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reur céleste, un empereur terrestre pût exercer aucun pouvoir. Abandonnant donc l'Italie au siège apostolique, il s'est choisi en Grèce une nouvelle demeure; et depuis que l'Église, imposant le joug à Charlemagne, a transféré le siège de l'Empire en Germanie, quand elle a appelé vos prédécesseurs et vous à siéger sur le tribunal impérial, quand elle vous a concédé au jour de votre couronnement la puissance du glaive, elle n'a entendu diminuer en rien la substance de sa juridiction. » Revenant ensuite aux imputations dont l'avait chargé Frédéric : « Gardez-vous de méconnaître le pouvoir qui vous a fait ce que vous êtes; n'oubliez pas que les prêtres du Christ sont les pères et les maîtres de tous les rois, et n'ayez pas la témérité de vous faire juge de nos actes, lorsque Dieu s'est réservé à lui seul le droit de juger le siège apostolique, au jugement duquel il a subordonné la terre entière aussi bien dans les choses cachées que dans les choses manifestes 1. »

Cependant Frédéric, après avoir envoyé une partie de ses forces contre le duc d'Autriche, lequel, engagé dans la révolte du roi des Romains, ne s'était pas encore soumis, avait quitté l'Allemagne et franchi les Alpes. Descendu par le val de l'Adige, que lui avait ouvert le redoutable gibelin, Eccelin de Romano, qui venait de s'emparer de la Marche véronaise et d'une partie de celle de Trévise, il s'était d'abord arrêté à Vérone, afin de concerter avec cet allié le plan de son expédition. Un chroniqueur raconte que le jour où, passant le Mincio, il monta à cheval pour commencer la guerre, il s'écria « Les voyageurs et les pèlerins vont partout librement, et moi je n'oserais m'aventurer sur les terres de mon Empire! » puis, saisissant de ses mains l'étendard impérial, il s'élança de l'autre côté du fleuve au devant des milices de Crémone et de Parme qui arrivaient à sa rencontre 3. Toute

1. Hist. dipl. t. IV, p. 914-923.

2. Fin août 1236. Chron. Veron. Murat. rer. ital. t. VIII, p. 629. 3. Chron. de reb. in Ital. gest.

fois il ne fit guère alors que paraître en armes dans cette Lombardie que son aïeul Barberousse avait si longtemps ravagée sans pouvoir s'en rendre maître. Des dévastations commises sur le territoire de Mantoue et la prise de Vicence, qu'il emporta d'assaut et qu'il livra à la fureur de ses troupes, furent tout le résultat de cette première campagne 1. Obligé presque aussitôt de revenir au delà des Alpes pour achever de réduire le duc d'Autriche qui tenait en échec les forces impériales et qui, en donnant la main aux Lombards par la Marche de Trévise, menaçait de lui couper la retraite, il demeura encore près de huit mois en Allemagne, pendant lesquels Grégoire chercha encore et tout aussi vainement à s'interposer entre lui et les Lombards. Enfin, après avoir pris de nouvelles mesures pour la sûreté de l'Empire, après avoir resserré plus étroitement ses liens avec l'Allemagne en faisant élire roi des Romains son second fils Conrad qu'il avait appelé d'Italie 3, et dont il confia la tutelle, avec l'administration de l'Empire, à l'archevêque de Mayence, il redescendit vers les Alpes, décidé cette fois à poursuivre jusqu'au bout l'accomplissement de ses desseins.

C'était au mois de septembre 1237 que, l'esprit rempli de cette résolution, Frédéric reparaissait en Lombardie. Il ouvrit la campagne par l'envahissement du territoire de Mantoue et marcha dans la direction de Brescia. Son armée était plus considérable que lors de la précédente expédition. Aux contingents allemands dont il était accompagné étaient venus se joindre, avec six mille Sarrazins mandés de Lucéra et cinq cents chevaliers de la Pouille, les milices des villes gibelines de Pavie, de Crémone, de Modène, de Reggio, de Parme, qu'animait contre Milan et les autres villes guelfes

1. Gerard. Mauris. Murat. rer. ital. ss. t. VIII, p. 43. · Chron. Patav. Murat. antiq. t. IV, p. 1133. - Ricc. de S. Germ. anno 1236.

