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sur la Sicile, et, le 5 avril 1339, après plusieurs sommations lancées contre ce prince, ils le frappèrent d'excommunication et mirent ses États en interdit1. Ni Pierre, ni ses sujets, chez lesquels durait encore la haine du nom français, ne s'émurent de ces sentences. Ce fut sans succès que, sur la fin de cette année, Robert tenta d'arracher par les armes ce que le pape n'avait pu obtenir par son autorité 2, et la Sicile demeura, comme par le passé, dans la maison d'Aragon.

Cependant, en dépit des efforts persévérants de Benoît 3, la guerre avait éclaté entre la France et l'Angleterre. Édouard, qui avait pris le titre de roi de France, s'avançant par lui- · même ou par ses alliés jusque sous les murs de Laon, avait signalé ses armes par de premiers ravages, auxquels Philippe avait répondu en portant la dévastation en Hainaut et en Flandre. En vain le pape pressa les Flamands de rentrer dans l'obéissance de Philippe. En vain, réitérant ses instances auprès d'Édouard, il le conjura de se prêter à un accommodement, s'offrant encore une fois pour arbitre 5. De nouvelles tentatives auprès de Louis de Bavière ne furent pas plus heureuses. Voyant la guerre engagée et refusant de reconnaître les prétentions d'Édouard à la couronne de France, il prit ouvertement le parti de Philippe et, pour l'ai

1. Voir, dans Raynald. anno 1339, no 44-58, le procès-verbal, daté du 7 avril de cette année, où les nonces font le récit de leur mission.

2. Benoit avait autorisé Robert à recouvrer ses droits par les armes (Raynald. anno 1338, no 48). On peut croire qu'il en eut quelques scrupules; car, Robert s'étant emparé par surprise de l'île de Lipari sur la fin de 1339, le pape, en le félicitant de sa victoire (décembre 1339, Raynald. eod. anno, no 59), disait en être d'autant plus satisfait qu'elle avait eu lieu « absque strage magna hominum. »

3. Voir des lettres de Benoît adressées en octobre 1339 à Louis de Bavière et au roi d'Angleterre. Raynald. eod. anno, no 8, 10-12.

4. 9 janvier 1340. Raynald, eod. anno, no 1, 2. Excommuniés par le pape pour avoir trahi leurs serments envers Philippe, les Flamands répondirent qu'il n'y avait pas parjure, puisque Édouard s'intitulait roi de France. Raynald. ibid. no 3.

5. Mars 1340. Raynald. eod. anno, no 4-7. Cf. ibid. no 8.

6. Lettre du pape à Louis de Bavière, avril 1340. Raynald. eod. anno, n° 68.

7. Voy. Raynald. ibid. no 9-15, un acte qu'Édouard adressa au pape et par lequel il essayait de prouver ses droits à la couronne de France.

der à repousser tant d'ennemis conjurés contre lui, l'autorisa à prélever une décime pendant deux ans sur le clergé de son royaume 1. Il persista toutefois à lui refuser celles qui avaient été perçues pour la Terre sainte, lui répétant que jamais le saint-siège ne consentirait à une telle impiété 2. Peut-être ne voulait-il, par ce refus, que dégager sa responsabilité aux yeux des fidèles; car il ne devait pas ignorer que, peu touché de ces scrupules, Philippe ne s'était déjà fait faute, non plus qu'Édouard, de puiser dans les trésors de la croisade 3. La bataille de l'Écluse, livrée le 24 juin 1340 et dans laquelle la flotte française fut presque entièrement détruite, accrut, avec les périls de Philippe, l'anxiété du pontife. Il ordonna des prières dans toute la chrétienté et essaya de nouveau de s'entremettre pour la paix 5, tandis qu'Édouard, fort de sa victoire, courait investir Tournay. La difficulté de cette entreprise, l'approche du roi de France venu en personne au secours de la ville assiégée, la défaite d'un corps flamand qui avait tenté d'arrêter la marche de ce prince, décidèrent le monarque anglais à accepter une suspension d'armes, et, le 24 septembre, une trève, qui devait durer jusqu'au mois de juin de l'année suivante, fut conclue à Esplechin entre les deux souverains.

