartient à la religion; un culte religieux, c'est le culte qu'on rend à Dieu; un prince religieux, veut dire un prince qui a de la religion et de la piété. Mais il s'emploie aussi en des occasions où il ne s'agit point de religion. Nous disons qu'un homme garde religieusement sa parole, qu'il est religieux observateur des lois; ce qui signifie qu'il tient fidèlement ses promesses, et qu'il est fidèle aux lois. Sophocle n'est pas moins religieux qu'Euripide, c'est-à-dire n'est pas moins scrupuleux à ne rien mettre sur le théâtre qui puisse blesser les mœurs.

On appelle ceux qui quittent le monde, pour vivre dans la retraite, des religieux, et sous ce titre on comprend aussi les religieuses.

Zilia étoit étrangement aveuglée par ses préjugés, quand elle a dit que le culte que nos vierges rendoient à la divinité exige qu'elles renoncent à tous ses bienfaits, aux connoissances de l'esprit, aux sentimens du cœur, et même à la droite raison; mais il est vrai que trop souvent les religieuses sont les victimes du luxe et de la vanité de leurs propres parens.

On se plaint sans cesse, et toujours sans succès, que la vie monastique dérobe trop de sujets à la société civile: les religieuses sur-tout, dit M. de Voltaire, sont mortes pour la patrie. Les tombeaux où elles vivent sont très pauvres une fille qui travaille de ses mains aux ouvrages de son sexe, gagne beaucoup plus que ne coûte l'entretien d'une religieuse. Leur sort peut faire pitié, si celui de tant de couvens d'hommes trop riches peut faire envie.

Il est bien évident que leur grand nombre dépeuple un éiat; il n'y eut jamais d'asyle consacré à la virginité dans toute l'Asie. Dans l'ancienne Rome il n'y avoit que six vestales. Elles n'étoient point recluses, et elles vivoient

magnifiquement par les fonds considérables que la république donnoit pour leur entretien. Elles avoient le droit de se faire porter en litière par la ville, et jusque dans le Capitole. Les consuls étoient obligés de baisser leurs faisceaux devant elles. On leur accordoit les premières places aux jeux et aux spectacles. Enfin, leur consécration qui se faisoit dès le bas âge ne duroit que trente ans, après lequel temps il leur étoit libre de sortir de la maison, et de se marier.

Les religieux, dit encore M. de Voltaire, dont les chefs résident à Rome, sont autant de sujets immédiats du pape, répandus dans tous les états. La coutume qui fait tout, et qui est cause que le monde est gouverné par des abus comme par des lois, n'a pas toujours permis aux princes de remédier entièrement à un danger, qui tient d'ailleurs à des choses utiles et sacrées. Prêter le serment à un autre qu'à son souverain, est un crime de lèze-majesté dans un laïc; c'est dans le cloître un acte de religion. La difficulté de savoir à quel point on doit obéir à ce souverain étranger, la facilité de se laisser séduire, le plaisir de secouer un joug naturel pour en prendre un qu'on se donne à soi-même, l'esprit de trouble, le malheur des temps, n'ont que trop souvent porté des ordres entiers de religieux à servir Rome contre leur patrie.

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M. de Ségrais disoit qu'outre les causes générales qui multiplient le nombre des couvens il avoit remarqué un penchant dans les jeunes filles et garçons dans les pays chauds de se faire religieux ou religieuses à l'âge de l'adolescence, et que c'étoit là une attaque de mélancolie d'amour; il appeloit cette maladie la petite vérole de l'esprit, parce qu'à cet âge d'efflorescence des passions, peu de gens en échappent. Ce n'est pas, continue-t-il, que ces attaques de mélancolie ne viennent aussi quelquefois plus tard, comme la petite vérole qui vient souvent dans un âge avancé.

Les gens du monde, si indulgens pour eux-mêmes, s'arment d'une sévérité inexorable contre les instituts religieux; et si leurs desirs étoient la règle des événemens, tous les monastères seroient bientôt ou fermés ou détruits.

Un

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