2. Zeller, Hist. d'Allem. t. V, p. 325, 326. Frédéric repassa au nord des Alpes en décembre 1236; il était à Grætz dès le 3 janvier suivant.

3. L'élection eut lieu à Vienne, en février-mars 1237. Hist. dipl. t. V,

p. 29-32. Elle fut confirmée dans une diète à Spire le 7 juin suivant.

une ancienne et constante rivalité. Le 27 novembre, à la tête de toutes ces forces réunies, il attaqua, sur la rive droite de l'Oglio, à Corte-nuova, les milices de la ligue. On combattit jusqu'au soir. Les Guelfes furent vaincus, laissant sur le champ de bataille dix mille des leurs tués ou prisonniers 2. Cet événement, annoncé par des lettres de l'empereur en Angleterre, en France, en Allemagne, aux cités italiennes et à Rome même3, où Grégoire était revenu depuis peu, eut son contre-coup dans toute la péninsule. Dès les premiers mois de l'année suivante, Novare, Verceil, Chiesi, Savone et d'autres villes de la confédération lombarde députaient vers le vainqueur et l'assuraient de leur obéissance 5. Les Milanais eux-mêmes furent sur le point de traiter 6. En Toscane, Florence chassa son podestat qui tenait pour les Guelfes. A Rome, le peuple, excité par les Frangipani, partisans de l'empereur, ne tarda pas à se soulever contre Grégoire qui s'enfuit à Anagni 7. Profitant de la terreur causée par ses armes, Frédéric se disposa à assiéger Brescia, l'une des principales villes confédérées qui résistaient encore, afin de diriger ensuite ses forces contre Milan, dont la soumission devait lui assurer celle de toute la Lombardie.

Grégoire n'avait pas appris sans alarme le triomphe de l'empereur. A la veille de la bataille de Corte-nuova, il lui avait écrit de nouveau au sujet de la croisade, à laquelle, lui mandait-il, s'apprêtaient les fidèles et dont il avait fixé la date à la Saint-Jean prochaine 8. Après la défaite des Lombards, il tenta encore, par un appel plus pressant, de tourner

1. Ricc. de S. Germ. anno 1237. p. 629. - Chron. de reb. in Ital. gest. 2. Cherrier, Hist. de la lutte des papes et des empereurs, t. II, p. 158-160, et

Chron. Veron. Murat. rer. ital. t. VIII,

notes.

3. Pour ces lettres, toutes datées de décembre 1237, voy. Hist. dipl. t. V, p. 132-139, 142-145.

4. Grégoire était revenu au palais de Latran le 21 octobre 1237.

5. Zeller, Hist. d'Allem. t. V, p. 332.

6. Chron. de reb. in Ital. gest.

7. Juin 1238. Vita Gregor. IX, Murat. rer. ital. t. III, p. 581, 582. 8. 2 novembre 1237. Hist. dipl. t. V, p. 126-128.

vers la Terre sainte les armes du vainqueur '. Frédéric resta sourd à ces instances. A la suite d'une diète qu'il tint sur la fin de juin 1238 à Vérone, et dans laquelle, voulant sans doute faire montre de piété, il confirma les lois rigoureuses qu'il avait publiées précédemment contre les hérétiques 2, il alla mettre le siège devant Brescia 3. Il se heurta à l'héroïque résistance des habitants, qui, redoutant sa vengeance, étaient décidés, plutôt que de se rendre, à s'ensevelir sous les ruines de leur ville. Après plus de deux mois d'un siège opiniâtre, durant lequel il exerça les mêmes cruautés que Barberousse avait commises autrefois sous les murs de Crème, faisant attacher vivants ses prisonniers à ses machines de guerre, il dut abandonner son entreprise et se retirer sur Crémone. Cet échec infligé aux troupes impériales releva les espérances de la ligue et rouvrit au pontife les portes de Rome. Grégoire se prépara dès lors à prendre part à la lutte. A son instigation, les deux villes rivales de Venise et de Gênes, que menaçait également l'ambition de Frédéric, s'unirent, pour une période de neuf années, dans une alliance contre l'empereur. Le pape n'attendait, de son côté, qu'un prétexte pour le frapper, quand un nouvel acte de Frédéric précipita ses coups.

