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pontificale, et dans lequel il indiquait les procédés, les insinuations, les fraudes mêmes auxquelles ils devaient avoir recours pour confondre les ennemis de la foi et se donner le droit de les punir.

Tandis que l'autorité spirituelle du saint-siège déclinait ainsi de toutes parts, son pouvoir temporel au delà des Alpes faillit lui échapper de nouveau et cette fois sans retour. Les exactions et la dureté orgueilleuse des légats chargés, depuis les conquêtes d'Albornoz, de gouverner les provinces ecclésiastiques, avaient causé parmi les populations un mécontentement qu'augmentait encore leur qualité d'étrangers et qui n'attendait que l'occasion d'éclater'. Un acte de perfidie, dont on crut que le cardinal Noellet, légat de Bologne, était l'instigateur, la fit naître. Vers l'été de 1375, le condottiere Hawkwood ayant porté le ravage sur le territoire de Florence et tenté de surprendre la ville de Prato, sans que rien motivât de pareilles hostilités, on accusa le cardinal d'avoir concerté avec lui cette agression dans le dessein d'ouvrir la Toscane à la domination de l'Église. Cette accusation pouvait sembler d'autant plús fondée que, dans le même moment, un autre légat, l'abbé de Montmajeur, sorte de tyran qui commandait à Pérouse, cherchait à s'emparer de Sienne au moyen de complices qu'il s'y était ménagés. Les Florentins, dans leur ressentiment, ne se contentèrent pas de s'attaquer aux biens et aux personnes du clergé; ils rompirent toute alliance avec le saint-siège dont ils avaient été si longtemps les fidèles

l'office d'inquisiteur en Aragon et en Catalogne depuis 1358. S'étant rendu à Avignon, auprès de Grégoire XI, il fut élevé à la dignité de chapelain de sa maison. Voy. Quétif et Échard, Scriptor. ord. prædic., t. I, p. 709.

1. Gregorovius, Storia di Roma, t. VI, p. 530 et ss. Ces gouverneurs étaient presque tous provençaux; c'est à peine s'il y en avait un qui sût parler italien.

2. Dans son Hist. de Florence, t. V, p. 101, M. Perrens a disculpé le cardinal Noellet. Cf. une lettre du pape aux Florentins, d'avril 1375 (Raynald. eod. anno, no 14), dans laquelle il nie que le saint-siège ait voulu s'emparer de la Toscane. Mais, s'il y a quelque raison de croire que Hawkood ait agi de sa propre initiative, les machinations de l'abbé de Montmajeur sont du moins avérées.

auxiliaires. Ils firent plus; ils formèrent, avec les communes d'Arezzo, de Lucques, de Sienne, de Pise, une ligue dans laquelle ils réussirent à engager les Visconti, et, arborant des étendards sur lesquels était inscrit en gros caractères le mot LIBERTÉ1, ils appelèrent à la révolte tous les États de l'Église.

Cet appel ne tarda pas à être suivi d'effet. Civita di Castello, Montefiascone, Narni se soulevèrent d'abord, puis Pérouse, puis Bologne2. En quelques mois, l'insurrection gagna le duché de Spolète, la Marche d'Ancône, la Romagne, le Patrimoine, la Campanie. Jamais mouvement plus formidable ne s'était produit contre la domination pontificale. Rome et avec elle certaines villes de la Romagne, telles que Faenza et Césène, s'abstinrent seules alors de prendre part à cette insurrection. Deux fois les Florentins adressèrent des messages aux Romains, les pressant de s'associer à la cause commune. <«< Vous, leur disaient-ils, vous, dont les ancêtres ont renversé des rois et brisé le despotisme des décemvirs, souffrirezvous qu'au nom d'une papauté déshonorée des tyrans viennent s'abattre sur cette noble terre italienne comme sur une proie? Souvenez-vous de votre antique valeur, et aideznous à rendre à l'Italie la liberté!3» Jaloux du rôle que, dans cette circonstance, s'attribuaient les Florentins, prétendant pour eux-mêmes à une prépondérance qu'ils n'avaient su conquérir et attachés à l'idée d'attirer parmi eux le chef de l'Église dans le but intéressé de rendre à leur cité un lustre qu'elle n'avait plus, les Romains refusèrent leur concours. Si l'orgueil n'eût été chez eux plus fort que le sentiment de l'indépendance, c'en était fait peut-être de la puissance temporelle des papes en Italie.

