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table Glossaire » c'est-à-dire qu'il explique un grand nombre de vieux mots : « ains pour devant, lozenger pour tromper », etc.

1561. Jean PILLOT traite d'un objet qui est encore aujourd'hui d'une grande difficulté; il s'agit de savoir quand on doit employer des Majuscules. Ce sujet paraît excessivement simple; cependant, tous les jours encore, dans nos meilleures imprimeries, il y a des discussions entre les protes les plus versés dans la science orthographique, sur l'opportunité d'employer ou de ne pas employer les Majuscules. Le titre de son ouvrage est : « Du Bon Emploi des lettres Majuscules » . Il est malheureusement en Latin. Je pense, pour ma part, que si dans le xvie et le XVIIIe siècle on a fait une trop grande consommation de Majuscules, nos typographes d'aujourd'hui n'en emploient pas assez. Je ne sais pas si l'excès d'aujourd'hui est plus excusable que l'excès d'autrefois. Dans les ouvrages qui nous manquent encore pour l'enseignement de la langue française, un bon livre. sur les Majuscules serait surtout lu avec avidité par les correcteurs ou protes, qui sont des grammairiens pratiques, des hommes attentifs aux améliorations qui se produisent de temps à autre.

1562. Pierre de la Ramée (ou RAMUS) a fait dans sa « Grammaire » beaucoup d'observations linguistiques. Il a fort appuyé les réformes proposées par Sylvius, concernant l'« i et le j, l'u et le v »; ce qui a fait dire à Livet qu'il en est le novateur.

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Ce qui plaît dans Ramus, c'est son assertion concernant l'origine de la langue française qui, à son avis, est « Gauloise et nullement Latine ». Ce n'est guère que depuis le milieu du XIXe siècle, que les linguistes sont à peu près d'accord pour reconnaître que ce philologue a eu raison. Cet auteur a proposé de nouveaux caractères alphabétiques dont l'emploi paraît difficile.

Mais si Ramus n'a pas été heureux dans sa réforme alphabétique, il rachète cette faiblesse par des pensées sublimes du genre de celles-ci : « Le peuple est souverain seigneur de sa langue, il la tient comme un fief de franc aleu, et n'en doit recognoissance a aulcun seigneur. Lescolle de ceste doctrine n'est point es auditoires des professeurs hebreux, grecs et latins en l'Université de Paris: elle est au Louvre, au Palais, aux Halles, en Greve, a la place Maubert...

» La prosodie et orthographe des lettres est prise de leur puissance ».

>> Tout ainsi que la parolle est menteuse, qui ne répond a la pensé, ainsi l'escripture est trompeuse, qui ne respond a la voix ».

Veut-on voir quelques principes de l'illustre grammairien :

>> La seconde voyelle, c'est le son que nous escripvons par deux voyelles A et U, ou nous prononcons toutesfois une voyelle indivisible... Ceste voyelle n'est n'y grecque, ni latine; elle est totallement francoyse».

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Le point capital qu'on rencontre dans Ramus c'est son principe sur l'origine de la langue française. Nous aurons une idée exacte de ce principe fondamental par le dialogue suivant :

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« Disciple. Je desire mon præcepteur) dentendre de vous la grammaire francoyse, ainsi que jay entendu la latine et la grecque, moyennant qu'il ne vous soit moleste (importun).

« Præcepteur. Certe nulle chose ne me scauroit estre plus agreable que de favoriser a tant louable et honneste desir; mais quand vous appelles grammaire francoyse, nentendes vous point gaulloyse? << Disciple. - Pourquoy doneques?

«Præcepteur. Combien que les Romains et que les Francoys nous ayent innové une infinité de parolles et de facons de parler, de maniere que nostre langaige soit appelé tantost roman, tantost francoys, toutesfois la grammaire gaulloyse nous est demeuree es nombres et cas des noms, es personnes et conjugaisons des verbes en toute terminaison de chacun mot; au bastiment et structure de loraison et quelque espèce que les etrangers ayent apportee en la Gaulle, les Gaulloys lont habillee a la Gaulloyse ».

- Comme du temps de Ramus ces paroles célèbres sont la cause aujourd'hui des plus grandes controverses. Il s'agit en effet de savoir si nous devons baser nos principes orthographiques et grammaticaux sur une langue d'origine étrangère, ou bien sur la langue de nos ancêtres. L'ancienne école prétend que Ramus ne fut qu'un rêveur, la nouvelle école pense que c'est un homme de mérite.

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RONSARD, MATHIEU.

1567. Pierre de RONSARD qui eut toute l'affection de Charles IX, ne fit que donner quelques appréciations orthographiques. Il s'exprime ainsi dans l'avertissement au lecteur, placé en tête de son « Abrégé de l'art poétique ».

« J'avais délibéré, lecteur, suivre en l'orthographie de mon livre la plus grande part des raisons de Louis Meygret, homme de sain et parfait jugement (qui a le premier osé desiller les yeux, pour voir l'abus de notre écriture), sans l'avertissement de mes amis plus studieux de mon renom que de la vérité; me peignant au devant des yeux du vulgaire, l'antiquité, et l'opiniâtre avis des plus célèbres ignorants de notre temps; laquelle remontrance ne m'a pas su épouvanter, que tu n'y vois encore quelques marques des raisons de Meygret.

<< Et bien qu'il n'ait totalement raclé la lettre grecque «y » comme il devait, je me suis hasardé de l'effacer, excepté dans les noms propres grecs: Tethys, Thyeste, Hippolyte, Ulysse... >>

Ronsard fait encore d'excellentes observations orthographiques; mais nous devons être bref. Il nous suffit de démontrer qu'il était grand partisan de la simplicité dans l'écriture.

1572. Abel MATHIEU, sieur de Moystardières, a publié le « Devis de la Langue Française ». Cet auteur est le premier qui ait conseillé d'écrire les livres de science en Français. Il faudrait, dit-il, « rendre Platon et Aristote bourgeois de nos villes, et les habiller

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non plus à la Grecque, mais à la Française ». C'est surtout les livres de médecine qu'il veut que l'on écrive en Français « afin que chacun puisse entendre et juger des raisons; pourquoi les médecins nous traitent de telle ou telle autre manière, car, dit-il, à présent qu'ils n'écrivent et ne parlent entr'eux que Grec et Latin, il semble toujours qu'ils veulent nous trahir et se moquer de nous plutôt que nous guérir ».

Abel Mathieu est plutôt un philosophe linguiste que ce que nous appelons un grammairien. Ses observations assez nombreuses ont toujours été et seront toujours excessivement utiles.

1574. Jean-Antoine de BAïF pose pour principe, dans son livre intitulé: « Étrennes de poésie française en vers mesurés », que chaque son simple devrait être représenté par un signe simple ; il blâme donc cette habitude, qui n'est pas encore déracinée, d'écrire «o» en deux ou trois lettres : « au, eau » ; << ou », dit-il, qui n'est qu'un seul son simple, devrait être figuré par une seule lettre. Il parle aussi des consonnes qui manquent parfois et d'autres qui se trouvent en double et en triple.- De Baïf a parfaitement raison, et un jour viendra où l'on admettra que le c dur, par exemple, sera représenté par k; et que le q, qui est tout à fait inutile sera supprimé. Toutes ces observations, que l'on fait encore tous les jours, n'ont plus le mérite qu'elles avaient au xvie siècle.

Nous dirons de de Baïf ce que nous avons déjà dit de Sylvius son livre n'est pas irréprochable. Ainsi

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