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cident venaient, dans Rome pacifiée et soumise, s'humilier devant le pontife, on eût pu croire que le saint-siège avait recouvré tout ensemble son prestige et son autorité. Mais ces hommages intéressés cachaient mal la faiblesse d'un pouvoir qui n'avait plus pour lui que la majesté des souvenirs. Les Romains eux-mêmes ne se montraient obéissants que parce qu'ils voulaient garder au milieu d'eux le chef de l'Église ou que peut-être ils craignaient les forces militaires qui protégeaient sa personne. Il y a plus; dans les provinces ecclésiastiques, que la mort d'Albornoz laissait sans frein pour les contenir, les populations remuaient de nouveau. Les habitants de Pérouse, mécontents des conditions que leur avait jadis imposées le cardinal, s'étaient soulevés contre le saint-siège, et le pape avait dû les frapper des foudres ecclésiastiques. A son tour, Bernabo, violant une seconde fois les traités, avait envahi la Toscane avec des compagnies de routiers qu'il avait prises à sa solde. Urbain sollicita inutilement contre lui les secours de l'empereur et du roi de Hongrie2; il parvint du moins à réunir dans une ligue Florence, Pise, Lucques et les autres villes de la Toscane3. Le spectacle de ces agitations sans cesse renaissantes, joint au souvenir qu'il avait conservé de l'insurrection de Viterbe, l'impuissance où il se voyait, malgré l'espoir dont il s'était flatté, de mettre par sa présence un terme à ces agitations, le dégoûtèrent de l'Italie, et sa pensée commença de se reporter vers la France.

Entretenu dans ces sentiments par les cardinaux qui, de leur côté, ne dissimulaient pas leur désir de revoir la France1, Urbain se décida à satisfaire à des voeux qui étaient aussi les siens, et, au mois de mai 1370, il annonça l'intention de retourner à Avignon. Le motif qu'il allégua était qu'il voulait travailler de plus près à la réconciliation des rois de France et d'Angleterre entre lesquels la guerre venait de se rallumer3.

1. Août 1369. Gregorovius, Storia di Roma, t. VI, p. 511-513.

2. Raynald. anno 1370, no 14.

3. Mars 1370. Theiner, Cod. dipl. dom. temp. t. II, p. 470, 471. 4. Petrarch. Rer. senil. 1. XIII, ep. 13.

5. Baluze, Vitæ, t. I, p. 391.

Il se trouvait alors à Montefiascone. Étonnés d'une nouvelle aussi inattendue, les Romains envoyèrent le supplier de renoncer à sa détermination. Il répondit que, « s'il n'était pas avec eux de personne, il ne laisserait pas d'y être de cœur.1» Un frère mineur, appartenant à la maison royale d'Aragon et qui craignait sans doute les suites de l'émotion que l'annonce de ce départ avait causée dans Rome, essaya également de le détourner de sa résolution, lui disant que son éloignement pourrait donner lieu à un schisme; prévision dont les événements ne devaient que trop plus tard démontrer la justesse2. Une démarche plus pressante fut encore tentée auprès de lui. Une femme de race noble et d'une foi exaltée, qui, dans des Révélations laissées par elle ou du moins consacrées sous son nom, a tracé un lamentable tableau des mœurs du clergé à cette époque 3, Brigitte de Suède, était depuis peu venue à Rome des régions de la Scandinavie. Elle crut connaître, par une inspiration du ciel, que Dieu condamnait la résolution d'Urbain, et elle avertit le pontife que, s'il regagnait Avignon, il ne tarderait pas à y mourir. Mais Urbain se montra aussi ferme dans son dessein de retourner en France qu'il l'avait été dans celui de venir en Italie. Il s'embarqua, le 5 septembre, à Corneto, accompagné de ses cardinaux, abordait le 16 à Marseille et de là se rendait à Avignon, où la mort l'attendait en effet. Il y expirait trois mois après, le 19 décembre 1370.

1. « Si non sum vobiscum personaliter, tamen ero cordialiter. » Baluze, Vitæ. t. II, p. 774.

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4. Baluze, Vitæ, t. I, p. 412, 414. — Raynald. anno 1370, no 20.

V

GRÉGOIRE XI.
1370-1378.

Ceux d'entre les contemporains qui, affligés des maux de l'Église et n'en discernant pas les véritables causes, croyaient son salut attaché au retour du saint-siège à Rome, n'avaient pas vu sans alarmes Urbain reprendre le chemin d'Avignon. « Il a déserté sa noble tâche, s'écriait Pétrarque, pour prouver qu'il est difficile, non de commencer une grande œuvre, mais d'y persévérer. Si le Christ ne se lève pas pour sa propre défense, c'en est fait ! » Urbain lui-même avait, au moment de mourir, exprimé le regret de n'être pas resté fidèle à la mission qu'il s'était imposée 2. La promptitude avec laquelle les membres du sacré collège désignèrent son successeur semblait montrer que, de leur côté, ils n'étaient pas sans concevoir quelques appréhensions. Réunis en conclave dix jours après la mort de ce pape, ils ne demeurèrent qu'une nuit à délibérer, et, le 30 décembre 1370, le cardinal de Beaufort, Pierre Roger, neveu de Clément VI, était élu sous le nom de Grégoire XI3. Peut-être voulurent-ils, par ce choix