1. « Factoque vexillo, in quo solum magnis litteris erat descripta LiBERTAS. » Baluze, Vitæ, t. I, p. 434.

2. Gregorovius, Storia di Roma, t. VI, p. 534-536. Civita di Castello, Montefiascone et Narni se soulevèrent en novembre 1375, Pérouse le 7 décembre, et Bologne le 19 mars 1376.

3. Voir dans Gregorovius, ibid., p. 536-539, deux lettres adressées par les Florentins aux Romains en janvier et février 1376, lettres extraites des archives de Florence.

A la nouvelle de ces événements, Grégoire, qui se trouvait encore à Avignon, lança, le 31 mars 1376, une des plus terribles sentences qui eussent jamais été fulminées par le saintsiège. Non content de mettre en interdit la ville et le diocèse de Florence et d'en excommunier tous les habitants, il voulut frapper les Florentins dans les diverses parties du continent où les conduisaient les intérêts de leur négoce. Il défendit, sous peine d'anathème, d'entretenir, pour quelque raison que ce fût, aucun rapport avec eux, de leur fournir même les choses nécessaires à la vie, déclara eux et leur postérité infâmes et incapables de tout office ecclésiastique ou civil, les priva de leurs privilèges, du recours à toute juridiction qui eût pu les protéger, et autorisa les princes et les fidèles non seulement à s'emparer de leurs biens, mais à se saisir de leurs personnes, les livrant comme serfs à tous ceux entre les mains desquels ils tomberaient 1. Dans le midi de la France, en Angleterre et sur d'autres points de l'Europe, la cupidité se fit la complice des rigueurs apostoliques. Un certain nombre de Florentins se virent atteints dans leur liberté ; un plus grand nombre le furent dans leurs richesses, et le commerce de Florence parut d'abord comme bouleversé 2. Grégoire n'arrêta pas là les effets de sa colère. Dans cette même sentence, il avait menacé les Florentins de les dompter par la force et de tirer d'eux une vengeance qui fût, écrivait-il, un exemple pour l'avenir 3. Déjà, sur l'appel du cardinal d'Ostie qui résidait à Faenza, et qui un moment avait craint que cette ville ne se révoltât à son tour, les bandes d'Hawkwood étaient accourues et y avaient commis les plus

1. « Et personas ipsorum omnium et singulorum, absque tamen morte seu membri mutilatione, exponimus fidelibus, ut capientium fiant servi, et bona eorum mobilia quibuscunque fidelibus occupanda. » Voir le texte de cette sentence dans Raynald. anno 1376, no 1−5.

2. Baluze, Vitæ, t. I, p. 435. Th. Walsingham, anno 1376, écrit à cette occasion : « Extunc Florentini devenerunt servi regis... cum omnibus bonis et catallis eorum ».

3. «Per omnem modum... proponimus ipsorum superbiam... domare sic, quod... pœnales eorum fletus cedant perpetuo ipsorum posteris ad terro

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horribles excès. Le pape s'apprêta, de son côté, à exécuter ses menaces. L'une de ces redoutables compagnies qui avaient servi en Castille sous Henri de Trastamare, la compagnie dite des Bretons, que commandait le farouche Jean de Malestroit, forte de six mille fantassins et de quatre mille chevaux, était alors retournée en France. Il la prit à sa solde, et, en donnant la conduite au cardinal Robert de Genève, l'envoya en Italie2.