Dans le temps même que Grégoire rentrait à Rome, Frédéric, qui venait de marier l'un de ses fils naturels, Enzio, à la veuve d'un des plus puissants juges de Sardaigne, envoyait le jeune prince occuper cette île avec le titre de roi7. C'était braver le saint-siège dans les droits qu'il n'avait cessé

1. 3 juin 1238. Potthast, Reg. pontif. no 10610.

2. Hist. dipl. t. V, p. 215-216. Il avait déjà confirmé ces mêmes constitutions le mois précédent à Crémone, ibid. p. 201, 202.

3. août 1238.

4. 9 octobre. Chron. de reb. in Ital. gest.

5. Dans la seconde quinzaine d'octobre.

6. 30 novembre. Hist. dipl. t. V, addimenta, p. 1223-1225.

7. Chron. de reb. in Ital. gest. Ce titre de roi est donné par Frédéric à son fils dans plusieurs de ses lettres. Voir. Hist. dipl. t. V, passim. Tantôt il le nomme «rex Turris et Galluris (roi de Torres et de Gallura) », tantôt «‹ rex Sardinie et Gallure », ou seulement « rex Sardinie ».

de revendiquer sur la Sardaigne, et dont s'était jadis prévalu Innocent III pour exiger des juges qui y régnaient alors un tribut de vassalité. Grégoire se plaignit à l'empereur de ce qu'il considérait comme une usurpation. « Nous avons juré à notre avénement, répondit Frédéric, de reprendre les provinces enlevées à nos prédécesseurs, et, comme il est incontestable que la Sardaigne dépend de notre couronne, nous usons d'un droit légitime en rattachant cette île à l'Empire 1. » C'était presque le même langage que jadis Otton avait tenu à Innocent III. Après plusieurs sommations restées sans effet, le pape se décida à sévir. Le 20 mars 1239, dans la basilique de Latran, il rendit une sentence par laquelle, reprochant à l'empereur de mettre obstacle à la croisade par la guerre qu'il avait entreprise contre les Lombards, de s'être emparé illégalement de la Sardaigne, d'avoir fomenté dans Rome une sédition pour en chasser le Père des fidèles, et d'opprimer par ses violences les églises du royaume de Sicile au point d'y laisser plus de vingt évêchés vacants, il le frappait d'anathème, relevait ses vassaux et ses sujets de leur serment de fidélité et le menaçait de châtiments plus sévères, s'il continuait d'opprimer le clergé de son royaume. Il annonçait en outre que, l'empereur étant accusé par le bruit public de mal penser sur la foi, il se réservait, à cet égard, de procéder en temps convenable et selon les formes du droit 2.

Cette sentence, que le chef de l'Église notifia par une encyclique à la catholicité, et qu'il aggrava encore en plaçant sous l'interdit tous les lieux où résiderait Frédéric 3, n'avait au fond d'autre but que d'arrêter les progrès des armes impériales dans la Haute Italic. Frédéric le comprit et, dans

1. Matth. Paris. t. III, p. 527. 2. Hist. dipl. t. V, p. 286-289. 3. 7 avril 1239. Ibid. p. 290-294.

4. Un contemporain disait expressément : « Pontifex .. cognoscebat animum imperatoris esse proclivem ad ecclesiam opprimendam, si posset sibi subjicere Lombardiam. » Monach. Paduan. anno 1239, Murat. rer.

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