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ment elle arrêta, avec les luttes des partis, les entreprises de Bernabo, sans amener néanmoins sa soumission à l'Église. Innocent, qui lui avait de nouveau proposé la paix', le frappa encore une fois d'anathème. Mais il ne devait pas voir l'issue de la guerre engagée contre le tyran milanais. Tant de désastreux événements dont il avait été témoin et les épreuves qu'il avait subies, jointes au poids de l'âge et des infirmités, avaient hâté sa fin, et il expira le 12 septembre 1362, pouvant se flatter, il est vrai, d'avoir restitué au saint-siège ses domaines temporels en Italie, mais laissant la papauté, malgré ses victoires, plus affaiblie, plus abaissée et plus humiliée que jamais.

1. Mars-mai 1361. Martene. Thes. anecd. t. II, p. 909, 926, 978.

2. Raynald. anno 1362, no 1. Par des lettres du mois de décembre 1361, le pape, croyant ne pouvoir réduire Bernabo, autorisait même le cardinal Albornoz à offrir le vicariat de Bologne, pour un temps déterminé, soit à l'empereur, soit à Rodolphe, duc d'Autriche, soit au roi de Hongrie, soit à tout autre prince en état de lui résister. Martene, ibid., p. 1070-1072.

IV

URBAIN V.

1362-1370.

A la mort d'Innocent VI, le sacré collège se composait de vingt et un membres, dont huit avaient été nommés par ce pontife après la disparition du fléau qui avait dépeuplé Avignon1. Dans la situation difficile où était alors le saint-siège, la succession d'Innocent ne parut pas sans doute assez désirable aux cardinaux pour qu'ils voulussent se la disputer, et, pour la première fois peut-être, il y eut parmi eux trève aux compétitions. Le cardinal Albornoz, sur lequel se portèrent tout d'abord les vues d'un certain nombre de ses collègues et qui avait été mandé à la cour d'Avignon, déclina l'offre qu'on lui faisait et resta en Italie. Un autre cardinal, Hugues Roger, frère de Clément Vl, qui, dans un premier scrutin, avait obtenu plus des deux tiers des voix, refusa de même le pontificat. Après plusieurs autres scrutins demeurés sans résultat et qui faillirent à la fin amener quelque orage, les cardinaux se décidèrent à choisir le futur pape hors du sacré collège, et les suffrages se réunirent sur Guillaume

1. Baluze, Vitæ, t. I, p. 341.

Grimoard, abbé de Saint-Victor de Marseille 1. Ce religieux se trouvait en ce moment en Italie, où il avait été envoyé par Innocent vers la reine Jeanne de Naples, qui venait de perdre son second mari, Louis de Tarente. A la nouvelle de son élection, il se hâta de regagner la France et, le 30 octobre 1362, entrait à Avignon2. Sacré évêque et couronné pape quelques jours après, il adopta le nom d'Urbain V. Par la régularité de ses mœurs, sa piété, par l'intégrité et la fermeté de son caractère, il s'était acquis non seulement en France, mais en Italie où il avait rempli plusieurs légations, un renom mérité. Il fut, après Benoît XII, le meilleur des papes d'Avignon, et l'on peut dire de son pontificat, comme de celui de Benoît, qu'il n'eût pas été sans bienfait, si le saint-siège eût été encore en état d'exercer une réelle influence. «< Ne croyez pas, lui écrivait Pétrarque quatre ans plus tard, ne croyez pas qu'aucun des cardinaux ait jamais eu l'intention ou même l'idée de vous choisir. C'est Dieu qui vous a élu en mettant votre nom dans leur bouche. Il a eu pitié de son Église; il a voulu finir l'exil qu'elle a trop longtemps souffert par la faute des hommes et la reconduire à son antique et véritable demeure. »

Ramener la papauté à Rome était en effet un dessein arrêté du nouveau pontife. Avant d'être élu et quand le bruit de la mort d'Innocent commençait à se répandre, il avait dit publiquement à Florence que, s'il apprenait que le successeur d'Innocent fût déterminé à quitter Avignon pour venir séjourner en Italie, il mourrait satisfait le lendemain. Six mois après son avénement, les Romains ayant envoyé lui demander, comme ils l'avaient fait vainement à ses prédécesseurs, de transférer le saint-siège en leur ville, il répondit que c'était

1. Christophe, Hist. de la papauté au XIV siècle, t. II, p. 333-335. 2. M. Villani, 1. XI, c. 26.

3. 6 novembre 1362. Baluze, ibid., t. I, p. 363.

4. Petrarch. Rer. senil. 1. VII, ep. 4. Un biographe d'Urbain disait de même : « modus suæ.. electionis magis a Deo quam ab homine videtur processisse.» Baluze, Vitæ, t. I, p. 363.

