Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

ôter toute défiance au chef de l'Église, il alla jusqu'à lui proposer son fils comme otage1. Il fit plus. Grégoire avait résolu depuis peu de provoquer une nouvelle croisade dans l'intérêt de la Terre sainte, et d'y envoyer des forces avant l'expiration de la trêve conclue avec les Infidèles. Frédéric, dans une conférence à laquelle assistaient, avec le pape et les cardinaux, un certain nombre de prélats, prit l'engagement de se joindre à cette expédition2. Rassuré sans doute par ces témoignages, Grégoire accepta le secours d'un souverain qu'il redoutait. L'empereur commença par occuper plusieurs points de l'État ecclésiastique, puis, après avoir ouvert en personne la campagne contre les Romains, il regagna le royaume de Sicile, laissant ses troupes au pontife pour continuer la guerre. Défaits dans un sanglant combat sous les murs de Viterbe, les Romains, tout en essayant de prolonger la résistance, se résignèrent enfin à traiter, et, au mois de mai 1235, une convention fut conclue par laquelle, renonçant à leurs exigences, ils se replacèrent, à l'égard du saint-siège, dans les conditions d'obéissance où ils étaient au temps d'Innocent III 3. Ce traité ne suffit pas toutefois à dissiper les alarmes de Grégoire, et il devait, pendant deux ans, rester éloigné de Rome.

Tant d'attaques dirigées pour des causes et sous des formes diverses contre l'Église romaine n'étaient pas pour diminuer l'audace de Frédéric, et l'heure approchait où il allait à son tour entrer dans la lice. S'il avait aidé le pape à recouvrer son autorité temporelle et promis de conduire une seconde expédition en Palestine, ce n'était pas qu'il eût abandonné ses desseins sur l'Italie. Mais, dans ce moment, il craignait

manæ defensionem et patrimonii sue sponte se obtulit. » Lettre de Grégoire aux Lombards, 3 juillet 1234, Hist. dipl. t. IV, p. 472.

1. Vita Gregor. IX. Cf. une lettre du pape du 21 juin 1239, Hist. dipl. t. V, p. 330.

2. Voir une lettre de Grégoire aux prélats du royaume de Jérusalem, 8 août 1234, Hist. dipl. t. IV, p. 481, 482.

3. Raynald, anno 1235, nos 4-6. Cf. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 202-207. Voir, Hist. dipl. t. IV, p. 535, 536, une lettre du 27 mars 1235 adressée par Frédéric au pape au sujet de cette paix.

une révolte de son fils aîné Henri, qui, depuis quelque temps, cherchait à se rendre indépendant au delà des Alpes, et, en soutenant Grégoire contre les Romains, il voulait, s'assurer au besoin, l'appui du saint-siège. Il ne s'était pas trompé dans ses appréhensions. Henri, qui avait réussi à entraîner dans. son parti le duc d'Autriche et d'autres princes de l'Empire, ne tarda pas à faire ouvertement acte de rebelle et poussa 1 la témérité jusqu'à contracter une alliance offensive et défensive avec les villes guelfes de Lombardie 2. Il importait à l'empereur d'arrêter au plus tôt une tentative qui, outre qu'elle compromettait son pouvoir en Allemagne, contrariait ses projets sur la péninsule. Grégoire, prêtant à Frédéric un concours que vraisemblablement il n'osa refuser à ses sollicitations, cita à comparaître les prélats qui s'étaient associés à ces menées, déclara nuls les serments prêtés à Henri par les princes, et Henri lui-même fut frappé d'excommunication3. Ainsi armé des foudres de l'Église, Frédéric, dans le mois même où les Romains se décidaient à traiter, se porta rapidement en Allemagne, non par les passages des Alpes que gardaient les confédérés lombards, mais par l'Adriatique. Il s'embarqua à Rimini, se jeta en Illyrie, et de là accourut en Allemagne. Sa seule présence suffit à étouffer la révolte. Par ses ordres, Henri fut transféré au château d'Heildelberg, puis emmené par mer dans le royaume de Sicile, où il devait mourir après six ans d'une étroite détention. Pendant que ce

1. Voy. le manifeste de Henri du 2 septembre 1234. Hist. dipl. t. IV, p. 682.

2. Ce traité est du 17 décembre 1234. Hist. dipl. t. IV, p. 704-708. Pour les débuts de cette révolte du fils de Frédéric, voir Annal. Col. Max. Annal. Worm. Chron. Erphord.

