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ce moyen, tout en sauvegardant ce qu'il croyait être les droits de l'Église romaine, il se flattait de rendre quelque paix à ces malheureuses contrées. Les contemporains auraient dù lui tenir compte de ses vertus; certains l'honorèrent, il est vrai, mais d'autres l'outragèrent. Les Italiens, mécontents de le voir bâtir le palais d'Avignon, le raillèrent d'une corpulence qui le portait aux fréquentes libations et inventèrent pour lui le proverbe Boire pontificalement. Ses timides essais de réformes lui firent même des ennemis dans l'Église3. Un dominicain milanais, le comparant à Jean XXII, n'a pas craint de tracer cet insolent parallèle: « Jean, petit et sec, était sobre dans sa manière de vivre; Benoit, haut de stature et d'une grosseur qui le rendait presque difforme, était un grand mangeur et un buveur d'élite. Tandis que le premier s'était plu à répandre des grâces, nous avons vu son successeur retenir jusqu'à trois cent trente bénéfices mitrés, vrai destructeur plutôt que pasteur des églises. Enfin Jean expédiait promptement les affaires; Benoit n'en a jamais terminé aucune, et l'on peut dire que ce qu'il a fait de mieux, c'est de

mourir. >>

1. Cette vente » des vicariats d'Italie fut toutefois mal vue de plus d'un contemporain, comme le prouve cette réflexion de G. Villani, 1. XI, c. 101 : « O Chiesa, pecuniosa e vendereccia, come i tuo pastori t'hanno sviata dal tuo buono e umile povero stato e cominciamento di Christo! >> 2. Baluze, Vitæ, t. I, p. 241. Hist. littér. 1. XXIV, p. 17.

3. Un de ses derniers actes fut une lettre sévère adressée en janvier 1342 à l'archevêque de Séville et à ses suffragants sur le scandale qu'eux et leur clergé donnaient par leurs mœurs dissolues. Raynald. anno 1342, no 1, 2. 4. « De quo dici potest quod nunquam aliquid rectius egit quam mori.» Gualv. Flamm., Murat. rer. ital., t. XII, p. 1009. Cf. ibid. p. 1045.

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Onze jours après la mort de Benoît, le 7 mai 1342, le sacré collège élisait tout d'une voix le cardinal Pierre Roger, qui prit le nom de Clément VI. Cette élection n'avait sans doute été si prompte que parce qu'elle avait été concertée. Les cardinaux, fatigués du gouvernement austère et économe de Benoît, avaient lieu d'espérer du pape qu'ils avaient choisi une administration plus conforme à leurs goûts. D'une famille. noble du Limousin, généreux, prodigue, plus ferme de caractère qu'arrêté dans sa piété et peu sévère dans ses mœurs, le nouveau pontife était avant tout un grand seigneur. Il en avait les qualités; il en avait aussi les défauts. Il aimait les riches cortèges, les chevaux harnachés avec luxe, les tables somptueusement servies 2. Son couronnement fut célébré 3 avec un faste qu'on n'avait pas vu depuis Clément V. Dans la cavalcade traditionnelle qui suivit cette cérémonie, et à laquelle prirent part Jean, fils aîné du roi de France, les ducs

1. Christophe, Hist. de la papauté au XIV° siècle, t. II, p. 83.
2. Voir le portrait tracé par Matt. Villani, 1. III, c. 43.
3. 19 mai 1342.

de Bourbon et de Bourgogne, Humbert, dauphin du Viennois, qui devait donner ses États à la France, et une foule de barons, il éblouit tous les yeux par la richesse et l'éclat de sa tiare que surmontait un diamant semblable à une flamme 1. Avec lui la cour d'Avignon reçut un nouvel aspect. Le luxe, la magnificence y remplacèrent la simplicité qu'avait gardée Benoît. Il donna des fêtes auxquelles les dames furent admises longtemps avant qu'elles vinssent briller à la cour de France. Avignon lui dut l'agrandissement et les peintures de son palais pontifical et le commencement de sa belle ceinture de remparts. Il fut, à certains égards, un précurseur de ces papes du quinzième siècle qui préparèrent la Renaissance. Éloquent, lettré3, il aimait à invoquer les souvenirs de l'antiquité païenne, et, à propos des solliciteurs qui se présentaient à lui, répétait souvent ce mot emprunté à un empereur romain: «Personne ne doit se retirer mécontent de la présence du prince *. >>

Aimant à ce point les plaisirs et la magnificence, le successeur de Benoit devait être peu désireux de quitter Avignon pour aller en Italie affronter le trouble des partis. La question du retour à Rome se posa toutefois au début de son pontificat, comme elle s'était posée au commencement de celui de Benoît. Aussitôt que fut connue au delà des Alpes l'élection de Clément VI, les Romains lui envoyèrent une ambassade pour lui offrir la dignité sénatoriale, qu'ils déféraient, disaient-ils, << non au pape, mais au seigneur Roger, » et le prier de ramener le saint-siège à Rome. Cette ambassade, plus solennelle que celle qui avait été adressée à son prédécesseur, se composait de dix-huit députés pris dans la noblesse, la haute bourgeoisie et le menu peuple, et parmi

1. Baluze, Vitæ, t. I, p. 283.

2. Hist. littér. t. XXIV, p. 20.

3. Hist. rom. fragm. 1. I, c. 12, ap. Murat. antiq. t. III.

4. « Cæsarianum illud memorabile coram semper habebat, quempiam non decere videlicet de præsentia principis non contentum abire. » Baluze, ibid., p. 282.

