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dont il faisait l'admiration. Ce qui marque qu'ils ne voyaient rien en lui d'extraordinaire dans le commun de la vie; car tout était comme enveloppé sous le voile de l'enfance; et Marie, qui était la première à sentir la perte d'un si cher fils, fut aussi la première à se plaindre de son absence. Et, mon fils, dit-elle, pourquoi nous avez-vous fait ce traitement? Votre père et moi, affligés, vous cherchions. Remarquez: votre père et moi; elle l'appelle son père, car il l'était, comme on a vu, à sa manière; père, non-seulement par l'adoption du saint Enfant, mais encore vraiment père par le sentiment, par le soin, par la douceur; ce qui fait dire à Marie: Votre père et moi affligés; pareils dans l'affliction, puisque, sans avoir part dans votre naissance, il n'en partage pas moins avec moi la joie de vous posséder et la douleur de vous perdre. Cependant, femme obéissante et respectueuse, elle nomme Joseph le premier : Votre père et moi, et lui fait le même honneur que s'il était père comme les autres. O Jésus! que tout est réglé dans votre famille! Comme chacun, sans avoir égard à sa dignité, y fait ce que demande l'édification et le bon exemple! Bénite famille, c'est la sagesse éternelle qui vous règle.

Pourquoi me cherchiez-vous? ne saviez-vous pas que je dois étre occupé des affaires de mon Père? C'est ici la réponse sublime de l'enfant. Est-ce qu'il désavoue Marie, qui avait appelé Joseph son père? Non, sans doute; mais il leur rappelle le doux souvenir de son vrai Père, qui est Dieu, dont la volonté, qui est l'affaire dont il leur veut parler, doit faire son occupation. La volonté de son Père était qu'il donnât alors un essai de la sagesse dont il était plein et qu'il venait déclarer, et tout ensemble de la supériorité avec laquelle il devait regarder ses parents mortels, sans suivre la chair et le sang, leur maître de droit, soumis à eux par dispensation.

Et ils ne concurent pas ce qu'il leur disait. Ne raffinons point mal à propos sur le texte de l'Evangile. On dit non-seulement de Joseph, mais encore de Marie même, qu'ils ne concurent pas ce que voulait dire Jésus. Marie concevait sans doute ce qu'il disait de Dieu, son Père, puisque l'ange lui en avait appris le mystère ; ce qu'elle ne conçut pas aussi profondément qu'il le méritait, c'étaient ces affaires de son Père, dont il fallait qu'il fût occupé. Apprenons que ce n'est pas dans la science, mais dans la soumission, que consiste la perfection. Pour nous empêcher d'en douter, Marie même nous est représentée comme ignorant le mystère dont lui parlait ce cher Fils. Elle ne fut point curieuse, elle demeura soumise ; c'est ce qui vaut mieux que la science. Laissons Jésus-Christ agir en

Dieu, faire et dire des choses hautes et impénétrables; regardonsles, comme fit Marie, avec un saint étonnement; conservons-les dans notre cœur pour les méditer, et les tourner de tous côtés en nous-mêmes, et les entendre, quand Dieu le voudra, autant qu'il voudra.

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Et il partit avec eux et alla à Nazareth. Après s'être un peu échappé pour faire l'ouvrage et le service de son Père, il rentre dans sa conduite ordinaire, dans celle de ses parents, dans l'obéissance. C'est peut-être mystiquement ce que l'Evangile appelle descendre; mais, quoi qu'il en soit, il est vrai que, remis entre leurs mains jusqu'à son baptême, c'est-à-dire jusqu'à l'âge d'environ trente ans, il ne fit plus autre chose que leur obéir.

Je suis saisi d'étonnement à cette parole; est-ce là donc tout l'emploi d'un Jésus-Christ, du Fils de Dieu? Tout son emploi, tout son exercice est d'obéir à deux de ses créatures. Et en quoi leur obért? Dans les plus bas exercices, dans la pratique d'un art mécanique. Où sont donc ceux qui se plaignent, qui murmurent lorsque leurs emplois ne répondent pas à leur capacité : disons mieux, à leur orgueil ? qu'ils viennent dans la maison de Joseph et de Marie, et qu'ils y voient travailler Jésus-Christ. Nous ne lisons point que ses parents aient jamais eu de domestiques, semblables aux pauvres gens dont les enfants sont les serviteurs. Jésus a dit de lui-même qu'il était venu pour servir. Les anges furent obligés, pour ainsi dire, à le venir servir eux-mêmes dans le désert; et l'on ne voit nulle part qu'il eût des serviteurs à sa suite. Ce qui est certain, c'est qu'il travaillait lui-même à la boutique de son père. Le dirai-je? il y a beaucoup d'apparence qu'il perdit Joseph avant le temps de son ministère. A sa passion, il laisse sa mère en garde à son disciple bien-aimé, qui la reçut dans sa maison; ce qu'il n'aurait pas fait si Joseph, son chaste époux, eût été en vie. Dès le commencement de son ministère, on voit Marie conviée avec Jésus aux noces de Cana: on ne parle point de Joseph. Un peu après, on le voit aller à Capharnaum, lui, sa mère, ses frères et ses disciples: Joseph ne paraît pas dans un dénombrement si exact. Marie paraît souvent ailleurs; mais, depuis ce qui est écrit de son éducation sous saint Joseph, on n'entend plus parler de ce saint homme. Et c'est pourquoi, au commencement du ministère de Jésus-Christ, lorsqu'il vint prêcher dans sa patrie, on disait : N'est-ce pas là ce charpentier, fils de Marie? comme celui, n'en rougissons pas, qu'on avait vu, pour ainsi parler, tenir la boutique, soutenir par son travail une mère veuve et entretenir le petit commerce d'un métier qui les faisait subsister tous deux. Sa mère ne s'appelle-t

