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loin que le relâchement des mœurs. Très volontiers. Tout cela fans doute pouvait n'être pas digne de l'attention d'un critique auffi majeut.

Mais comment n'a-t-il pas admiré ce que tous les honnêtes gens n'ont pu voir fans répandre des larmes de tendreffe & de plaifir? Je veux dire, la piété filiale de ce bon Figaro, qui ne fauroit oublier fa mere!

Tu connais donc ce tuteur? lui dit le comte au premier acte. Comme ma mere, répond Figaro. Un avare auroit dit: Comme mes poches. Un petit maître eût répondu Comme moi-même. Un ambitieux : Comme le chemin de Versailles. Et le journaliste de Bouillon Comme mon libraire : les comparaifons de chacun fe tirant toujours de l'objet intéreflant. Comme ma mere, a dit le fils tendre & refpectueux.

Dans un autre endroit encore: Ah, vous êtes charmant! lui dit le tuteur. Et ce bon, cet honnête garcon, qui pouvait gaiment affimiler cet éloge à tous ceux qu'il a reçus de fes maîtreffes, en revient toujours à fa bonne mere, & répond à ce mot, vous êtes charmant!--- Il est vrai, monfieur, que ma mere me l'a dit autrefois Et le journal de Bouillon ne releve point de pareils traits! Il faut avoir le cerveau bien defféché, pour ne les pas voir, ou le coeur bien dur, pour ne pas les fentir!

Sans compter mille autres fineffes de l'art répandues à pleines mains dans cet ouvrage. Par exemple, on fait que les comédiens ont multiplié chez eux les emplois à l'infini: emplois de grande, moyenne & petite amoureufe; emplois de grands, moyens & petits valets; emplois de niais, d'important, de cro quant, de payfan, de tabellion, de bailli: mais on fait qu'ils n'ont pas encore appointé celui de baillant, Qu'a fait l'auteur pour former un comédien peu exercé au talent d'ouvrir largement la bouche au théatre ?

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Il s'eft donné le foin de lui raffembler dans une feule phrafe toutes les fyllabes bâillantes du françois: Rien... qu'en... l'en... en... t'en... dant... parler: fyllabes en effet qui feroient bailler un mort, & parviendroient à defferrer les dents même de l'envie.

Et cet endroit admirable, où, preffé par les reproches du tuteur qui lui crie: Que direz-vous à ce malheureux qui baille & dort tout éveillé? Et l'autre qui depuis trois heures éternue à fe faire fauter le crane

jaillir la cervelle! Que leur direz-vous? Le naïf Barbier répond: Eh parbleu ! je dirai à celui qui éternue, Dieu vous béniffe; & va te coucher, à celui qui bâille. Réponse en effet fi jufte, fi chrétienne & fi admirable, qu'un de ces fiers critiques qui ont leurs entrées au paradis, n'a pu s'empêcher de s'écrier: Diable! l'auteur a dû refter au moins huit jours à trouver cette replique!

Et le journal de Bouillon, au lieu de louer ces beautés fans nombre, ufe encre & papier, approbation & privilege, à mettre un pareil ouvrage au- deffous même de la critique On me couperoit le cou, que je ne faurois m'en taire.

N'a-t-il pas été jufqu'à difc, le cruel! que pour ne pas voir expirer ce Barbier fur le théatre, il a fallu le mutiler, le changer, le refondre, l'élaguer, le réduire en quatre actes, & le purger d'un grand nombre de pafquinades, de calembourgs, de jeux de mots, en un mot, de bas comique?

A le voir ainfi frapper comme un fourd, on juge affez qu'il n'a pas entendu le premier mot de l'ouvrage qu'il décompofe. Mais j'ai l'honneur d'affurer ce journaliste, ainfi que le jeune homme qui lui taille fes plumes & fes morceaux, que, loin d'avoir purgé la piece d'aucun des calembourgs, jeux de mots, &c. qui lui euffent nui le premier jour, l'auteur a fait rentrer dans les actes reftés au théatre, tout ce

qu'il en a pu reprendre à l'acte au porte- feuille. Tel un charpentier économe cherche dans fes copeaux épars fur le chantier, tout ce qui peut fervir à cheviller & boucher les moindres trous de fon ouvrage.

Pafferons-nous fous filence le reproche aigu qu'il fait à la jeune perfonne, d'avoir tous les défauts d'une fille mal élevée Il ett vrai que, pour échapper aux conféquences d'une telle imputation, it tente à la rejeter fur autrui, comme s'il n'en étoit pas l'auteur, en employant cette expreffion banale: On trouve à la jeune perfonne, &c. On trouve!...

Que vouloit-il donc qu'elle fit? Quoi ?! Qu'au lieu de fe prêter aux vues d'un jeune amant très-aimable & qui fe trouve un homme de qualité, notre charmante enfant époufât le vieux podagre médecin ? Le noble établissement qu'il lui deftinait là ! Et parce qu'on n'est pas de l'avis de monfieur, on a tous les défauts d'une fille mal élevée!

