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liers soient juges des Christs du Seigneur? n'est-ce pas plutôt à l'esprit à juger la matière? »

Que si l'on demande quel rôle reste à l'État dans cet ordre d'idées, nous répondrons avec saint Anselme : « Les rois sont les patrons et les défenseurs de l'Église ceux qui la respectent et la glorifient seront glorifiés avec elle. Mais malheur à ceux qui traitent l'épouse de Jésus-Christ comme une esclave! ils seront exclus de l'héritage de l'Époux. Dès ce monde, les princes qui défendent l'Église et fortifient son autorité, prospèrent, tandis que ceux qui la combattent, périssent misérablement. >>

IV.

L'Église a l'ambition d'être immuable; l'immutabilité qu'elle réclame comme un privilége, deviendra l'arrêt de sa condamnation, car elle la force à maintenir des prétentions qui sont en opposition complète avec l'état de la société moderne. Il en est ainsi des rapports de l'Église avec l'État. Elle a invoqué le droit divin pour légitimer toutes ses usurpations : c'est par droit divin qu'elle possède le sol c'est par droit divin qu'elle est exemptée des charges que cette possession entraîne: c'est par droit divin qu'elle perçoit les dimes : c'est par droit divin qu'elle exerce la juridiction. L'Église ne peut pas renoncer à son droit divin; aussi n'y renonce-t-elle pas; là où elle en a la puissance, elle revendique ses anciennes immunités; là où elle ne le peut, elle biaise et s'accommode aux circonstances. En Belgique, l'Église n'a plus ni dimes, ni biens, ni immunités, ni juridiction, et elle proteste au besoin qu'elle ne songe pas à restaurer le passé en Italie, elle a maintenu jusqu'à nos jours ses droits divins avec une hauteur insultante.

Cependant, pour l'historien il est plus qu'évident que le prétendu droit divin de l'Église n'est qu'un fait, produit de circonstances accidentelles. La barbarie du moyen-âge donna du relief à la science relative des clercs et leur supériorité intellectuelle les appela à dominer sur les peuples. Après tout l'Église faisait un meilleur usage de ses biens que la société laïque; les moines défrichèrent

l'Europe, et leur charité fut le seul appui des pauvres pendant les longs siècles qu'on a appelés siècles de fer. Les immunités du clergé le mettaient à l'abri, et encore imparfaitement, de la violence et de la spoliation. Trop souvent le droit de la société laïque était le règne de la force; l'Église ne pouvait consentir à se soumettre à une juridiction où le combat judiciaire tenait lieu de procédure. Les circonstances historiques justifiaient donc les priviléges de l'Église. Mais l'état social changea, et cependant l'Église maintint ses prétentions, alors qu'elles n'avaient plus de raison d'être. Quand la société laïque voulut reprendre la souveraineté que des causes passagères avaient donnée à la société religieuse, le clergé lui opposa son droit divin. De là la lutte entre l'État et l'Église.

SECTION II.

LUTTE DE L'ÉTAT CONTRE L'ÉGLISE,

SI. Les biens de l'Église.

No 1. Les donations.

I.

La réforme sécularisa une partie des biens de l'Église et la révolution acheva l'œuvre des réformateurs. De là une haine immortelle contre la réforme et la révolution. On accuse les réformateurs d'avoir jeté les biens des pauvres en pâture aux princes, pour les attirer à la nouvelle doctrine; quant aux hommes de 89, on les traite tout simplement de spoliateurs, de voleurs et de brigands. L'histoire de la lutte entre l'État et l'Église au moyen-âge vengera la révolution religieuse du seizième siècle et la révolution politique du dix-huitième de ces accusations passionnées. La sécularisation des biens ecclésiastiques ne date pas de Luther; les réformateurs

ne firent que suivre l'impulsion des siècles: c'est dire qu'ils obéirent à la voix de Dieu. L'Église n'aurait droit de crier à la spoliation, que si elle avait été propriétaire; mais son propre témoignage atteste qu'elle ne l'était pas. Les saints Pères et les conciles nous diront quelle était la destination de ses biens.

L'Église vivait sous le droit romain; sa propriété avait-elle les caractères que les jurisconsultes de Rome assignent au domaine? avait-elle le droit absolu d'user et de disposer? Les saints Pères et les conciles répondent que les biens de l'Église sont « les vœux des fidèles, le rachat des péchés et le patrimoine des pauvres. » Telle était la doctrine incontestée des premiers siècles, les plus beaux du christianisme, au dire des croyants. Dans son spiritualisme exalté, l'Église répugnait à la possession des biens terrestres : si elle consentait à en posséder, ce n'était pas dans un esprit de propriété, ni à titre de droit, c'était comme charge, pour les dispenser aux indigents. Les conciles formulèrent cette doctrine. Celui d'Aix-la-Chapelle de 816 proclama que tous les biens de l'Église sont le patrimoine des pauvres. Celui de Paris de 829 enseigne la mème vérité; il en conclut que c'est à tort qu'on se plaint des richesses excessives de l'Église, puisqu'elle est toujours pauvre, quelque riche qu'elle soit, la multitude des indigents étant capable d'épuiser des trésors infiniment plus grands que les siens. Le langage officiel de l'Église n'a jamais varié; le dernier concile général qu'elle a célébré dit encore que les biens ecclésiastiques sont les biens des pauvres.

