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HISTOIRE DE L'ANGELOLOGIE

DES TEMPS APOSTOLIQUES A LA FIN DU ve s.1

On croyait que les anges formaient une multitude immense. Saint Jérôme estime que le genre humain tout entier n'est rien, comparé à l'armée angélique 2. Pour nous donner une idée du nombre des esprits célestes, saint Cyrille de Jérusalem leur applique la parabole évangélique des brebis fidèles que le berger laisse, pour aller à la recherche de celle qui est perdue3. Les anges sont les quatre-vingt-dix-neuf brebis fidèles, le genre humain est la centième. Il fortifie du reste cette assertion au moyen d'un raisonnement topique'. Il part de ce principe que l'espace occupé par des êtres est un indice qui nous permet d'évaluer approximativement leur nombre. Il est clair en effet que, plus le domaine assigné à des êtres est vaste, plus leur chiffre doit être considérable. Or, dit Cyrille, la terre n'est qu'un grain de poussière, si on la compare à l'immense sphère des cieux qui l'enveloppe de toutes parts. Les cieux étant remplis d'anges, nous devons admettre que ceux-ci forment une multitude incalculable.

1. Voir Revue, III (1898) pp. 289 et 407.

2. In Isaï, XL, 17. « Universa gentium multitudo supernis ministeriis comparata et angelorum multitudini pro nihilo ducitur. »

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3. Catech. XV, 24. « ἐννενήκοντα ἐννέα πρόβατα ἐστὶν ἐκεῖνα· ἡ δὲ ἀνθρωπότης, τὸ ἓν μόνον. On retrouve la même pensée dans saint Ambroise (in Luc. VII. 210): « Dives igitur pastor cujus omnes nos centesima portio sumus. Habet Angelorum, Archangelorum, Dominationum, Potestatum, Thronorum, aliorumque innumerabiles greges quos in montibus dereliquit. »

4. Catech., XV, 24. — Ibid., VI, 3.

Mais ce n'est pas tout au delà des cieux sont les cieux des cieux qui, eux aussi, sont peuplés d'habitants. Ici, l'imagination de Cyrille reste confondue. Il conclut que le nombre des anges dépasse toute idée.

Le texte que nous venons de mentionner nous éclaire sur un autre problème, à savoir sur le séjour des anges. On croyait que la plupart de ces esprits sublimes habitaient dans le ciel, c'est-à-dire au delà du firmament qui, comme une cloison, séparait leur demeure de l'espace aérien1. On distinguait ordinairement plusieurs cieux superposés au-dessus du firmament, et séparés les uns des autres par une cloison semblable à celle dont on enveloppait notre atmosphère. Saint Ambroise pense qu'il y en a sept 2. Cyrille de Jérusalem dit que nous n'en connaissons que trois, mais qu'il y en a davantage3. Quoi qu'il en soit, chacun de ces cieux servait de demeure à un ordre déterminé, Selon Cyrille, le premier ciel, celui qui pour plancher le firmament, sert à loger les esprits inférieurs. Les autres esprits habitent les cieux qui correspondent à leur dignité 4. Hilaire part de ce fait qu'il y a au moins quatre ordres angéliques, et probablement davantage, pour conclure qu'il y a plus de trois cieux. Il lui

1. JEROME, in Is., XL, 21. « Qui autem extendit caelos et expandit eos ut vel supra habitarent angelorum multitudines, vel subter homines morarentur. >>

2. In Ps. XXXVIII, 17. « Et ille quidem (Christus) ascendit super omnes caelos ad Dei sedem; homines autem a primo caelo ad secundum, et deinceps a secundo ad tertium, et ab illo per distinctiones fere ad septimum caelum, atque ad ipsam apsidem et summitatem caeli qui merentur, ascendunt. »

3. Catech., VI, 3. Cyrille fait allusion au texte dans lequel saint Paul déclare qu'il a été ravi au troisième ciel.

4. Ibid., XI, 11; XV, 24; XVI, 23. D'après les Testaments des douze Patriarches (III, 2), ce sont seulement les trois derniers, à savoir : le cinquième, le sixième et le septième qui servent de demeure aux esprits célestes.

5. In Ps. CXXXV, 10: « De numero vero caelorum, nihil sibi humanae doctrinae temeritas praesumat. Apostolus usque ad tertium

suffit pour cela de faire remarquer que la promiscuité répugnerait, et que chaque ordre doit avoir un logement distinct. Néanmoins, la pluralité des cieux n'était pas admise universellement. Augustin, bien qu'il soit disposé à y croire, n'ose pas se prononcer avec assurance1. Chrysostome la rejette nettement, et déclare qu'il y a un seul ciel 2. Dans cette hypothèse les différents degrés de la hiérarchie étaient naturellement mêlés les uns aux autres.

Il y avait une grande controverse sur le sens à donner au texte de la Genèse où il est question de certaines eaux supérieures au firmament 3. Qu'était-ce que ces eaux? Origène les prenait dans le sens allégorique et y voyait les anges. Basile se moqua de cette interprétation et déclara que les eaux supérieures au firmament étaient de vraies eaux. Épiphane et Jérôme la rejetèrent avec indignation. Toutefois la doctrine origéniste fut adoptée par Grégoire de Nysse, et même par Augustin pendant

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tantum caelum sese raptum intellegit. Plures quidem Thronos, Dominatus, Potestates, Principatus connumerat quibus necesse est proprias sedes habitationis congruae deputari... sed de numero Apostolus nihil docuit : et nescio an tacuerit an ignoraverit. » Une description des sept cieux et de leurs habitants se trouve dans le livre des Secrets d'Hénoch récemment découvert en slave. Voir Revue, I, 29 et suiv.

