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et des moyens injustes et criminels dont leurs pères peuvent s'être servis pour acquérir ces biens, et en consé→ quence nullement obligés de les restituer à ceux à qui ils appartiennent de droit, ou d'en faire quelqu'autre dispensation également juste et sage. Or, sans vouloir prévenir les réflexions du lecteur sur une pareille conduite, il me suffit de dire qu'elle prouve bien la vérité de cette pensée de saint Jérôme: «Tout homme riche, dit ce père, est >> ou injuste lui-même, ou héritier de l'injustice d'autrui. >> De tout cela je conclus qu'à tout prendre, les richesses sont pour les bonnes mœurs un écueil très-dangereux et celui où vont se briser le plus souvent toutes les vertus qui caractérisent l'honnête homme. Il faut convenir encore qu'il est un très-petit nombre de personnes qui sachent acquérir la richesse sans bassesse et sans injustice, un beaucoup plus petit nombre à qui il soit permis d'en jouir sans remords et sans crainte, et presque aucun assez fort pour la perdre sans douleur. Elle ne fait donc communément que des méchans et des esclaves. Les richesses sont dans le chemin de la vertu, comme le bagage dans une armée; nécessaires, mais incommodes : elles retardent notre marche, et nous font souvent perdre la victoire sur nos passions.

Le prix des richesses est dans la dépense; toute autre valeur est d'opinion. Leur possession et le plaisir de les garder, n'est qu'une jouissance imaginaire qui ne flatte point les sens; mais l'avantage de donner et de se procurer du crédit et de la considération, en les distribuant à propos pour son usage ou pour le soulagement des autres, prouvent qu'elles peuvent être l'instrument du bonheur. Voyez combien les hommes sont ingénieux à faire valoir les pierreries et mille autres superfluités pour attacher du crédit à l'argent on croiroit bien plutôt qu'ils n'en font aucun cas, quand ils le répandent et le dissipent en vains ornemens.

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Il est sans doute beau de faire sa fortune au service des rois ou bien à la suite des grands, quand on marche droit avec eux; mais de toutes les bassesses, la plus honteuse, c'est l'adulation s'élever en rampant, quelle indignité !

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Le mépris des richesses est une ostentation bien équivoque; c'est ordinairement le fruit du désespoir, et le retour de la vanité. Mais laissez avancer un peu ces prétendus philosophes, vous verrez comme ils sont ardens à la proie.

Un homme n'est jamais assez riche pour ne pas compter avec lui-même. (M. NAIGEON.)

RIDES.

SI on I on examine bien, dit M. de Buffon, le visage d'un homme de vingt-cinq à trente ans, on pourra déjà y découvrir l'origine de toutes les rides qu'il aura dans sa vieillesse; il ne faut pour cela que voir le visage dans un état de violente action, comme est celle du ris immodéré, des pleurs, ou seulement d'une forte grimace; tous les plis qui se formeront dans ces différentes actions, seront un jour des rides ineffaçables.

L'art le plus savant n'a point de remèdes contre ce dépérissement du corps. Les ruines d'une maison peuvent se réparer, mais il n'en est pas de même de celles de notre machine. Les femmes qui, trop éprises dé leur beauté, la voient s'évanouir par la trace des rides et la perte de leurs charmes, desireroient avec passion de reculer vers la jeunesse, et d'en emprunter les couleurs. Comment ne chercheroient-elles pas à tromper les autres, puisqu'elles font tous leurs efforts pour se tromper elles-mêmes et pour se dérober la plus affligeante de toutes les idées, celle qu'elles vieillissent? Combien y en a-t-il qui voudroient placer les rides de leur visage dans cette partie du corps où les dieux avoient caché l'endroit mortel du fils de Thétis et de Pélée ? Mademoiselle de Lenclos, plus éclairée que la plupart des personnes de son sexe, n'avoit garde de prendre à la lettre les cajoleries de l'abbé de Chaulieu, qui prétendoit que l'amour s'étoit retiré dans les rides du front de cette belle personne. Elle nommoit elle-même ses rides le départ de l'amour, et les marques de la sagesse. Elles devroient l'être sans doute pour nous fortifier dans la philosophie, et pour nous aguerrir par de sages réflexions contre les frayeurs de la mort.

(M. de JAUCOURT.)

RIDICULE.

