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ces procureurs se virent arrêtés sur l'ordre d'Édouard III et chassés du royaume. Invité par une lettre du pape à faire réparation de cette offense 1, le roi, au lieu de lui donner satisfaction, répondit par des plaintes. Il se plaignit que, par l'effet de ces provisions et d'autres de même sorte, les bénéfices de ses États fussent conférés à des ecclésiastiques qui, n'étant pas originaires du royaume, se dispensaient de la résidence et cherchaient uniquement, « comme des mercenaires, » le profit temporel des grâces dont ils étaient l'objet. « Les richesses de nos États, ajoutait-il, passent ainsi à des étrangers, pour ne pas dire à nos ennemis; de là, pour notre couronne, un préjudice auquel notre parlement nous a prié récemment et tout d'une voix de porter remède. » Il terminait en demandant instamment au pontife, non seulement de s'abstenir désormais de ces collations abusives, mais de surseoir aux réserves des prélatures et de laisser aux chapitres, selon les anciennes coutumes, la liberté des élections 2. Ces réclamations ne furent pas écoutées, et, l'année suivante, comme le roi les réitérait à propos de la nomination à l'évêché de Norwick dont Clément s'était réservé la disposition: « Vous semblez faire entendre, lui écrivit le pape, qu'il est permis à votre parlement d'ordonner quelque chose touchant les réserves et les provisions des églises, et de restreindre ainsi la puissance du saint-siège. Vos conseillers n'ignorent pas les peines canoniques auxquelles s'exposent ceux qui violent la liberté ecclésiastique. Nous avons appris qu'on a adressé sur divers points de votre royaume des édits et des lettres qui contreviennent à cette liberté et à notre autorité apostolique 3. Nous vous exhortons à révoquer ces mesures. Considérez que le Seigneur lui-même a donné à l'Église romaine la primauté sur toutes les églises du monde; que c'est

1. Lettre du pape à Édouard III, 28 août 1343.

2. 26 septembre 1343. Th. Walsingham, anno 1343. Le chroniqueur, en reproduisant cette lettre, la qualifie de « famosam epistolam pro libertate ecclesiæ anglicanæ. »

3. Voy. Rymer, Fœdera (6 et 30 juillet 1343), t. II, pars 2, p. 1222, 1230.

d'elle que les églises patriarcales, métropolitaines et épiscopales, avec les dignités qui y sont attachées, ont reçu leur institution, et que dès lors il appartient au pape de disposer des prélatures et des bénéfices de toute la chrétienté 1. »

Pour parler plus haut que son prédécesseur, Clément ne réussit pas à rendre à la chaire apostolique l'ascendant qu'elle avait perdu. Malgré les engagements pris envers Benoît, les seigneurs de la Haute Italie n'avaient pas laissé de continuer leurs guerres. Se prévalant tout ensemble de ses prérogatives de chef de l'Église et de son prétendu droit d'administrer l'Empire «< vacant, » Clément, dès les premiers temps de son pontificat, avait envoyé deux cardinaux, l'un en Lombardie et l'autre en Toscane, pour tenter de nouveau d'arrêter ces luttes perpétuelles. Ils ne purent que constater leur impuissance à s'acquitter de l'oeuvre d'apaisement qui leur était confiée 3. Là, il est vrai, n'était pas l'objet le plus important de leur mission. A l'exemple de Jean XXII, Clément avait formé le dessein de rétablir dans la péninsule l'influence politique du saint-siège en abaissant les Gibelins, et il craignait alors que Louis de Bavière, devenu maître du Tyrol par le mariage de son fils avec la duchesse de Carinthie, ne voulût renouveler, de ce côté, une descente en Italie. Conformément aux instructions du pape, les légats, sous apparence de préparer la paix, parvinrent à réunir les seigneurs de la Lombardie et de la Toscane, tant guelfes que gibelins, dans une ligue contre l'empereur, et mirent ainsi obstacle à une entreprise que redoutait Clément. Mais cette ligue profita moins aux intérêts de la cour pontificale qu'à l'indépendance des petits tyrans qui dominaient sur ces provinces

1. « Ad romanum pontificem omnium ecclesiarum, digníṭatum, personatuum, officiorum et beneficiorum ecclesiasticorum plenaria dispositio noscitur pertinere. » 11 juillet 1344. Raynald. eod. anno, no 55-58.