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précipité, prévenir des tentatives de schisme dont le danger avait été signalé à Urbain et qui auraient pu naître à Rome d'une vacance trop prolongée. Uue considération particulière. put aussi, dans leur esprit, s'ajouter à celle-là. Bien que le nouveau pontife ne fût âgé que d'une quarantaine d'années, une santé languissante qu'il traînait depuis l'enfance paraissait le destiner à une fin prochaine, et il n'était guère à supposer que, dans ces conditions, il voulût affronter les troubles de l'Italie, alors surtout que la France, commençant à respirer sous le règne réparateur de Charles V, lui offrait une sécurité que n'avaient pas connue ses derniers prédécesseurs.

Avec Grégoire, la papauté allait entrer plus avant dans cette voie de décadence d'où le défunt pontife avait, en quelque manière, essayé de la détourner. Ce n'est pas qu'au dire de ses biographes il manquât de savoir, ni de piété2. Mais il ne parut pas comprendre la gravité des circonstances dans lesquelles il était appelé à diriger l'Église. L'une de ses premières mesures fut de créer douze cardinaux dont neuf étaient français. Quand tant d'efforts venaient d'être faits pour retenir le saint-siège en Italie, c'était imprudemment resserrer ses liens avec la France. Peu de mois après, les Romains, tout mécontents qu'ils étaient du départ de la cour pontificale, envoyèrent offrir à Grégoire la dignité sénatoriale1. Nul doute que ce ne fùt avec la pensée de l'attirer à Rome; mais tout indique qu'il ne voulut prendre à ce sujet aucune détermi

1. Baluze, Vitæ, t. I, p. 441, 479.

2. Ibid. p. 425, 426, 479.

3. 6 juin 1371. Baluze, ibid., p. 427, 428. Des trois autres cardinaux, l'un était romain, un autre espagnol et le troisième le trop célèbre Robert de Genève. Il est vrai qu'Urbain avait lui-même fait huit cardinaux, dont six étaient français; mais c'était le 22 septembre 1368, quand déjà peut-être il songeait à retourner en France. Ce même pape, en juin 1370, avait créé encore deux cardinaux dont l'un était français et l'autre italien. Voy. Ciacon. Vitæ. pontif. et cardin.

4. Il convient de noter qu'ils firent alors les mêmes réserves qu'ils avaient faites sous Clément VI, et qu'ils déférèrent cette dignité, non au pape, mais au seigneur Pierre de Beaufort. Voir une lettre de Grégoire du 19 décembre 1371, dans Theiner, Cod. dipl. dom. temp. t. II, no 531.

nation1. On eût pu du moins s'attendre qu'à l'imitation d'Urbain il se fût proposé de signaler son avénement par quelques décrets de réformes. Soit qu'il en reconnût d'avance l'inefficacité, soit qu'il ne se sentît pas l'énergie nécessaire pour en imposer l'exécution, il ne fit guère, dans tout le cours de son pontificat, que publier une encyclique où il rappelait au devoir de la résidence les prélats absents de leurs diocèses2. Au reste, il était lui-même, à certains égards, un exemple des abus qu'il eût dû réprimer. Nommé cardinal par Clément VI à l'âge de dix-huit ans, il était, lors de son élévation au saint-siège, chanoine des églises de Paris et de Narbonne, doyen de celle de Bayeux, archidiacre de celles de Rouen, de Sens et de Bourges, chanoine et archidiacre. de Sulli en l'église d'Orléans, prévôt de Saint-Sauveur de Maëstricht et archidiacre de Cantorbéry. Comme lui, les autres cardinaux possédaient de riches et nombreux bénéfices, dont ils prétendaient avoir besoin pour soutenir leur dignité. C'était ainsi que la cour d'Avignon, qui, dans ses constitutions, s'élevait contre le cumul des bénéfices et exigeait la résidence, entendait pour elle-même l'application de ses décrets.

Par cet abandon de toute idée de réforme, Grégoire ne pouvait que diminuer encore la papauté dans l'esprit de ceux que touchaient les intérêts de la religion. Croyant qu'il importait de justifier, aux yeux de la catholicité, les raisons qu'avait données le dernier pape de son retour à Avignon, il chercha d'abord à ramener la paix entre Charles V et le roi d'Angleterre. C'était cette fois le roi de France qui avait rouvert les hostilités. Grégoire, presque aussitôt après son avénement, avait député des cardinaux vers l'un et l'autre sou

1. La seule indication qu'on ait sur ce point résulte d'une lettre d'octobre 1374 adressée par Grégoire à l'empereur et où il disait que, dès son élévation au pontificat, il avait eu la pensée de « visiter » Rome. Raynald. anno 1374, no 23.

2. Voir, à ce sujet, une bulle du 29 mars 1375, dans Raynald. eod. anno, n° 23.

3. Baluze, Vitæ, t. I, p. 425, 1061.

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