On vit là, par un nouveau signe, combien faible était l'influence exercée par le saint-siège. Cette trève si désirée était due, non à l'intervention du pape, mais à celle d'une femme, Jeanne de Valois, sœur de Philippe et belle-mère du roi d'Angleterre. Émue de tant de maux que la guerre avait déjà causés, cette princesse sortit du monastère de Fontanelle, où elle vivait dans les pratiques d'une austère piété, et s'interposa avec un tel zèle entre les deux rois, qu'elle sut les déci

1. 1er mars 1240. Raynald. eod anno, no 18.

2. Avril 1340. Raynald. ibid. no 21-24.

3. Raynald. anno 1337, n° 21, 23.

4. Août 1340. Raynald. eod. anno, no 26.

5. Ibid. n° 27-31.

6. Leroux, ouvr. cité, p. 224.

der non seulement à accepter un armistice, mais à ouvrir des négociations en vue d'une paix définitive qui, à la vérité, n'eut pas lieu; ils s'accordèrent du moins pour prolonger d'une année la trève qui avait été conclue1. L'un des effets de cette trève fut d'amener un rapprochement entre Philippe et l'empereur. Henri de Bavière étant mort peu auparavant, avec lui était tombé l'espoir que le roi de France avait fondé sur l'élection de ce prince à l'Empire. A la suite de pourparlers ménagés sans doute par Jeanne de Valois qui, par une autre de ses filles, se trouvait ètre la belle-mère de Louis de Bavière, Philippe signa, le 15 mars 1341, un traité d'alliance avec ce monarque inconstant, qui s'engagea à retirer au roi d'Angleterre le titre de vicaire impérial3. C'était de la part du roi de France manquer à tous les égards qu'il devait au pontife. Sous prétexte que Louis de Bavière était hérétique, il avait, au début, empêché l'accord de Benoît avec ce prince, et lui-même traitait avec Louis alors que le pape, dans l'intérêt de Philippe, avait déclaré au roi d'Angleterre que les alliés du monarque bavarois encouraient, par le seul fait de cette alliance, les censures apostoliques. Benoît sentit que sa dignité, celle du saint-siège, était atteinte par ce traité, et il se plaignit à Philippe. « Quand tout le monde sait que Louis est hérétique et schismatique et condamné comme tel, lui écrivait-il, nous ne pouvons assez nous étonner que vous ayez, au détriment de votre salut et de votre honneur, fait alliance avec lui. Nous ne sommes pas moins surpris que vous ayez contracté cette alliance sans notre permission et contre notre avis. Certes, après avoir agi jusqu'ici envers Louis dans vos intérêts et toujours de concert avec vous, il ne nous paraissait pas que vous dussiez ainsi transgresser ou plutôt mépriser nos prescriptions. Croyez que nous ne sommes pas seul à nous étonner de votre conduite; il nous revient de divers

1. Guil. de Nang. Chron, cont. anno 1340. Froissart, éd. Luce, t. II, p. 80, 88. Raynald. anno 1340, no 32.

2. En 1339.

3. Leroux, ouvr. cité, p. 226, 227.

côtés qu'elle excite des murmures et qu'on dit que c'est un fait inouï dans ce siècle de voir les princes très chrétiens de l'auguste maison de France contracter amitié avec des hérétiques et des schismatiques1. »

