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doux, si crédules; ces douairières de la philosophie si affectueuses, si complaisantes, si dociles; mais de fiers bandits, des jacobins déterminés avec leurs moustaches, leurs pantalons, leurs bonnets rouges et leurs grands sabres, intraitables sur les principes, impitoyables sur les conséquences, vrais cosaques de la philosophie, qui faisoient trembler d'un coup d'œil l'honnête et timide Bailly et le doucereux Condorcet. O infortuné Malesherbes! ton esprit a pu être séduit, mais ton cœur fut toujours pur et vertueux. Quand tu appuyois de tout ton crédit ces dangereux novateurs, lorsque tu favorisas la circulation de leurs pernicieux écrits, tu croyois sans doute observer la justice, rendre hommage à la liberté, et tu ne savois pas que tu préparois la ruine de ta patrie et ton propre supplice.

Aujourd'hui, toutes les calamités qui ont accablé la France, les horreurs de la guerre et de la famine, l'embrâsement des discordes civiles, les proscriptions, les massacres, la banqueroute, la misère publique; tous ces fléaux se lient naturellement à l'idée de cette philosophie meurtrière et destructive. C'est la philosophie qu'on accuse de ces profanations et de ces sacriléges qui ont fait frémir ceux même qui jusqu'alors avoient été assez indifférens sur la religion; c'est la philosophie qu'on rend responsable de cet affreux débordement des passions et des vices, de la perte de l'éducation, de la corruption de la jeunesse et du scandale des mœurs publiques. Une fatale expérience nous a convaincus que la religion est un frein nécessaire; que la licence conduit à l'esclavage; qu'il y a des préjugés essentiels au bonheur des hommes, et des abus inséparables des institutions les plus utiles à la société. Nous reconnoissons tous enfin que sacrifier les avantages dont on jouit pour courir après une perfection chimérique, c'est la plus funeste de toutes les folies. Tout l'édifice philosophique s'écroule ainsi par le fait ; et on ne regarde plus aujourd'hui un philosophe que comme un sophiste ambitieux et intrigant, prêt à sacrifier à la gloriole d'une sentence le repos de l'univers. En détruisant la religion et la monarchie, le philosophe a détruit tous ses moyens de fortune et de gloire. Il ne peut plus paroître étonnant et hardi; les tristes réalités qui nous environnent

ont dissipé pour long-temps les prestiges des déclamations philosophiques. Il faut donc qu'il renonce à la célébrité, à la gloire du génie, à la faveur des grands et des riches. Les fournisseurs, les intendans des charrois les monopoleurs, font très-peu de cas de la philosophie : l'obscurité et la médiocrité, voilà désormais le partage de ces héros de la raison humaine; c'est l'objet des droits du sage. Après avoir tant parlé de philosophie dans l'ancien régime, ils vont être forcés de la mettre en pratique. La révolution leur aura rendu un grand service, si, de mauvais raisonneurs qu'ils étoient, elle peut en faire des hommes raisonnables.

(ANONYME.)

RICHELIEU (cardinal de ). ( Voyez Ruel).

RICHESSE.

Ce mot s'emploie plus généralement au pluriel; mais

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les idées qu'il présente à l'esprit varient, relativement à l'application qu'on en fait. Lorsqu'on s'en sert pour désigner les biens des particuliers, soit acquis, soit patrimoniaux, il signifie opulence, terme qui exprime, non la jouissance, mais la possession d'une infinité de choses superflues sur un petit nombre de nécessaires. On dit aussi tous les jours, les richesses d'un royaume, d'une république, etc., et alors l'idée de luxe et de superfluité que nous offroit le mot richesses, appliqué aux biens des particuliers, disparoît; et ce terme ne représente plus que le produit de l'industrie, du commerce, tant intérieur qu'extérieur, des différens corps politiques, de l'administration interne et externe des principaux membres qui le constituent, et enfin de l'action simultanée de plusieurs causes physiques et morales qu'il seroit trop long d'indiquer ici, mais dont on peut dire que l'effet, quoique lent et insensible, n'est pas moins réel.

Il paroît, par ce que je viens de dire, qu'on peut envisager les richesses sous une infinité de points de vue différens, mais je me bornerai à les considérer ici en moraliste. Pour cet effet, j'examinerai dans cet article une question à laquelle il ne paroît pas que les philosophes aient fait jusqu'ici beaucoup d'attention, quoiqu'elle les intéresse plus directement que les autres hommes. Il s'agit de savoir, 1o si un des effets nécessaires des richesses n'est pas de détourner ceux qui les possèdent de la recherche de la vérité.

