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DE LA

LITTÉRATURE

ANCIENNE ET MODERNE.

BRIDAINE (JACQUES) naquit à Uzès le 21 mars 1701. Doué d'une imagination vive et ardente, et d'un esprit pénétrant, il perfectionna ces qualités naturelles par ses études dans le collège des jésuites d'Avignon et au séminaire de la congrégation des missions royales de Saint-Charles-de-la-Croix de la même ville. Il se distingua sur-tout pendant son noviciat, en expliquant le catéchisme dans différentes églises, et fit pressentir dès cette époque un talent extraordinaire d'improvisation et une facilité d'élocution vraiment remarquables. Aussi, à peine revêtu des premiers ordres, il fut envoyé en mission à Aigues-Mortes. Son arrivée y fit si peu de sensation qu'il se trouvait tous les jours réduit à prêcher dans le désert, lorsque, le mercredi des cendres, fatigué d'attendre son auditoire, il sort de l'église une clochette en main, et parcourt,

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en sonnant, toutes les rues de la ville. Une foule immense se précipite sur ses pas, entre avec lui dans le temple du Seigneur pour connaître l'issue d'une aventure si singulière. Bridaine monte en chaire au milieu des sarcasmes universels et des éclats de rire prolongés, prend la parole, et par une sublime paraphrase sur la mort fait succéder à une bruyante dérision le silence et l'admiration. De retour dans la capitale, il continua à s'acquérir la plus brillante réputation. En 1751, il prononça dans l'église de Saint-Sulpice, devant la plus illustre compagnie assemblée pour l'entendre, un discours dont l'éloquent exorde nous a été conservé par M. l'abbé Maury. Il remplit toujours avec tant de zèle ses devoirs de ministre de l'Evangile, qu'il fit, dans le cours de sa carrière, près de deux cent cinquante-six missions dans l'intérieur de la France, où, si l'on excepte les provinces du nord, il n'y a pas de ville, de bourg, de village qui n'ait entendu ce célèbre missionnaire. Le pape Benoît XIV, voulant lui prouver sa profonde estime, lui conféra le pouvoir de faire des missions dans toute la chrétienté. Bridaine donnait sans cesse ses soins aux fidèles; il venait même de les prodiguer aux habitants de Villeneuve-lès-Avignon, quand il succomba à ses fatigues à Roquemaure, le 22 décembre 1767.

Une sensibilité vraie, des idées hardies et disparates, des traits choquants et sublimes caractérisaient son talent. Une voix forte et sonore prêtait une puissance magique à son éloquence. Mais il fut avant tout l'apôtre de la vérité : « Sire,

« disait-il à Louis XV avant de prêcher un sermon << devant lui, si je ne vous fais pas de compliments, a c'est parce que je n'en ai pas trouvé dans l'Évan

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gile. » Sa vie a été publiée par l'abbé Carron, sous ce titre : le Modèle des prêtres, Paris, 1804 et 1805, in-12; ses Cantiques spirituels à l'usage des missions du diocèse d'Alès ont été réimprimés quarante sept fois.

JUGEMENT.

AD. LAUGIer.

Bridaine était né avec une éloquence populaire, pleine de verve, d'images et de mouvements. Nul n'a possédé aussi éminemment que lui le rare talent de s'emparer d'une multitude assemblée. Il avait un si puissant et si heureux organe, qu'il rendait croyable tous les prodiges que l'histoire nous raconte de la déclamation des anciens; et il se faisait entendre aussi aisément de dix mille personnes en plein air, , que s'il eût parlé sous la voûte du temple le plus sonore. On remarquait dans tout ce qu'il disait une éloquence naturelle. qui jaillissait des sources du génie; des élans dont la vigueur agreste découvrait plus de talent et plus d'idées que l'indigence superbe de l'imitation; des tours naturellement oratoires; des métaphores très hardies; des pensées brusques, neuves et frappantes; une élocution très simple, mais assez noble dans sa popularité; un art parfait d'exciter et de soutenir l'attention du peuple, qui ne se lassait jamais de l'entendre; des apologues ingénieux, attachants et quelquefois sublimes; le secret merveilleux d'égayer pieusement

ses auditeurs et de les faire pleurer à volonté; l'accent de l'indulgence mêlé aux cris déchirants d'une indignation douloureuse; tous les caractères d'une riche imagination; des beautés originales et inconnues, que les règles des rhéteurs n'ont jamais devinées; quelques traits ravissants, par fois même des morceaux entiers traités avec un soin qui tempérait son imagination, et dans lesquels la régularité de sa composition attiédissait sensiblement sa chaleur ordinaire. On peut se souvenir encore de lui avoir entendu répéter le début du premier sermon qu'il prêcha dans l'église de Saint-Sulpice, à Paris, en 1751. La plus haute compagnie de la capitale voulut l'entendre par curiosité. En arrivant à la chaire, Bridaine aperçut dans l'assemblée plusieurs évêques, un grand nombre de personnes décorées, une foule innombrable d'ecclésiastiques; et ce spectacle, loin de l'intimider, lui inspira l'exorde qu'on va lire, et qui, dans son genre, ne paraîtra peutêtre pas indigne de Bossuet ou de Démosthène :

« A la vue d'un auditoire si nouveau pour moi, il << semble, mes frères, que je ne devrais ouvrir la bou«< che que pour vous demander grace en faveur d'un << pauvre missionnaire dépourvu de tous les talents « que vous exigez, quand on vient vous parler de << votre salut. J'éprouve cependant aujourd'hui un << sentiment bien différent; et si je me sens humilié, gardez-vous de croire que je m'abaisse aux misé<< rables inquiétudes de la vanité. A Dieu ne plaise qu'un ministre du ciel pense jamais avoir besoin << d'excuse auprès de vous ! car, qui que vous soyez,

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