2. Juillet 1342. Raynald. eod anno, no 16-18.

3. Les cardinaux ne réussirent qu'à imposer quelques trèves, qui furent violées presque aussitôt que jurées. Raynald. anno 1342, no 18 (in fine); Cf. anno 1344, no 15.

4. Raynald, anno 1342, no 16, 17, 22.

et qui cherchaient, comme jadis Mathieu Visconti, à s'affranchir tout à la fois de l'Empire et de l'Église. Par une rencontre fâcheuse pour ses projets, le pape perdait, dans ce même moment, un précieux allié. Le roi de Naples, Robert, était venu à mourir, laissant pour héritière de ses États sa petite-fille Jeanne, encore adolescente et mariée à un prince aussi jeune qu'elle, André, frère de Louis, roi de Hongrie 2. Sous ce faible gouvernement, des troubles, prélude de plus graves désordres, ne tardèrent pas à se produire, et dès lors commença de décliner un royaume qui, depuis la translation du saint-siège en France, avait été son plus solide appui au delà des Alpes.

Le pape ne fut guère plus heureux en voulant intervenir dans la funeste querelle qui divisait la France et l'Angle terre. A peine élevé sur le saint-siège, il avait nommé dix cardinaux, dont neuf étaient Français 3. C'était indiquer de quel côté penchaient ses préférences. Plus dévoué encore que Benoît aux intérêts de Philippe de Valois, auprès duquel il avait rempli l'office de chancelier, on disait qu'il ne faisait qu'un avec le roi de France. Quelques mois après son avénement, il avait envoyé un légat en Flandre, avec ordre de mettre les villes en interdit et d'en excommunier les habitants, s'ils ne revenaient à l'obéissance de leur suzerain 5. Ni la présence du légat, ni les censures dont il était porteur ne purent ramener les Flamands. En même temps qu'il faisait en Flandre cette inutile tentative, Clément dépêchait vers les rois de France et d'Angleterre deux cardinaux, auxquels il donnait pleins pouvoirs pour imposer un armistice et frapper des peines ecclésiastiques quiconque refuserait de s'y sou

1. 19 janvier 1343.

2. Charobert, roi de Hongrie, qui mourut le 16 juillet 1342, avait laissé trois fils, dont Louis, qui lui succéda, et André. Jeanne, était fille de Charles, duc de Calabre, mort le 10 novembre 1328.

3. 20 septembre 1342. Le dixième était un italien depuis longtemps établi en France. Baluze, Vitæ, t. I, p. 244, 245, 844.

4. « Cujus et regis Franciæ unum cor erat. » Albert. Argent. Chron. p. 131. 5. Juin et octobre 1342. Raynald. eod. anno, no 13, 14.

mettre. Ces menaces, qui en apparence visaient les deux souverains, étaient en réalité dirigées contre Édouard. Cédant moins aux injonctions du saint-siège qu'aux conseils de la prudence, le roi d'Angleterre, que pressait alors en Bretagne une armée française, consentit à une trève de trois ans, qui fut conclue à Malestroit le 19 janvier 1343 2. Il accepta, il est vrai, que, durant cet intervalle, des négociations fussent ouvertes à la cour pontificale en vue d'un accord définitif, et, au mois de septembre, l'un et l'autre roi envoyèrent à cet effet des ambassadeurs à Avignon. Encore Édouard exigea-t-il que le pape intervînt dans ces négociations, non comme arbitre «< et pour donner sentence », mais « comme personne privée et à titre d'ami commun des deux souverains 3. » Clément se vit contraint, comme autrefois Boniface VIII, de souscrire à une condition offensante pour le saint-siège. Malgré ses efforts, il ne put amener Édouard à la paix, et il dut se contenter de cette trève, dont il ne réussit pas même à maintenir la complète exécution 4.