5. M. Villani, loc. cit.

son vœu le plus cher et que, Dieu aidant, il saurait l'accomplir. Une telle résolution n'était pas alors sans courage. Il avait vu de près les troubles de la péninsule; il n'ignorait pas à quelles insultes y étaient parfois exposés les ministres de l'Église, et lui-même, ayant été chargé par Innocent d'un message pour Bernabo Visconti, avait eu à souffrir de ses violences 2. Il savait aussi que les compagnies, qui à ce moment couraient l'Italie comme elles couraient la France, s'étaient avancées dans l'État ecclésiastique jusqu'aux portes de Rome3. Il savait enfin que Rome même, où il voulait aller, tout en paraissant avoir accepté, depuis les victoires d'Albornoz, l'autorité du saint-siège, avait été récemment le théâtre de nouvelles insurrections populaires, à la suite desquelles les nobles avaient été chassés et le pouvoir sénatorial diminué, sinon aboli. Ces considérations n'ébranlèrent pas sa résolution. Il jugeait sans doute que la présence du chef de l'Église était nécessaire pour affermir dans le devoir les populations indociles dont Albornoz avait forcé l'obéissance. Mais une pensée plus haute animait son courage. Il lui semblait que la papauté s'était amoindrie dans son caractère spirituel en s'éloignant du tombeau des Apôtres, et il croyait qu'en retournant au lieu qui avait été son berceau, elle retrouverait son prestige. « J'irai en Italie et à Rome, disait-il, ne fût-ce que pour raviver la religion des fidèles 5. »

Le pieux pontife s'abusait. La papauté était déjà trop déchue, pour que le retour du saint-siège à Rome pût contribuer à la relever. Il se fit une autre illusion. Au mois de

1. Lettre du pape aux Romains, 23 mai 1363. Theiner, Cod. dipl. dom. temp. t. II, p. 420. Cf. Baluze, Vitæ, t. I, p. 370.

2, Hist. littér. t. XXIV, p. 22, 23.

3. Gregorovius, Storia di Roma, t. VI, p. 473. Cf. Raynald. anno 1366, n⚫ 20.

4. Gigli, ap. Vital, Storia diplom. de'senatori di Roma, t. I, p. 289 et ss. Cf. Gregorovius, ibid. p. 468, 469.

5. Pétrarque, dans la lettre mentionnée ci-dessus, écrivait à Urbain : << Dixisti inter multa quod, nisi esset alia causa Romam atque Italiam petendi nisi ut devotionem fidelium excitares, abunde quidem hæc sola sufficeret. >>

mars 1363, le roi de Chypre, Pierre de Lusignan, arrivait à Avignon avec la pensée de déterminer les princes de l'Occident à une guerre contre les Turcs. Il y trouva le roi Jean, qui était venu depuis peu à la cour pontificale dans l'intention de négocier un mariage entre son plus jeune fils, Philippe, duc de Touraine, et la reine de Naples. Le pape entra avec zèle dans le dessein du roi de Chypre et prêcha lui-même la croisade. Entraîné par son humeur aventureuse et sans mesurer les nouveaux périls où il pouvait jeter son royaume, Jean prit la croix et Urbain le nomma chef de l'expédition 3. Une levée de décimes fut ordonnée sur le revenu des églises, et les évêques reçurent l'injonction de prêcher la croisade en leurs diocèses. De peur qu'on ne voulût circonvenir le roi de France et le dissuader de cette entreprise, le pontife manda à l'archevêque de Reims de frapper des peines ecclésiastiques quiconque chercherait à détourner le monarque du voyage outre-mer. En même temps, il écrivit aux Génois, aux Vénitiens, au roi de Hongrie, au roi d'Angleterre, à l'empereur sur le concours duquel il comptait plus particulièrement et dont l'exemple, disait-il, entraînerait tous les princes. De son côté, le roi de Chypre parcourut la France, l'Angleterre, puis l'Allemagne, la Pologne, la Hongrie, s'efforçant partout d'animer les esprits à la guerre de Terre sainte. Mais ni princes, ni souverains ne se montrèrent disposés à le seconder. Jean

1. Baluze, Vitæ, t. I, p. 401.

2. M. Villani, 1, XI, c. 32. Cf. Raynald. anno 1362, n° 10. Jean était venu à Avignon le 20 novembre 1362. Il ne réussit pas d'ailleurs dans son projet de mariage, et Jeanne de Naples épousa Jacques, fils du roi de Majorque, malgré les démarches faites par le pape en faveur du duc de Touraine. Voy. Maurice Prou, Relations politiques du pape Urbain V avec les rois de France, p. 11, 12, Biblioth. de l'Ec. des hautes études, 1888.

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Raynald. anno 1363, n° 15. Jean fit serment de par

tir au mois de mars 1365.

4. Raynald, anno 1363, n• 16-18. Cf. Maurice Prou, ibid., p. 24-28. 5. Raynald. Ibid. no 20-23.

6. Froissart, éd. Luce, t. VI, p. 84 et ss. Raynald. anno 1363, n. 24; 1366, no 15 (in fine). Froissart a placé à tort le voyage du roi de Chypre en Allemagne avant celui qu'il fit en France et en Angleterre. On sait que ce prince, retourné en 1365 dans l'ile de Chypre, en partit ensuite, n'ayant

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