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et

la lune dans sa course lumineuse; celui qui a rangé toutes les créatures dans leur ordre et leurs limites, auxquels obéissent les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui est enfermé dans leur vaste enceinte, le feu, l'air, les abîmes, et ce qui est dans les hauteurs, ce qui est dans les profondeurs, et ce qui est dans le milieu. C'est celui-là même qu'il a envoyé aux hommes, non pour exercer sur eux un empire tyrannique; mais dans la clémence, dans la douceur, comme un roi qui envoie un fils-roi. Ainsi Dieu a-t-il envoyé un Dieu pour les sauver dociles, non pour les contraindre; car, en Dieu, il n'y a point de violence. Il a envoyé comme qui appelle, non pas comme qui poursuit ; il a envoyé comme qui aime. Un jour il l'enverra pour juger; et qui pourra soutenir sa présence? >>

Cette lettre ne fut point écrite à Rome, mais dans la Grèce; car il n'y est fait aucune mention, ni de Rome, ni des Romains, ni des dieux des Romains; mais des Grecs et de leurs dieux, ainsi que des villes grecques et de la persécution que les chrétiens avaient à souffrir des Grecs. Néanmoins, on y représente les chrétiens comme persécutés de tous, condamnés et traînés journellement au supplice; comme il paraît clairement encore par les paroles suivantes : << Ne les voyez-vous pas jetés aux bêtes féroces, pour qu'ils renient le Seigneur; et ils ne sont pas vaincus? Ne voyez-vous pas leur nombre s'augmenter d'autant plus, qu'il y a plus de bourreaux à les conduire au bûcher? » Et plus bas : « Alors vous admirerez ceux qui maintenant endurent les flammes pour la justice. »

Que cette lettre à Diognète soit d'un auteur plus ancien que saint Justin; qu'elle ait été écrite par un disciple des apôtres, au temps où la religion chrétienne passait pour une façon de vivre et une religion entièrement nouvelle; enfin, bien que durant une persécution générale contre les chrétiens, néanmoins avant la destruction du temple et pendant que les Juifs y offraient encore leurs sacrifices, nous le voyons en termes exprès dans cette lettre même. << Ayant été disciple des apôtres, dit l'auteur, je deviens maintenant docteur des nations. Ce qu'ils m'ont appris, je l'enseigne à ceux qui se montrent dignes disciples de la vérité. » La religion chrétienne était alors si nouvelle que les hommes, pleins admiration, demandaient : « D'où vient ce nouveau genre de vie? d'où vient qu'il n'a paru dans le monde qu'aujourd'hui et non point auparavant? d'où vient cette nouvelle doctrine? » Finalement, en réfutant les Juifs, il ne leur oppose ni la ruine du temple, ni la cessation des sacrifices; il suppose, au contraire, qu'ils continuaient à les offrir, et que leur culte subsistait encore avec tout l'appareil et

toute la pompe des cérémonies. L'auteur s'exprime en ce sens, non pas dans un seul endroit, mais dans un grand nombre. Les fidèles étaient donc en ces temps, même dans les provinces de l'empire, traînés au supplice, jetés aux bêtes féroces, livrés aux flammes ; et, dans cette persécution, les Juifs se joignaient aux gentils, sans prendre garde, les malheureux, aux funestes présages qui leur annonçaient, de plus d'une manière, leur désolation prochaine,

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Les Romains détruisent Jérusalem. -Saint Jean prédit la chute et le démembrement de l'empire des Romains.

Quand le Très-Haut instituait les nations, quand il séparait les enfants d'Adam, il marqua les limites des peuples, selon le nombre des fils d'Israël 1. Moïse l'avait dit dans son dernier cantique. Ces paroles nous rappellent que, dans le dessein de la Providence, il y a une correspondance mystérieuse entre le peuple d'Israël et les autres peuples. Aussi l'avons-nous vu, ce peuple singulier, se mêler à toutes les nations influentes de l'univers : à l'Egypte, par Abraham, Jacob, Joseph, Moïse, Aaron et un séjour de plusieurs siècles; à la Phénicie, par David, Salomon et un continuel voisinage; à l'empire des Assyriens, des Perses, des Grecs, par la captivité, par Daniel, Esther, Mardochée, et ses livres sacrés traduits en grec; à l'empire des Romains, par les alliances des Machabées et par sa dispersion dans tout le monde.

Aussi les prophètes joignent-ils presque toujours, aux prophéties qui regardent Israël seul, des prophéties qui regardent le reste du genre humain. Daniel surtout, qui annonce si précisément le rétablissement des murs de Jérusalem après la captivité de Babylone, la venue du Messie, son supplice par son peuple, la réprobation de ce peuple ingrat, l'abomination de la désolation dans le lieu saint, la cessation des sacrifices, la destruction de la ville et du temple, suivie d'une désolation finale; Daniel aussi annonce, avec la même précision, l'ensemble et la suite des quatre grandes monarchies ; il annonce en particulier que ce Christ mis à mort par ce peuple, cette pierre détachée de la montagne, viendrait frapper aux pieds et réduire en poudre la grande statue aux quatre métaux, cet empire universel aux quatre dynasties : des Assyriens, des Perses, des Grecs, des Romains.

'Deut., 52, 8. Quandò dividebat Altissimus gentes, quandò separabat filios Adam, constituit terminos populorum juxta numerum filiorum Israël.