3. Dès le 5 juillet 1234, Grégoire mandait à l'archevêque de Trèves d'excommunier Henri, s'il y avait lieu, comme traître à l'empereur (Hist. dipl. t. IV, p. 473). Les lettres du pape aux princes et aux prélats de l'Allemagne sont du 13 mars 1235 (Ibid. p. 530, 531). Voir une lettre de Grégoire du 1er août 1235, de laquelle il ressort que Henri avait été excommunié au nom du pape par l'archevêque de Salzbourg (Ibid. p. 738).

4. Hist. dipl. Introd. p. 227-229.

5. 10 février 1242. Voy. Cherrier, Hist. de la lutte des papes et des empe. reurs, t. II, p. 256, 257.

prince était prisonnier à Heildelberg, une diète générale fut réunie par Frédéric, le 15 août 1235, à Mayence. Il y fit prononcer la déchéance de son fils comme roi des Romains1, et des dispositions sévères furent publiées pour prévenir de nouveaux troubles 2. Mais la pacification de l'Allemagne n'était pas l'unique objet que s'était proposé Frédéric. Les événements lui offraient enfin l'occasion favorable que cherchait son ambition. Il revendiqua, au sein de la diète, les droits de l'Empire sur cette Lombardie insoumise qui s'était unie contre lui à son fils rebelle, et il fit décider, aux acclamations de l'assembléc, que la guerre serait portée au printemps prochain dans la Haute Italie3.

En apprenant cette résolution, Milan, Plaisance, Brescia, Lodi, Novare et les autres villes guelfes de la Lombardie renouèrent plus étroitement la ligue qu'elles avaient formée sous le précédent pontificat. Grégoire, dont les Lombards. étaient le principal appui en Italie, et qui, en prévision de nouvelles entreprises de Frédéric, avait eu jusqu'ici le soin de les ménager, essaya vainement de s'interposer entre eux et le chef de l'Empire 3. Il est vrai que, voulant, dans l'intérêt du saint-siège, sauvegarder leur indépendance, tandis que Frédéric exigeait leur soumission, il n'offrait à l'empereur que des satisfactions illusoires . Il recourut à un autre moyen et chercha à éloigner encore une fois Frédéric de la péninsule. Depuis qu'il avait obtenu de l'empereur l'engagement de concourir à une nouvelle guerre contre les Infidèles, il avait or

[blocks in formation]

3. Lettre de Frédéric au pape, Hist. dipl. t. IV, p. 759. On sait qu'un mois avant la diéte de Mayence, le 15 juillet, Frédéric avait épousé en grande pompe Isabelle, sœur du roi d'Angleterre, qui mourut le 1er décembre 1241. 4. Voir l'acte de confédération en date des 5 et 7 nov. 1235, Hist. dipl. ibid. p. 796-798.

5. Dès le 28 juillet 1235, Grégoire mandait aux princes et aux évêques allemands d'intervenir auprès de l'empereur, pour qu'il remit la cause des Lombards entre les mains du saint-siège, Hist. dipl. ibid. p. 735. Cf. des lettres du pape à Frédéric sur le même sujet, 21 mars et 10 juin 1236, ibid. p. 824, 870.

6. Hist. dipl. Introd. p. 451, 452.

LA COUR DE Rome. T. II.

5

donné aux évêques de la chrétienté de faire prêcher la croisade dans leurs diocèses 1. Au mois de mars 1236, alors que Frédéric procédait aux préparatifs de son expédition en Italie, le pontife lui rappela ses promesses au sujet de la Terre sainte, dont les intérêts, disait-il, devaient le toucher, comme roi de Jérusalem, plus qu'aucun prince de l'Europe2. Sans repousser les exhortations de Grégoire, l'empereur refusa pour le moment de se joindre à la croisade. « L'Italie est mon héritage, dit-il; cela est connu de tout l'univers. Abandonner ce qui m'appartient pour entreprendre au loin des conquê tes, indiquerait de ma part plus de témérité que de sagesse. D'ailleurs aller combattre les Infidèles, quand les hérésies pullulent dans les villes italiennes et surtout à Milan, ce serait laisser le fer dans la plaie. Dès que j'aurai replacé l'Italie sous mon obéissance, j'en emploierai les forces et les richesses aux besoins de la Terre sainte 3. >>