Dans le même moment où Benoît essuyait cette offense du roi de France, il en recevait une autre plus grave de Louis de Bavière. Il s'agissait d'un mariage négocié par ce monarque entre l'un de ses fils, Louis, marquis de Brandebourg, et Marguerite Maultasch, comtesse de Tyrol et duchesse de Carinthie. L'empereur désirait vivement une union qui lui permettait d'ajouter deux vastes provinces à ses États héréditaires. Mais, pour qu'elle pût s'accomplir, elle devait être précédée d'une sentence de divorce, Marguerite étant mariée depuis environ dix ans à un fils du roi de Bohème. En outre, comme cette princesse se trouvait parente au troisième degré du marquis de Brandebourg, une dispense lui était nécessaire pour contracter ce second mariage. C'était à l'Église et plus particulièrement au pape que, selon le droit en vigueur, il appartenait de trancher cette double difficulté. Louis la trancha de sa seule autorité. Il eut soin, il est vrai, de consulter des juristes qui prouvèrent en des écrits que les questions de mariage devaient être retirées à l'Église et relever, comme autrefois, du pouvoir séculier2. Conformément à cette doctrine, il rendit deux décrets par lesquels, se prévalant de l'exemple des anciens empereurs, il prononça le divorce de Marguerite et donna dispense aux deux futurs conjoints 3. Il célébra ensuite le mariage avec pompe 4. C'était à la fois faire injure

1. 23 avril 1341. Raynald. eod. anno, no 13.

2. Deux de ces écrits nous ont été conservés, l'un de Guillaume Ockam, et l'autre attribué à Marsile de Padoue; mais, comme nous avons eu déjà l'occasion de le remarquer, cette attribution est très contestable. Voir ces traités dans Canisius, Refutatio trium tractatuum etc.. Ingolstadt, 1600, in-4°. Cf. C. Muller, ouvr. cité, t. II, p. 159-162.

3. Ces deux décrets se trouvent dans Struv. Rer. german. t. I, p. 620-623. Il convient de noter qu'aux termes de ces décrets Louis prononça, non le divorce, mais la nullité du mariage, celui-ci étant supposé n'avoir pas été consommé pour cause d'impuissance,

4. Le 17 février 1342. Instruit des projets de Louis, le pape, par une lettre

au pape et, par une nouvelle hardiesse, usurper sur les droits traditionnels de l'Église.

Benoît devait laisser à son successeur le soin de venger cette injure. Il mourut le 25 avril 1342, quelques mois avant l'expiration de la trève concluc entre la France et l'Angleterre. Son pontificat n'avait été en somme qu'une suite d'échecs, et l'on peut dire qu'à sa mort la papauté avait perdu ce qu'elle semblait avoir regagné sous Jean XXII. L'unique événement qui jeta quelque lustre sur son pontificat fut la célèbre victoire que, vers la fin, les rois de Castille et de Portugal remportèrent, sous les murs de Tarifa, contre les Maures1. Du moins doit-on rendre cette justice à Benoît que, dans les difficultés qu'il eut à traverser, il n'employa jamais que les moyens de la douceur. Dans un des premiers consistoires qu'il présida après son avénement, il avait déclaré qu'il n'entendait pas, pendant qu'il occuperait le saint-siège, que l'Église romaine se servit de l'épée et fit la guerre à qui ce fût2. Il garda constamment cette maxime et s'abstint, comme on l'a vu, de recourir à la force pour rétablir au delà des Alpes son pouvoir temporel. Il n'intervint également dans la Haute Italie que par la voie des traités et ne chercha pas, comme son prédécesseur, le triomphe des Guelfes et l'abaissement des Gibelins. Quelque temps avant sa mort, se fondant sur les droits dévolus au chef de l'Église pendant la vacance de l'Empire, il confirma dans leurs possessions les Visconti de Milan et les autres « tyrans » qui régnaient sur cette partie de la péninsule, à la condition de renoncer à leurs guerres intestines et, tant que durerait l'interrègne impérial, de payer, en signe de sujétion, un tribut au saint-siège 3. Par

du 28 novembre 1341, avait vainement ordonné au patriarche d'Aquilée de s'opposer à leur accomplissement. Raynald. anno 1341, no 14.

1. 30 octobre 1340.

2. « Statuit quod toto tempore suo Ecclesia romana.. gladium martialem non exerceat vel faciat guerras contra quemcumque hominem. » Chron. Cornelii Zantfliet, Martene, ampl. coll. t. V, p. 208.

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3. Raynald. anno 1341, no 19 et ss.; Cf. anno 1339, no 61 et ss. Christophe, Hist. de la papauté au XIVe siècle, t. II, p. 70, 71, 78.

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