elle pas Marie? N'avons-nous pas parmi nous ses frères Jacques et Joseph, et Simon et Juda, et ses sœurs? On ne parle point de son père apparemment donc qu'il l'avait perdu; Jésus-Christ l'avait servi dans sa dernière maladie. Heureux père, à qui un tel fils a fermé les yeux! vraiment il est mort entre les bras et comme dans le baiser du Seigneur. Jésus resta à sa mère pour la consoler, la servir ce fut là tout son exercice.

O Dieu! je suis saisi encore un coup! Orgueil! viens crever à ce spectacle! Jésus, fils d'un charpentier, charpentier lui-même connu par cet exercice, sans qu'on parle d'aucun autre emploi ni d'aucune autre action. On se souvenait, dans son Eglise naissante, des charrues qu'il avait faites, et la tradition s'en est conservée I dans les plus anciens auteurs. Que ceux qui vivent d'un art mécanique se consolent et se réjouissent: Jésus-Christ est de leur corps; qu'ils apprennent, en travaillant, à louer Dieu, à chanter des psaumes et de saints cantiques : Dieu bénira leur travail et ils seront devant lui comme d'autres Jésus-Christs.

Il y en a eu qui ont eu honte pour le Sauveur de le voir dans cet exercice : et dès son enfance ils le font se jouer avec des miracles. Que ne dit-on point des merveilles qu'il fit en Egypte ? Mais tout cela n'est écrit que dans les livres apocryphes. L'Evangile renferme durant trente ans toute la vie de Jésus-Christ dans ces paroles : Il leur était soumis ; et encore : C'est ici ce charpentier, fils de Marie. Il y a dans l'obscurité de saint Jean-Baptiste quelque chose de plus grand en apparence : il ne parut point parmi les hommes, et, le désert fut sa demeure. Mais Jésus, dans une vie si vulgaire, connu à la vérité, mais par un vil exercice, pouvait-il mieux cacher ce qu'il était? Que dirons-nous, que ferons-nous pour le louer? Il n'y a en vérité qu'à demeurer dans l'admiration et dans le silence. Ceux qui s'ennuient pour Jésus-Christ et rougissent de lui faire passer sa vie dans une si étrange obscurité, s'ennuient aussi pour la sainte Vierge et voudraient lui attribuer de continuels miracles. Mais écoutons l'Evangile : Marie conservait toutes ces choses en son cœur. L'emploi de Jésus était de s'occuper de son métier; et l'emploi de Marie, de méditer nuit et jour le secret de Dieu.

Mais quand elle eut perdu son fils, changea-t-elle d'occupation? Où la voit-on paraître dans les actes ou dans la tradition de l'Eglise? On la nomme parmi ceux qui entrèrent dans le cénacle et qui reçurent le Saint-Esprit; et c'est tout ce qu'on en rapporte. N'est-ce pas un assez digne emploi que celui de conserver dans son cœur tout ce qu'elle avait vu de ce cher fils? Et si les mystères de son enfance lui furent un si doux entretien, combien trouva-t-elle à

s'occuper de tout le reste de sa vie? Marie méditait Jésus : Marie avee saint Jean, qui est la figure de la vie contemplative, demeurait en perpétuelle contemplation, se fondant, se liquéfiant, pour ainsi parler, en amour et en désir 1.

Sainte famille de Jésus, Marie et Joseph, ah! si toutes les familles vous ressemblaient, le ciel commencerait sur la terre! Plus de guerre, plus de violence, plus d'injustice, plus de procès, plus de haines; partout la paix; l'union, la concorde, la charité. Tous aimeraient tous en Dieu et Dieu en tous.