LA COUR DE ROME.

T. II.

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lesquels se trouvait Pétrarque, qui devait à son renom littéraire d'avoir obtenu récemment le titre de citoyen romain'. Le poète prononça une harangue en vers latins, où, pour persuader au pape de venir à Rome, il employait à peu près les mêmes images dont il s'était servi dans son épître à Benoît 2. Clément fit attendre sa réponse deux mois. Il accepta, sous la réserve de ses droits comme pontife, la dignité sénatoriale, dont, suivant l'usage, il délégua l'exercice; mais, sur le second article, il déclara que, bien qu'il fût dans l'intention de transférer sa résidence à Romé, le moment de mettre ce dessein à exécution ne lui paraissait pas opportun 3. En revanche, il se montra favorable à une autre demande que lui firent les députés, et qui était de réduire de cent ans à cinquante l'époque du Jubilé institué par Boniface VIII. La raison qu'ils alléguaient était que peu d'hommes atteignant la centième année pouvaient jouir des indulgences attachées au Jubilé. En réalité, ce que voulaient les Romains, c'était de restituer pour quelque temps à leur ville, par l'affluence des fidèles que devait attirer cette solennité religieuse, les richesses et l'éclat dont ils étaient privés par l'éloignement des papes. Clément accéda à cette requête et ne tarda pas à rendre un décret par lequel, fixant à l'année 1350 la date du prochain jubilé, il décidait que le retour de cette solennité aurait lieu à l'avenir tous les demi-siècles 4.

Il est inutile dire que, sous ce pontificat, il ne resta rien des timides réformes tentées par Benoît XII. Bien loin de maintenir les constitutions par lesquelles le dernier pape

1. Baluze, Vitæ, t. I, p. 286, 287. Petrarch, ep. XI, 5. Cette ambassade dut avoir lieu avant juillet 1342, date à laquelle Clément nomma des délégués pour les fonctions sénatoriales (Gregorovius Storia di Romat, t. VI, p. 263, not. 3.)

2. Carm. 1. II, ep. 5. Voy. Raynald. anno 1342, no 21. Le pape le récompensa de ses vers en lui donnant un prieuré aux environs de Pise. Benoit l'avait également récompensé de son épitre par le don d'un canonicat à Lombez.

3. Accessum ejus ad urbem non posse tunc, licet velle, se asserens, ad tempus possibile reservavit. » Baluze, loc. cit.

4. Bulle Unigenitus Dei filius, 23 janvier 1343. Voir Raynald. anno 1349,

n° 11.

avait essayé de rétablir la discipline dans les ordres monastiques, Clément voulut, selon le mot d'un de ses biographes, « répandre sur cette sévérité l'huile de sa clémence. miséricordieuse, en adoucir les aspérités par la lime de sa discrétion, et ramener ainsi la légèreté et la douceur du joug du Seigneur. Tandis que Benoit avait porté l'intégrité au point de refuser à ses proches de simples prélatures, Clément distribua aux siens l'argent et les faveurs et en éleva plusieurs à la dignité de cardinal, bien qu'ils n'eussent ni l'âge, ni les mœurs qu'exigeaient de semblables fonctions. Par une coupable négligence des intérêts de l'Église, autant que par un effet de sa générosité naturelle, il prodiguait les grâces, sans discernement et sans choix, à tous ceux qui l'approchaient. Un de ses premiers actes fut de publier une bulle par laquelle il promettait des bénéfices à tous les pauvres clercs qui, dans un délai de deux mois, se présenteraient à la cour d'Avignon. Il en vint une telle multitude, qu'on en compta, dit-on, jusqu'à cent mille 3. Pour suffire à ces libéralités, il réserva tout d'abord à sa nomination un grand nombre d'évêchés et d'abbayes, sans égard aux élections faites par les chapitres et les communautés; et, comme on lui représentait que ses prédécesseurs n'avaient pas à ce degré étendu les réserves: « C'est, répondit-il, qu'ils ne savaient pas être papes . »

Ces actes inconsidérés, par lesquels Clément allait au delà des abus où s'était engagé Jean XXII, ne manquèrent pas de sou lever des protestations. Au commencement de l'année 1343, des cardinaux, auxquels il avait conféré des bénéfices en Angleterre, ayant envoyé des procureurs en prendre possession,

1. Baluze, Vitæ, t. I, p. 285. 2. M. Villani, 1. III, c. 43.

Hist. littér. t. XXIV, p. 55.

3. Baluze, Vitæ, t. I, p. 284, 310, 311.

4. «Prædecessores nostri nesciverunt esse papa. » Baluze, ibid. p. 311. La Sicile étant placée sous l'interdit depuis la sentence prononcée en 1339 par les nonces de Benoit contre Pierre d'Aragon, Clément en prit occasion pour notifier par une bulle (5 mai 1543, Raynald. eod. anno, no 82, 83) qu'il réservait à sa nomination durant deux ans, à partir du 1er juin 1343, tous les principaux bénéfices, évêchés, églises collégiales, abbayes, prieurés, —

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