1. Gen. litt., XII, 57.

2. In Genes, homil., IV.

3. Genes,, I, 7.

4. Hexaem. III, 9 : « τοὺς δὴ τούτους λόγους ὡς ὀνειράτων συγκρίσεις καὶ γραώδεις μύθους ἀποπεμψάμενοι, τὸ ὕδωρ, ὕδωρ νοήσωμεν. »

5. Dans saint Jérôme, Ep. LI (CX de l'édit. des Bénéd.). « Illas vero præstigias quis non statim abjiciat atque contemnat dicente Origene de aquis quae super firmamentum sunt, non esse aquas, sed fortitudines quasdam angelicae potestatis? ›

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6. Ad Pammach contra Joann., 7 (P. L., 23, 360).

7. In Heram. tom. I, p. 15 : « τὸ δὲ ὕδωρ ᾧ τὸ πνεῦμα τοῦ Θεοῦ ἐπεφέρετο, ἄλλο τι παρὰ τὴν κατωφερή ταύτην τῶν ρευστῶν ὑδάτων φύσιν ἐστίν. »

8. Confess., XIII, 18. « Sunt aliae aquae super hoc firmamentum, credo immortales, et a terrena corruptione secretae. » — Toutefois dans

quelque temps. Quant à Ambroise, il reste indécis et, tout en suivant Basile, il refuse de condamner Origène 1. Cette controverse avait une certaine importance au point de vue cosmographique. Ceux qui admettaient en effet de vraies eaux supérieures, les faisaient servir à protéger le firmament contre la chaleur du soleil qui, sans cela, eût réduit en poudre la voûte céleste 2. Au point de vue théologique, la différence entre les deux opinions était insignifiante. Elle consistait simplement en ce que, d'après les uns, les anges habitaient directement au-dessus du firmament, tandis que, d'après les autres, ils en étaient séparés par la masse d'eaux destinées à rafraîchir la voûte

azurée.

Les anges n'avaient pas tous leur habitation au ciel. Un certain nombre d'entre eux demeuraient dans notre atmosphère. C'étaient les anges gardiens. On croyait en effet que Dieu, tout en maintenant autour de son trône le plus grand nombre des esprits célestes et en les destinant à

le traité de Genesi ad litteram (II, 9) écrit environ dix ans après les Confessions, Augustin fait profession de croire qu'il y a de vraies eaux au-dessus du firmament. Dans ses Rétractations (II, 6), il reconnaît avoir parlé inconsidérément dans les Confessions : « non satis considerate dictum est; res autem in abscondito est valde. »>

1. In Hexaëm, II, 17.

2. Voir sur ce point: AMBROISE (in Hexaëm, II, 12-14), SÉVÉRIEN (in Hexaëm. homil., II, 3) et AUGUSTIN (de Genes., ad. litt., II, 9). La planète Saturne fournissait également une preuve considérable de l'existence d'une masse d'eau au-dessus du firmament. On savait, d'une part, que cette planète était extrêmement éloignée puisqu'elle mettait trente ans à parcourir son orbite. On savait, d'autre part, qu'elle était très froide puisqu'au lieu de briller comme les autres elle était d'une couleur foncée. Or, théoriquement, elle eût dû être très chaude, car, soumise comme tous les astres au mouvement diurne, elle avait, par suite de son éloignement, des distances énormes à franchir chaque jour, et elle était, par conséquent, animée d'un mouvement très rapide qui devait l'échauffer. D'où venait donc qu'elle était si froide? De ce qu'elle confinait, disait-on, aux eaux supérieures. Augustin, qui expose cet argument, lui reconnaît une grande valeur.

chanter ses louanges, avait chargé un certain nombre parmi eux de veiller sur ce monde. C'étaient ces anges gardiens qui habitaient au milieu de nous 1. Ils avaient plusieurs fonctions à remplir. Nous devons mentionner tout d'abord les anges préposés à la garde des éléments, des plantes et des animaux. Dans le livre d'Hénoch et dans l'Apocalypse, chacun des phénomènes naturels, comme la grêle, les frimas, les saisons, était sous la direction d'un ange. Cette philosophie de la nature fut adoptée par les premiers Pères. Dans une de ses visions, Hermas apprend que l'ange des bêtes, nommé Thégri, a reçu l'ordre de ne pas lui nuire 2. Athénagore professe qu'il y a des esprits chargés de veiller au fonctionnement régulier du ciel, de la terre et de tous les éléments 3. Origène nous explique qu'il y a des anges occupés à faire naître les animaux, d'autres à faire pousser les plantes, etc. Épiphane connaît, tout comme Pseudo-Hénoch, l'ange du tonnerre, l'ange des éclairs, l'ange du froid, l'ange de la chaleur et beaucoup d'autres encore.

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Quelques Pères ne crurent pas devoir attribuer aux anges les postes inférieurs que Pseudo-Hénoch leur avait assignés. Basile et les deux Grégoire ne placent que les hommes sous la tutelle des anges; Jérôme regarde même comme ridicule et absurde la théorie que les Pères du n° et du n° siècles avaient empruntée au livre d'Hé

1. HILAIRE, in Ps., CXVIII, I. AMBROISE, in Ps. CXVIII, Serm., I, 9.

2. Vis., IV, 2.

3. Legat, 20.

4. In Numer. hom. XIV. In Josue hom. XXIII, 3. In Jerem. hom. X, 16.

5. De Mensur. et Ponder., 22.

6. Contr. Eunom., III, 1. In Ps., VIII, 207.

7. GREG. NAZ. Orat., XXVIII, 31. XLII, fin, XLII, 9. Poemata dogmat., t. VII. Toutefois dans ce dernier endroit Grégoire dit qu'il y a des anges chargés du gouvernement du monde (VII, 23).

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