Mais il est une autre famille bien différente, et puis encore une autre. La première est celle d'Hérode, qui pèse sur la Palestine; la seconde, celle des Césars, qui pèse sur le monde.

Hérode avait fondé la sienne sur la perfidie et le meurtre : la perfidie et le meurtre y furent comme héréditaires. Par son dernier testament, il distribua ses états à trois de ses fils: Archélaüs eut le royaume de Judée; Antipas, la tétrarchie de la Galilée ; et Philippe, celle de la Trachonitide. Ces trois fils s'appelaient encore chacun Hérode, du nom de leur père. Mais ce testament avait besoin d'être ratifié par quelqu'un. Ce roi, si redoutable et si cruel à son peuple, était l'esclave de César. Le testament fut soumis à Auguste. Archélaüs, accusé de tyrannie, n'obtint que la moitié du royaume et que le titre d'ethnarque ou chef de la nation, avec promesse cependant de recevoir plus tard le titre de roi, s'il s'en montrait digne. Après neuf ans de règne, il est accusé de nouveau par ses sujets devant César, qui le dépose, l'exile à Vienne, dans les Gaules, et réduit la Judée en province romaine, par l'entremise de Cyrénius ou Quirinus, alors gouverneur de Syrie. Le sceptre sortit alors tout-à-fait de Juda. Philippe avait épousé Hérodiade, sa nièce, petite-fille du vieil Hérode, par son fils Aristobule. Antipas s'éprit de la femme de son frère Philippe, la lui fit abandonner, quoiqu'elle en eût des enfants, et l'épousa au mépris de toutes les lois. Archélaüs en avait fait autant de son côté. C'est à la demande de cette fameuse Hérodiade et de sa fille Salomé qu'Hérode-Antipas, au milieu du festin, fera trancher la tête à saint Jean-Baptiste. Le même traitera d'insensé le Christ. Un frère d'Hérodiade, Hérode-Agrippa, fort des bonnes grâces de Caligula, la fera exiler, elle et son mari, à Lyon, dans les Gaules, obtiendra la Judée pour lui-même, tuera par le glaive l'apôtre saint Jacques, emprisonnera saint Pierre, et sera frappé de mort en punition de son orgueil. Son fils, nommé comme lui, aidera Titus à prendre et à détruire Jérusalem. Telle est la famille qui fut imposée aux Juifs comme l'annonce de leur ruine.

1 Bossuet. Elévat.

Quant à la famille qui pesait sur le monde, la famille de Tibère et de Néron, nous la verrons plus tard. Mais dans ce moment même, un autre esprit, une autre famille, une autre société, un autre empire, une autre humanité va s'y former. Ecoutons.

<< La quinzième année de l'empire de Tibère, Ponce-Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode étant tétrarque de la Galilée, Philippe, son frère, étant tétrarque de l'Iturée et de la Trachonite, et Lysanias étant tétrarque d'Abilène, sous les grands-prêtres Anne et Caïphe, la parole du Seigneur arriva sur Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Et il vint dans toute la région du Jourdain, prêchant le baptême de la pénitence, pour la rémission des péchés. Et il disait: Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche. C'est de lui qu'il est dit dans les prophètes: Voici que j'envoie mon ange devant votre face, qui préparera votre voie devant vous. Et encore dans Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Toute vallée sera remplie, et toute montagne et toute colline seront abaissées; les chemins tortus deviendront droits, et les raboteux unis; et toute chair verra le salut de Dieu. »

Nous avons vu comment se sont formés, comment se sont gouvernés les royaumes de la terre, les empires de l'homme, l'empire des Assyriens, l'empire des Perses, l'empire des Grecs, l'empire des Romains. Ici nous allons voir comment se forme, comment se gouverne le royaume du Ciel, l'empire de Dieu.

« Or, Jean avait un vêtement de poil de chameau et une ceinture de cuir autour de ses reins; et sa nourriture était des sauterelles et du miel sauvage.

» Alors, et Jérusalem, et toute la Judée, et tout le pays des environs du Jourdain, sortit vers lui; et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en confessant leurs péchés. Mais voyant un grand nombre de pharisiens et de saducéens qui venaient à son baptême avec la foule, il leur dit : Race de vipères, qui vous a montré à fuir la colère à venir? faites donc de dignes fruits de pénitence. Et n'allez pas dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père; car je vous dis que Dieu peut susciter de ces pierres mêmes des enfants à Abraham. Déjà la cognée est mise à la racine des arbres : tout arbre donc qui ne produit point de bon fruit sera coupé et jeté au feu.

» Les pharisiens et les saducéens gardèrent le silence; mais la multitude l'interrogea, disant : Que devons-nous donc faire? Il leur répondit: Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui ¡n'en a point; et que celui qui a de quoi manger en fasse de même. Or, les publicains ou receveurs des impôts publics vinrent aussi à

TOME IV.

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