En vérité, fi le journal de Bouillon fe fait des amis en France par la jufteffe & la candeur de fes critiques, il faut avouer qu'il en aura beaucoup moins. au-delà des Pyrénées, & qu'il eft fur-tout un peu bien dur pour les dames Efpagnoles.

Eh! qui fait fi fon excellence madame la comteffe Almaviva, l'exemple des femmes de fon état, & vivant comme un ange avec fon mari, quoiqu'elle ne l'aime plus, ne fe reffentira pas un jour des li bertés qu'on fe donne à Bouillon, fur elle, avec approbation & privilège?

L'imprudent journaliste a-t-il au moins réfléchi que fon, excellence ayant, par le rang de fon mari, le plus grand crédit dans les bureaux, eût pu lui faire obtenir quelque penfion fur la gazette d'Elpagne, ou la gazette elle-même, & que dans la carriere qu'il embraffe, il faut garder plus de ménagemens

pour les femmes de qualité? Qu'est-ce que cela me fait à moi? L'on fent bien que c'eft pour lui feul que j'en parle!

Il est tems de laiffer cet adverfaire ; quoiqu'il foit à la tête des gens qui prétendent que, n'ayant pu me foutenir en cing actes, je me fuis mis en quatré pour ramener le public. Et quand cela feroit! Dans un moment d'oppreffion, ne vaut-il pas mieux facrifier un cinquieme de fon bien que de le voir ailer tout entièr au pillage?

Mais ne tombez pas, cher lecteur... (monfieur, veux-je dire) ne tombez pas, je vous prie, dans une erreur populaire qui feroit grand tort à votre jugement.

Ma piece, qui paroît n'être aujourd'hui qu'en quatre actes, eft réellement & de fait en cinq, qui font le premier, le deuxieme, le troifieme, le quatrieme & le cinquieme, à l'ordinaire.

Il eft vrai que, le jour du combat, voyant les enremis acharnés, le parterre ondulant, agité, grondant au loin comme les flots de la mer, & trop certain qué ces mugiffemens fourds, précurfeurs des tempêtes, ont amené plus d'un naufrage, je vins à réfléchir que beaucoup de pieces en cinq actes (comme la mienne), toutes très bien faites d'ailleurs (comme la mienne), n'auroient pas été au diable en entier (comme la mienne), fi l'auteur eût pris un parti vigoureux (comme le mien).

Le dieu des cabales eft irrité, dis - je aux comédiens avec force;

Enfans! un facrifice eft ici nécessaire.

Alors, fefant la part au diable & déchirant mon manufcrit: Dieu des fiffleurs, moucheurs, cracheurs, touffeurs & perturbateurs, m'écriai-je, il te faut du fang! Bois mon quatrieme acte, & que ta fureur s'appaife!

A l'inftant vous euffiez vu ce bruit infernal qui faifoit pâlir & broncher les acteurs, s'affoiblir, s'éloigner, s'anéantir; l'applaudiffement lui luccéder & des bas-fonds du parterre un bravo général séle ver en circulant jufqu'aux hauts bancs du paradis. De cet expofé, monfieur, il fuit que ma picce eft reftée en cinq actes, qui font le premier, le deu xieme, le troifieme au théatre, le quatrieme au diable, & le cinquieme avec les trois premiers. Tel auteur même vous foutiendra que ce quatrieme acte, qu'on n'y voit point, n'en eft pas moins celui qui fait le plus de bien à la piece, en ce qu'on ne l'y voit point.

Laiffons jafer le monde ; il me fuffit d'avoir prouvé mon, dire. Il me fuffit, en faifant mes ging actes, d'avoir montré mon refpect pour Ariftote, Horace, Aubignac & les modernes; & d'avoir mis ainfi l'honneur de la regle à couvert.

. Par le fecond arrangement, le diable a fon affaire mon char n'en roule pas moins bien fans la cin quiemé roue; le public eft content, je le fuis aufli Pourquoi le journal de Bouillon ne l'eft-il pas Ah, pourquoi! C'est qu'il eft bien difficile de plaire à des gens qui, par métier, doivent ne jamais trouver les chofes gaies affez férieufes, ni les graves affez, enjouées.

Je me flatte, monfieur, que cela s'appelle, raifon ner principes, & que vous n'êtes pas mécontent de, mon petit fyllogifme.

Refte à répondre aux obfervations dont quelques, perfonnes ont honoré le moins important des dra-. mes hafardés depuis un fiecle au théatre.

Je mets a part les lettres corites aux comédiens. à moi-même, fans. gnatures, & vulgairement appellées anonymes. On juge, à l'apreté du flyle, que, leurs auteurs, peu verles dans la critique, n'ont pas

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