A la faveur de cette trève, Clément crut du moins pouvoir réaliser une des pensées les plus chères de Benoît. Soit qu'il voulût ne pas paraître abandonner les desseins de son pieux prédécesseur, soit plutôt qu'il espérât apporter quelque obstacle au retour des hostilités de la part de l'Angleterre, il reprit le projet d'une croisade contre les Infidèles. Au mois de septembre 1343, il enjoignit à tous les évêques de la catholicité de prêcher la guerre sainte et prescrivit à ce sujet la levée d'une décime pendant trois ans sur les biens des églises. Mais la situation de la catholicité n'était pas alors plus favorable à une croisade qu'elle ne l'était sous le précé

1. Raynald. ibid. no 9-12 (juin 1342). 2. Baluze, Vitæ, t. I, p. 283, 284. Froissart, éd. Luce, t. III, p. 33-35. 3. « Non ut judice sed ut privata persona et amico communi, non in forma nec in figura judicii. » Th. Walsingham, anno 1343.

4. Baluze, loc. cit. Cf. Raynald. anno 1343, no 26: 1344, no 61.

5. Raynald. anno 1313, no 2-4, 11. Le pape excepta de cette décime la France et l'Angleterre; il en excepta aussi l'Espagne en considération de la guerre contre les Maures.

dent pontificat. Seuls les Vénitiens, qui craignaient pour leurs intérêts commerciaux en Orient, semblèrent disposés à seconder les vœux du pontife. De concert avec les Hospitaliers de Saint-Jean, établis dans l'île de Rhodes 1, et le roi de Chypre, ils organisèrent une expédition, dont l'unique résultat fut la prise de Smyrne2. Encore cette ville ne devait-elle rester que peu de temps aux mains des Chrétiens. Une correspondance échangée, au début de cette expédition, entre le pape et le jeune fils d'Andronic, Jean Paléologue, qui régnait à Constantinople, montra une fois de plus par quelles vues inconsidérées se guidait la cour pontificale dans ses rapports avec les Grecs. Ce prince ou plutôt ses conseillers ayant, à l'exemple d'Andronic, manifesté l'intention de s'unir à l'Église romaine dans l'espoir d'obtenir des secours contre les Turcs, Clément répondit par une lettre où, passant sous silence les questions de dogme, il disait : « Nous sommes sensiblement affligé des maux que vous font les Infidèles; mais commencez par rejeter le schisme; reconnaissez avec nous qu'il n'y a qu'un seul troupeau et un seul pasteur, qu'il n'y a qu'une seule Église catholique et apostolique fondée par Jésus-Christ et confiée par lui à l'apôtre Pierre, auquel nous avons succédé, et alors soyez sûrs que nous vous défendrons non seulement contre les Turcs, mais contre les Tartares et tous vos autres ennemis. » Des lettres analogues, dans lesquelles Clément insistait également sur la primauté du saint-siège, furent adressées aux prélats et aux grands de Constantinople 3. A supposer qu'il eût pu en effet défendre les Grecs, il commettait la faute, comme Benoît, de ne vouloir les secourir qu'après leur abjuration; mais, tandis que Benoît avait surtout en vue l'unité de foi, Clément cherchait à imposer le pouvoir plutôt que la doctrine.

1. Voir une lettre du pape (août 1343) aux Hospitaliers de Saint-Jean, montrant combien cet ordre lui-même, affecté spécialement à la protection de la Terre sainte, était alors dégénéré. Raynald. anno 1343, no 5.

2. Raynald. anno 1344, no 6. Smyrne fut prise par les chrétiens le 28 octobre 1344.

3. Octobre 1343. Raynald. eod. anno, n° 12-18.

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