2o Si elles n'entraînent pas infailliblement après elles la corruption des mœurs, en inspirant du dégoût ou de l'indifférence pour tout ce qui n'a point pour objet la jouissance des plaisirs des sens, et la satisfaction de mille petites passions qui avilissent l'ame, et la privent de toute son énergie.

3o Enfin, si un homme riche qui veut vivre bon et vertueux, et s'élever en même temps à la contemplation

des choses intellectuelles, peut prendre un parti plus sage et plus sûr que celui de renoncer à ses richesses.

Les anciens philosophes ne croyoient point que les richesses considérées en elles-mêmes, et abstraction faite de l'abus et du mauvais usage qu'on en pouvoit faire, fussent nécessairement incompatibles avec la vertu et la sagesse : ils étoient trop éclairés pour ne pas voir qu'envisagées ainsi, elles sont une chose absolument indifférente. Néanmoins ils enseignoient constamment que les richesses pouvant être et étant en effet dans une infinité de circonstances, et pour la plupart des hommes, un obstacle puissant à la pratique des vertus morales, à leur progrès dans la recherche de la vérité, et un poids qui les empêche de s'élever au plus haut degré de connoissance et de perfection où l'homme puisse arriver, le plus sûr est de renoncer à ces possessions dangereuses, qui, multipliant les occasions de chute, par la facilité qu'elles donnent de satisfaire une multitude de passions déréglées, détournent enfin ceux qui y sont attachés de la route du bien et du desir de connoître la vérité.

C'est ce que Sénèque fait entendre assez clairement, lorsqu'il dit que les richesses ont été pour une infinité de personnes un grand obstacle à la philosophie, et que, pour jouir de la liberté d'esprit nécessaire à l'étude, il faut être pauvre, ou vivre comme les pauvres. «Tout >> homme, ajoute-t-il, qui voudra mener une vie douce, » tranquille et assurée, doit fuir le plus qu'il lui sera » possible ces biens faux et trompeurs, à l'appas des» quels nous nous laissons prendre comme à un trébu» chet, sans pouvoir ensuite nous en détacher, en cela >> d'autant plus malheureux que nous croyons les posséder, >> et qu'au contraire, ce sont eux qui nous possèdent et » qui nous tyrannisent. »

On ne peut guère douter de la certitude de ces maximes, lorsqu'on voit des philosophes tels que Démocrite et Anaxagore abandonner leurs biens, et résigner tout leur patrimoine à leurs parens, pour s'appliquer tout entiers à la recherche de la vérité et à la pratique de la vertu.

Il est assez difficile, ce me semble, de ne pas se laisser entraîner par de si grands exemples, et de nier que les

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richesses ne soient infiniment plus nuisibles qu'utiles, quand, d'un autre côté, on voit Sénèque peindre avec des traits de feu les maux affreux qu'elles causent nécessairement à la société, et les crimes que la soif de l'or fait commettre,

« Depuis que les richesses, dit-il, ont commencé à » être en honneur parmi les hommes, et à devenir, en » quelque sorte, la mesure de la considération publique, » le goût des choses vraiment belles et honnêtes s'est en»tièrement perdu. Nous sommes tous devenus marchands, » et tellement corrompus par l'argent, que nous deman» dons, non point ce qu'est une chose en elle-même, » mais de quel rapport elle est. Se présente-t-il une occa»sion d'amasser des richesses, nous sommes tour-à-tour » gens de bien ou fripons, selon que notre intérêt et les » circonstances l'exigent. Nous faisons le bien et nous » pratiquons la justice, tant que nous espérons trouver » quelque profit dans cette conduite, tout prêts à prendre » le parti contraire si nous croyons gagner davantage à >> commettre un crime. Enfin les mœurs se sont détério¬ » rées au point que l'on maudit la pauvreté, qu'on la >> regarde comme un déshonneur et une infamie; en un » mot, qu'elle est l'objet du mépris des riches et de la >> haine des pauvres. »

Ce ne sont point ici des idées vagues et jetées au hasard, ni de vaines déclamations où l'imagination agit sans cesse aux dépens de la réalité, mais des faits confirmés par une expérience continuelle, et que chacun peut, pour ainsi dire, toucher par tous ses sens. Aussi le même philosophe ne craint-il pas d'avancer que les richesses sont la principale source des malheurs du genre humain, et que tous les maux auxquels les hommes sont sujets, comme la mort, les maladies, la douleur, etc., ne sont rien en comparaison de ceux que causent les richesses,

«< De continuelles inquiétudes, dit-il, rongent et dé» vorent les riches à proportion des biens qu'ils possè

dent, La peine qu'il y a à gagner du bien est beaucoup » moindre que celle qui vient de la possession même, >> Tout le monde regarde les riches comme des gens

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