Bien qu'on pût croire que, dans cette déclaration, Frédéric n'avait en vue que les provinces lombardes, Grégoire ne s'abusait pas sur la véritable pensée de l'empereur. Il ne doutait pas que, dans ses intentions, la soumission de ces provinces ne dût être suivie de celle du centre de l'Italie. Comme s'il eût voulu déjà se préparer des armes pour frapper Frédéric, il ne se borna pas alors à l'accuser, dans des lettres réitérées, de rejeter, au détriment de la croisade, tout accord avec les Lombards. Reproduisant, non sans raison,

1. Septembre-novembre 1234, Potthast, Reg. pontif., nos 9525, 9761, 9773. Cf. ibid. no 10028, 10041, 10065 (septemb.-décemb. 1235).

2. « Negotium Terre sancte quod ad te post sedem apostolicam noscitur specialiter pertinere. » Lettre déjà citée du 21 mars 1236.

3. Fin juin 1236, Hist. dipl. t. IV, p. 881. Le mois de mai précédent, Frédéric publiait un manifeste non moins significatif. « Si la Providence du Sauveur, y disait-il, a conduit notre fortune d'une façon si prodigieuse que le royaume de Jérusalem, héritage de notre fils Conrad, et le magnifique royaume de Sicile, que nous tenons de notre mère, ainsi que le corps puissant de la nation germanique, soient maintenus sous nos lois dans une paix profonde, c'est afin que cette partie intermédiaire qu'on appelle l'Italie, resserrée de tous côtés dans le cercle de nos forces, revienne aussi à notre obéissance et à l'unité de l'Empire, et pour cela il nous reste peu de chose à faire (quod nihil nobis restat vel modicum peragendum). Ibid. p. 849.

des griefs exprimés jadis par Honorius, il lui reprocha d'attenter de nouveau dans le royaume de Sicile aux libertés de l'Église, d'y empêcher les élections, d'avoir exilé ou incarcéré des ministres de la religion et, par une autre injure non moins sensible à l'Église, d'accorder une protection particulière aux Sarrazins de Lucéra. Frédéric, tout en s'efforçant de se disculper, éleva de son côté des récriminations. Il se plaignit des perfides manoeuvres de certains ecclésiastiques, qui, sous prétexte de prêcher la croisade, excitaient contre lui les sujets de son royaume, accusa le pape de favoriser secrètement les Lombards et d'avoir même cherché à entraîner dans leur ligue des villes fidèles à l'Empire 1. Ces récriminations, échangées de part et d'autre, n'étaient encore que l'indice de sourdes hostilités qui commençaient entre les deux pouvoirs. Ces naissantes hostilités se marquèrent davantage par une lettre que, le 23 octobre 1236, Grégoire écrivait à Frédéric, et dans laquelle, repoussant les dernières accusations formulées par le monarque, il revendiquait, à son tour, de prétendus droits de l'Église romaine non pas seulement sur l'Italie, mais sur l'Empire même, et signifiait à son futur adversaire qu'il dépendait du saint-siège tout ensemble comme chrétien et comme empereur:

« Il est notoire, disait le pape dans cette lettre, que Constantin, à qui appartenait la monarchie universelle, a voulu que le vicaire du prince des apôtres, qui avait l'empire du sacerdoce et des âmes dans le monde entier, eût aussi le gouvernement des choses et des corps dans tout l'univers. Il pensait, en effet, que celui-là devait régir les choses terrestres à qui Dieu avait confié le soin des choses célestes. C'est pourquoi il a remis à perpétuité au pontife romain le sceptre et les insignes impériaux, avec Rome et tout son duché et l'Empire même, considérant comme infâme que, là où le chef de la religion chrétienne avait été institué par l'empe

1. Voy. les lettres échangées entre le pape et Frédéric, février-septembre 1236, Hist. dipl. t. IV, p. 810-814; 828-832; 905-913.

« ZurückWeiter »