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les conjurés, et on lacéra les lettres pontificales dont ils étaient porteurs. L'effet de cette conspiration se serait vraisemblablement étendu plus loin, si le pape, qui avait été averti, n'eût donné ordre au roi d'Angleterre, sous peine d'excommunication, de faire informer sur ces violences et d'en châtier les auteurs 1. L'enquête eut lieu; mais, soit que le roi fût favorable en lui-même aux idées qui avaient poussé les conjurés, soit que peut-être il craignît leur ressentiment, cette enquête ne fut suivie d'aucun châtiment; en revanche elle prouva que, de fait ou de complicité, non seulement des seigneurs et nombre de laïques, mais des doyens, des archidiacres, des clercs du roi et des évêques même s'étaient associés au complot 2.

Jusque dans les pays les plus éloignés, l'obéissance à l'Église romaine était synonyme de servitude. L'empereur grec de Nicée, Jean Vatacès, qui craignait alors une agression des Latins de Constantinople, parut vouloir se rapprocher du saint-siège, et, dans le cours de l'année 1233, deux nonces furent envoyés par Grégoire pour préparer l'union entre les deux Églises, démarche, à la vérité, qui n'eut aucun résultat. A cette occasion, le patriarche grec, nommé Germain, avait adressé au pape une lettre dans laquelle il disait: << Puisque de part et d'autre nous désirons cette union, examinons avec sincérité les causes qui nous divisent. Si l'erreur vient de nous, montrez-nous le mal et le remède; mais, si elle vient des Latins, ne demeurez pas, par une obstination coupable, éloignés de la voie du Seigneur. Je ne vous dissimulerai pas que, parmi les princes qui partagent notre foi, il en est qui seraient disposés à se placer dans votre obédience, s'ils ne craignaient le joug excessif et les exactions dont vous accablez ceux qui vous sont soumis. De là ces guerres funestes où les villes sont dépeuplées et les églises désertes. C'est une tout autre conduite qu'a prescrite l'apôtre

1. Juin 1232. Potthast, Reg. pontif. no 8945.

2. Voir dans Matth. Paris. anno 1231-1232, les détails de cette singulière conjuration.

Pierre, quand il a recommandé aux pasteurs de diriger leur troupeau sans domination ni contrainte. » Le patriarche s'expliquait encore plus nettement dans une lettre aux cardinaux. <<< Il fut un temps, écrivait-il, où les Latins et les Grecs étaient unis dans une même foi et soumis aux mêmes canons. A quoi donc attribuer le schisme qui nous sépare? Permettezmoi à cet égard de vous dire la vérité. Notre division est. née de l'oppression tyrannique que vous exercez et des exactions de l'Église romaine, qui de mère est devenue une marâtre et qui, par son avarice, a éloigné d'elle ses propres enfants. J'ajoute que nous sommes scandalisés de vous voir si attachés aux biens de ce monde. Vous vous dites les disciples. de Celui qui fut humble et pauvre. Or non sculement vous attirez à vous l'or et l'argent de toute la terre; mais, avides de domination, vous cherchez encore à vous rendre les royaumes tributaires. Que la modération devienne la règle de votre conduite; et, avant d'exiger notre obéissance, donnez au monde et à nous-mêmes l'exemple de vos vertus1 ».

Presque dans le même moment, se passaient en France des faits qui, pour être d'une autre nature, n'en étaient pas moins caractéristiques. A la suite d'une émeute qui avait éclaté à Beauvais et dans laquelle un certain nombre d'habitants avaient été tués, le jeune roi Louis IX était allé dans cette ville pour y faire justice des coupables. L'évêque, qui prétendait, en vertu des privilèges de son église, avoir juridiction sur la commune, voulut s'opposer aux intentions du roi et engagea dans sa querelle l'archevêque de Reims et les autres évêques de la province. Le pape intervint également et, dans une lettre qu'au mois d'avril 1234 il écrivait au roi, lui rappelant avec quel zèle ses ancêtres avaient de tout temps servi l'Église, l'exhorta à ne pas s'écarter de ces louables traditions. Malgré ces représentations, Louis, alléguant ce qu'il considérait

1. Matth. Paris, t. III, p. 448-460. Le chroniqueur a placé à tort ces deux lettres à l'année 1237. Raynald. anno 1232, nos 46-49, n'a reproduit que la lettre adressée au pape et dont il a omis certains passages. Cf. Héfélé, Conc. t. VIII, p. 287 et ss.

comme le droit supérieur de sa couronne, ne laissa pas d'exercer sa justice; fait d'autant plus à remarquer que, n'ayant pas alors atteint sa majorité, il obéissait aux conseils de sa mère, la pieuse Blanche de Castille 1. Il eut bientôt avec l'archevêque de Reims un démêlé plus grave. Les bourgeois de cette ville s'étant soulevés contre le chapitre métropolitain au sujet de certains droits qui leur étaient contestés, l'archevêque les frappa d'excommunication et demanda à Louis IX de les forcer à la soumission. Le roi voulut d'abord procéder à une enquête; et, comme il avait cité à sa cour les bourgeois et l'archevêque, celui-ci refusa de comparaître, objecta que vouloir connaître des causes de l'excommunication, c'était usurper sur les libertés de l'Église, et, après plusieurs monitions inutiles adressées à Louis IX, mit en interdit, d'accord avec ses suffragants, les domaines du roi situés dans la province. Le pape, à son tour, alla jusqu'à menacer ce prince des censures apostoliques. Non seulement Louis IX rendit. sa sentence; mais, donnant un premier exemple de cette piété élevée et ferme qu'il devait montrer durant tout le cours de son règne, il déclara, à cette occasion, qu'une excommunication prononcée injustement ne pouvait entraîner, de la part de celui qui en était l'objet, aucune réparation 2.