Dans ces extrémités, auxquelles, au déshonneur de la religion, se laissait emporter le chef de l'Église, ce fut une femme, la pieuse Catherine de Sienne, retirée alors dans un couvent de cette ville, qui osa rappeler le pontife à ses devoirs. Par ses vertus miséricordieuses, elle s'était fait un renom qui avait pénétré jusqu'à la cour d'Avignon. Écrivant du fond de son monastère à Grégoire, elle lui représenta que la paix et la clémence étaient le seul moyen de ramener des esprits égarés. « J'admets, lui mandait-elle, que vous vous considériez comme obligé de récupérer les provinces que l'Église a perdues et qui font partie de son héritage. Mais combien plus n'avez-vous pas le devoir de ramener les brebis qui sont le vrai trésor de l'Église? Le Christ a versé son sang pour sauver les âmes, non pour acquérir des richesses séculières. Il vaut mieux perdre l'or des choses temporelles que l'or des spirituelles, et vous triompherez plus sûrement par les armes de la bonté que par celles de la guerre. Paix donc ! Paix au nom du Christ crucifié! » Dans une autre lettre, elle ajoutait que, si le ciel avait permis que l'Église fût dépouillée de ses domaines, c'était pour marquer sa volonté « de la voir revenir à son premier état, à l'état des siècles saints, où elle pensait uniquement à l'honneur de Dieu et au salut des âmes, et non à des biens temporels qui l'avaient entraînée dans le mal et l'avaient avilie3. » Sur les sollicitations

1. Murat. Annal. d'Ital. anno 1376.

2. Gregorovius, Storia di Roma, t. VI, p. 546, 547.

3. Lettres de sainte Catherine de Sienne, in-8°, Paris, 1694. Cf. Gebhart, Sainte Catherine de Sienne, Revue des Deux Mondes, 1 septembre 1889.

des Florentins que les intérêts de leur commerce en péril et la crainte des Bretons inclinaient vers des idées d'accommodement, elle consentit à se faire médiatrice entre eux et le saint-siège et se rendit à Avignon1. Elle y parla de nouveau pour la paix; mais l'inflexibilité du pontife et l'arrogance des députés florentins venus pous en débattre les conditions rendirent ses instances inutiles. Donnant alors à sa démarche un plus grand objet, elle parla pour la religion; elle demanda, en face des cardinaux étonnés, le rétablissement des mœurs austères dans l'Église, l'abolition de la simonie, le retour à la papauté évangélique, et, comme premier pas dans la voie des réformes, conjura Grégoire de ramener, sans plus tarder, le saint-siège à Rome.

Ce dernier vœu fut du moins écouté. A la vérité, des messages, venus d'au delà les Alpes, assuraient Grégoire que, par le scul fait de sa présence en Italie, les révoltes s'apaiseraient et que le saint-siège rentrerait dans ses possessions 2. Il savait également «qu'un grand scandale » se préparait contre l'Église. Les Romains avaient de nouveau envoyé des ambassadeurs le supplier de se rendre à Rome, l'avertissant que, s'il ne se hâtait d'y transférer la cour pontificale, ils étaient résolus à se pourvoir d'un autre pape 3. Il fut même informé par un de ses légats qu'ils avaient fait dans ce but une démarche auprès de l'abbé du Mont-Cassin. Ces considé rations, jointes aux instances de Catherine, triomphèrent des hésitations de Grégoire qui se décida à quitter Avignon. Comme Urbain, il lui fallut affronter les récriminations des cardinaux. Le roi de France, Charles V, députa vers lui l'un de ses frères, le duc d'Anjou, pour le détourner de son dessein3. Stimulé par les paroles ardentes de Catherine, il par

1. Vita B. Catharina Sennensis, ap. Bolland. April. t. III, c. XIII, n° 419.

2. Baluze, Vitæ, t. I, p. 437.

3. Ibid. p. 1194, 1195. Ces députés se rendirent à Avignon à la fin d'août 1376.

4. Ibid. p. 1195.

5. Froissart (éd. de Lyon, 1559), 1. II, c. 12. D'après ce chroniqueur, le

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