JE

E me demande à moi-même ce que c'est que le ridicule, on ne l'a point encore défini; c'est un terme abstrait dont le sens n'est point fixe; il varie perpétuellement, et relève comme les modes du caprice et de l'arbitraire; chacun applique l'idée du ridicule, la change, l'étend et la restreint à sa fantaisie. Un homme est taxé de ridicule dans une société pour avoir quitté de faux airs; et ces mêmes faux airs, dans une autre société, le combloient de ridicules.

On confond communément le ridicule avec ce qui est contre la raison; cependant, ce qui est contre la raison est folie si c'est contre l'équité, c'est un crime.

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Le ridicule devroit se borner aux choses indifférentes en elles-mêmes, et consacrées par les usages reçus, la mode, les habits, le langage, les manières, le maintien; voilà son ressort. Voici son usurpation :

Il étend son empire sur le mérite, l'honneur, les talens, la considération et les vertus; sa caustique empreinte est ineffaçable; c'est par elle qu'on attaque dans le fond des cœurs le respect qu'on doit à la vertu ; il éteint enfin l'amour qu'on lui porte; tel rougit d'être modeste qui devient effronté par la crainte du ridicule, et cette mauvaise crainte corrompt plus de cœurs honnêtes que les méchantes inclinations.

Le ridicule frappe plus sûrement que la calomnie, qui peut se détruire en retombant sur son auteur; et c'est aussi le moyen que l'envie emploie avec le plus de succès pour ternir l'éclat des hommes supérieurs aux autres.

Ce qui déshonore offense moins que le ridicule; la raison en est qu'il n'est au pouvoir de personne d'en déshonorer un autre. C'est notre propre conduite, et non le discours d'autrui qui nous déshonorent; les causes du déshonneur sont connues et certaines ; mais le ridicule dépend de la manière de penser et de sentir qu'ont les gens vicieux, pour tâcher de nous dégrader, en mettant la honte ou la gloire par-tout où ils jugent à propos, et sur tous les objets qu'ils envisagent sous la face du ridicule.

Tome X.

II

tune,

Le pouvoir de son empire est si fort, que quand d'imagination en est une fois frappée, elle ne connoît plus que sa voix. On sacrifie souvent son honneur à sa foret quelquefois sa fortune à la crainte du ridicule. Il n'étoit pas besoin, ce me semble, de proposer pour sujet du prix de l'académie française, en 1753, si la crainte du ridicule étouffe plus de talens et de vertus qu'elle ne corrige de vices et de défauts; car il est certain que cette crainte corrige peu de vices et de défauts en comparaison des talens et des vertus qu'elle étouffe. La honte n'est plus pour les vices; elle se garde toute entière pour cet être fantastique, qu'on appelle le ridicule.

Le ridicule a pris le savoir et la philosophie en aversion ; à peine pardonne-t-il l'un et l'autre à un petit nombre d'hommes de lettres supérieurs ; mais pour les personnes de distinction, il faut bien qu'elles se gardent d'aspirer à l'amour des sciences, le ridicule ne les épargneroit pas.

Il s'attache encore fort souvent à la considération, parce qu'il en veut aux qualités personnelles : il pardonne aux vices , parce qu'ils sont en commun; les hommes s'accordent à les laisser passer sans opprobre; ils ont besoin de leur faire grace. Dans chaque siècle, il a dans une nation un vice dominant; et il se trouve toujours quelque homme de qualité qu'on appelle aimable, ou quelque femme titrée qui donne le ton à son pays, qui fixe le ridicule, et qui met en crédit les vices de la société.

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C'est en marchant sur leurs traces, dit très-bien M. Duclos, qu'on voit des essaims de petits donneurs de ridicules, qui décident de ceux qui sont en vogue, comme les marchands de modes fixent celles qui doivent avoir cours. S'ils ne s'étoient pas emparé de l'emploi de distribuer en second les ridicules, ils en seroient accablés ils ressemblent à ces criminels qui se font exécuteurs pour sauver leur vie. Une grande sottise de ces êtres frivoles, et celle dont ils se doutent le moins, est de s'imaginer que leur empire est universel. Le peuple ne connoît pas même le nom des choses sur lesquelles ils impriment le ridicule, et c'est tout ce que la bourgeoisie en sait. Les gens du monde, ceux qui sont occupés, ne sont frappés que par distraction de ces insectes incom

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