Israël et cette monarchie successive de quatre peuples souverains étaient donc, entre les mains de Dieu, un plan élémentaire, une construction préparatoire, pour produire quelque chose de plus parfait dans le Christ. Le Christ venu, ce qu'il y avait d'élémentaire et de préparatoire devait disparaître peu à peu, comme on ôte l'échafaudage à mesure que l'édifice s'achève. Jérusalem, le temple, avec toute leur magnificence, n'étaient que la figure d'une réalité plus magnifique encore. La réalité venue, la figure n'était plus nécessaire.

La mauvaise disposition des Juifs la rendait même nuisible. Ils étaient si aveuglément attachés à l'écorce de la lettre, à la beauté matérielle de Jérusalem et du temple, à la gloire temporelle de leur nation, que ce fut pour cela même qu'ils méconnurent le Christ et le mirent à mort. Il leur avait prédit néanmoins quelles seraient les suites de leur crime; que leur ville serait assiégée et resserrée de toutes parts; leur temple ruiné, et qu'il n'y resterait pas pierre sur pierre. Il avait ajouté que la génération d'alors ne passerait point que tout cela ne fût accompli. C'était bientôt quarante ans qu'il leur avait dit cela. Eux, cependant, après avoir mis à mort le maître, excitaient les païens à faire mourir ses disciples.

Un autre Jésus vint alors faire retentir à leurs oreilles, nuit et jour, le présage terrible de leur prochain malheur. Voici comme en parle un témoin oculaire, l'historien Josèphe. Quatre ans avant la guerre, et sept ans cinq mois avant le siége de Jérusalem, un nommé Jésus, fils d'Ananus, homme de la campagne et du peuple, étant venu à Jérusalem à la fête des Tabernacles, lorsque la ville était encore dans une paix profonde et une grande opulence, commença tout d'un coup à élever la voix et à crier dans le temple : Voix de l'orient : voix de l'occident: voix des quatre vents : voix contre les nouveaux époux et contre les nouvelles épouses: voix contre tout le peuple! Puis, courant nuit et jour les places et les rues de la ville, il poussait les mêmes cris. Quelques-uns des principaux Juifs, ne pouvant supporter d'aussi lugubres présages, le firent prendre et charger de coups. Mais sans proférer une parole ni pour lui ni contre ceux qui le maltraitaient, il continuait à répéter ses lamentables accents. Les magistrats, persuadés, non sans raison, que c'était en lui une impulsion surhumaine, le conduisirent à Albin, gouverneur de la Judée. Celui-ci l'ayant fait battre de verges et déchirer jusqu'aux os, il ne supplia personne ni ne versa une larme; mais, à chaque coup, répondait d'une voix plus lugubre: Malheur! malheur à Jérusalem!

Interrogé par le président qui il était, d'où il venait, et pour

quoi il criait de la sorte, il ne répondit rien, mais continuait à crier toujours: Malheur! malheur à Jérusalem! Enfin le gouverneur le laissa aller comme un insensé. Depuis ce moment jusqu'à la guerre, jamais on ne le vit parler à personne. Tout ce qu'on lui entendait dire chaque jour, c'étaient ces tristes paroles: Malheur! malheur à Jérusalem! Jamais il ne disait d'injures à ceux qui journellement le battaient, ni ne remerciait ceux qui lui donnaient à manger; sa réponse à tout était sa sinistre lamentation, qu'il poussait avec le plus de force les jours de fêtes. Il continua ainsi sans interruption jusqu'au moment où les Romains, ayant mis le siége devant Jérusalem, il vit ses prédictions s'accomplir. Pendant tout ce temps sa voix ni ne s'affaiblit ni ne devint rauque; il ne cessa de crier que quand il cessa de vivre. Un jour que, faisant le tour des remparts de la ville assiégée, il se mit à crier avec plus de force qu'à l'ordinaire: Malheur à la ville! malheur au peuple! malheur au temple! Il ajouta : Malheur à moi! lorsqu'au même instant une pierre, lancée par une machine, le renversa par terre et l'étendit raide mort 1.

D'après cet irrécusable témoignage, ne dirait-on pas que la vengeance divine s'était comme rendue visible en cet homme qui ne subsistait que pour prononcer ses arrêts; qu'elle l'avait rempli de sa force, afin qu'il pût égaler les malheurs du peuple par ses cris, et qu'enfin il devait périr par un effet de cette vengeance qu'il avait si long-temps annoncée, afin de la rendre plus sensible et plus présente quand il en serait non-seulement le prophète et le témoin, mais encore la victime? Ce prophète des malheurs de Jérusalem s'appelait Jésus. Il semblait que le nom de Jésus, nom de salut et de paix, devait tourner aux Juifs, qui le méprisaient en la personne de notre Sauveur, à un funeste présage; et que ces ingrats ayant rejeté un Jésus qui leur annonçait la grâce, la miséricorde et la vie, Dieu leur envoyait un autre Jésus qui n'avait à leur annoncer que des maux irrémédiables, et l'iné– vitable décret de leur ruine prochaine 2.

Ce n'étaient pas les seuls avertissements que le ciel donnait à ce malheureux peuple. Josèphe et Tacite même en rapportent encore plusieurs autres 3. D'abord un météore sinistre, sous la forme d'une épée flamboyante, parut pendant un an tout au-dessus de la ville. Le peuple s'étant rassemblé pour la fête des Azymes, tout à coup, vers la neuvième heure de la nuit, une lumière si éclatante envi

1

Josèphe. Bell. jud., I. 7, c. 12.

2 Bossuet.

Josèphe. Bello jud., 1.7,

c. 12. Tacit. Hist., 1. 15, c. 13.

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