Ce qui donnait à cet incident une gravité particulière, c'est que quarante et un des plus grands seigneurs de France, s'associant à l'acte de fermeté du jeune souverain, adressèrent à Grégoire une lettre dans laquelle ils blâmaient ouvertement la conduite des évêques. «Bien que le roi, ses ancêtres

1. Varin, Arch. adm. de Reims, t. I, 2° part. p. 575, 576. Le Nain de Tillemont, Vie de S. Louis (éd. de la soc. de l'hist. de Fr.), t. II, p. 156 et ss; 255. Voy. ibid. p. 150-156, un différend analogue entre Louis IX et l'archevêque de Rouen dans les années 1232 et 1233.

2. Le Nain de Tillemont, ibid. p. 262 et ss. Voy. dans la Biblioth. de l'Éc. des Chartes, année 1870, p. 178-184, un article de M. P. Viollet. Cette querelle entre le roi et l'archevêque de Reims, commencée en 1235, ne se termina qu'au mois de septembre 1236, où le pape ordonna de lever l'interdit et manda à l'archevêque et à ses suffragants de céder au monarque autant que le permettraient l'honneur et l'intérêt de l'Église.

et les nôtres, disaient-ils, aient toujours respecté les droits de l'Église, en quoi nous prenons soin de les imiter, aujourd'hui les prélats, méconnaissant des obligations consacrées par l'usage, cherchent à s'attribuer, au détriment du roi et de ses sujets, ce qui ne leur appartient pas. L'archevêque de Reims et l'évêque de Beauvais dépendent, en ce qui touche leur temporel, de la justice du roi, dont ils sont les vassaux et les hommes-liges. Or, non contents de repousser sa juridiction pour eux-mêmes, ils veulent entrainer dans leur rébellion les autres prélats du royaume, et, contrairement à ce qui s'est pratiqué jusqu'ici, les empêcher de répondre aussi bien en la cour du roi qu'en celle de ses barons. Ce sont là de nouvelles prétentions auxquelles nous ne pouvons consentir, et nous vous prions de faire en sorte que les droits du royaume et les nôtres soient respectés comme ils l'ont été autrefois, car le roi et nous, sachez-le, sommes résolus à ne plus tolérer de pareilles entreprises 1. » Si l'on considère que, sous Philippe Auguste, onze seigneurs seulement avaient, dans une conjoncture analogue, fait cause commune avec le roi, et sans oser en écrire directement au pape, on juge combien s'était développé cet esprit d'opposition qui partout animait contre l'Église les pouvoirs séculiers.

Comme pour ajouter à toutes ces marques d'hostilité, à Rome le peuple ne cessait d'être en lutte avec Grégoire. Dans l'année où le pape avait publié une bulle si sévère contre les hérétiques, de nouveaux troubles l'avaient contraint de sortir de la ville. Il y était rentré au mois de mars 1233, en achetant << à prix d'or » l'obéissance des Romains 2. Mais, l'année suivante, le peuple recommençait à se soulever, et, à la fin de mai 1234, Grégoire, obligé de fuir encore, se retirait à Rieti. La révolte avait alors un caractère plus menaçant. Les Romains réclamaient, avec le droit de désigner eux-mêmes

1. Septembre 1235. L'original de cette lettre se trouve aux Archives nationales, à Paris, sous la cote J. 350.

2. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 187-191.

le sénateur, le privilège exclusif de battre monnaie et d'établir les impôts. Aux revendications politiques ils joignirent les revendications territoriales. Un membre de la famille des Savelli, qui remplissait alors les fonctions sénatoriales, prenant parti pour les rebelles, signifia par un édit que le Patrimoine, la Sabine, la Campanie et la Maritime étaient la propriété du peuple romain, et des milices furent envoyées pour occuper ces territoires. Là ne se bornèrent pas les prétentions des Romains. Ils voulurent supprimer les immunités du clergé, le soumettre désormais à la juridiction séculière, et exigèrent du pape l'engagement de ne frapper, dans aucun cas, les citoyens de Rome d'excommunication, ni la ville d'interdit 1. Jamais les Romains ne s'étaient portés à de telles hardiesses. Grégoire sentit toute la gravité du péril. « Les Romains ne prétendent pas seulement nous dépouiller de notre autorité temporelle, écrivait-il au mois de décembre 1234 à l'archevêque de Rouen; ils veulent renverser la liberté ecclésiastique et subjuguer le saint-siège. C'est l'Église tout entière qui se trouve menacée en notre personne, et, si cet attentat n'est pas réprimé, il est à craindre que d'autres, entraînés par cet exemple, ne s'élèvent à leur tour contre Dieu. et l'Église 2.

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Si inconstante que fùt l'humeur des Romains, ils paraissaient déterminés cette fois à poursuivre leurs entreprises. Grégoire, du lieu de sa retraite, avait lancé l'anathème contre le sénateur et les magistrats de la cité. Mais il comprenait qu'il lui fallait d'autres armes. Il trouva des secours d'un côté où il semblait qu'il aurait dù le moins les attendre. Frédéric, qui venait lui-même de comprimer en Sicile un soulèvement provoqué par l'application rigoureuse des constitutions de Melfi, se rendit à Rieti, accompagné de son fils Conrad, et offrit spontanément son assistance au pontife. Pour

1. Gregorovius, ibid. p. 192-198.

2. Raynald. anno 1234, no 7.

3. lbid. n° 1.

4. « Dictus imperator, ad presentiam nostram accedens, ad Ecclesiæ ro

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