Quel droit les clercs avaient-ils sur les biens ecclésiastiques? Ces biens étant le patrimoine des pauvres, les clercs n'y pouvaient avoir droit qu'en tant qu'ils étaient pauvres eux-mêmes. On ne songeait pas dans les premiers temps du christianisme à récompenser les services des clercs : leur récompense était au paradis. « L'Eglise, dit Julien Pomère, ne prétend pas payer ses ministres; elle n'a garde de les traiter comme des mercenaires, elle se borne à fournir à leurs nécessités.» « Les clercs, dit saint Augustin, sont admis comme pauvres à jouir des aumônes communes, mais ils n'y ont droit, ajoute saint Jérôme, que pour se garantir de la nudité et de la faim; tout ce qui leur reste après cela est superflu et appartient

aux indigents. Les Grégoire, les Chrysostome pratiquaient cette règle au milieu du luxe de Constantinople, et un des premiers conciles en fit une loi pour les évêques. Ces sentiments d'abnégation n'étaient donc pas ceux de quelques rigoureux ascètes, c'était bien la doctrine dominante; cela est si vrai, que Justinien fit du canon d'Antioche une loi de l'État.

A ce point de vue les biens de l'Église, loin d'être une source de jouissances pour ceux qui les géraient, étaient une charge; saint Augustin le dit, et nous devons l'en croire il souffrait de cette servitude, et il aurait préféré vivre d'aumônes et ne rien posséder qui pût troubler la paix du cœur. Pourquoi les évêques ne firent-ils pas l'abandon des biens de l'Église à la société civile? Saint Chrysostome nous en apprend la raison : c'est la dureté des laïques qui force les clercs de se charger du soin des pauvres. Mais le Père grec avoue que la gestion des biens temporels est peu digne de ceux qui sont les élus de Dieu; ces soins matériels appartiennent aux laïques, les clercs ne devraient être préoccupés que des choses du ciel.

Après cela, il ne peut plus y avoir d'incertitude sur l'emploi que l'Église doit faire de ses biens. Ils sont à la lettre la propriété des pauvres << Ceux qui demandent l'aumône, dit Grégoire le Grand, réclament ce qui leur est dû. » Les clercs sont dispensateurs des biens ecclésiastiques; s'ils s'approprient le dépôt qui leur est confié, ils volent les pauvres. Écoutons saint Jérôme : « Le devoir d'un économe est de ne rien garder pour lui; c'est une ignominie affreuse que de voir des ecclésiastiques qui pensent à s'enrichir; c'est un crime, car en usurpant les biens de l'Église ils volent les pauvres. » C'est en même temps un sacrilége : « Ce qui a été une fois consacré à Dieu, devient l'héritage de Dieu et le patrimoine de Jésus-Christ, en sorte que c'est un sacrilége d'y toucher avec d'autres mains que celles de la charité. » Cette doctrine sévère fut consacrée par le quatrième concile de Rome.

JI.

Voilà l'idéal, voyons la réalité. A entendre les saints Pères, les biens ecclésiastiques sont des dons de la charité, destinés à la charité. L'apparence est en harmonie avec la doctrine : l'Église doit ses richesses à la libéralité des fidèles. Mais il y a des donations qui sont viciées, parce que le donataire a capté la bienveillance du donateur par des moyens plus ou moins illicites. Les donations faites aux saints ne sont-elles pas à certains égards des captations? Réduites à leur plus simple expression, ce sont des marchés par lesquels le donateur achète le pardon de ses fautes. Il était évidemment dupe; car les moines vendaient ce dont ils ne disposaient pas et recevaient des biens réels en échange d'une chose imaginaire. Étaient-ils au moins de bonne foi? Assistons à un de ces actes; les clercs les rédigeaient; les sentiments qu'on y exprime sont donc bien ceux de l'Église. Les religieux commençaient par jeter la terreur dans l'âme des pécheurs, en les menaçant des feux éternels de l'enfer; ils ne leur laissaient qu'une espérance, c'était de racheter leurs fautes avant de mourir. Torturés par la crainte, les malheureux demandaient avec anxiété quel était le meilleur moyen d'apaiser la colère de Dieu. Les moines ne manquaient pas de répondre que l'aumône lavait les péchés, et que les libéralités les plus méritoires étaient celles qui se faisaient au profit de leur monastère. Voilà la captation religieuse dans toute sa naïveté. Il est difficile de croire à la sincérité de ces conseillers intéressés. Le doute augmente, quand on voit les moines faire les promesses les plus extravagantes aux pénitents, jusqu'à dire qu'avec leurs prières et leurs jeunes ils pouvaient racheter les crimes les plus énormes: ceci n'est plus de la naïveté, c'est du charlatanisme.

Nous préférons néanmoins ce trafic patent au langage doucereux que les religieux tiennent d'habitude dans les actes de donation. C'est le mépris des biens terrestres, si on les en croit, qui engage le donateur à se dépouiller soi et les siens : « Oh! que la race humaine est caduque et fragile! L'inévitable mort avec toutes ses misères est au bout de notre existence. Quel bonheur que la vie

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