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rer l'autorité des conciles supérieure à celle des papes. Encore trois quarts de siècle, et cette doctrine deviendra celle de l'Église universelle insurgée contre Rome.

En résumé, les théories de Marsile de Padoue aboutissaient à la suppression non seulement du pouvoir temporel du pape, mais de sa souveraineté spirituelle. Il faut bien croire que leur auteur n'était que l'interprète d'opinions qui commençaient à se répandre, puisque Jean sentit la nécessité de les combattre. Vers le même temps en effet paraissait un écrit, intitulé la Somme de l'Eglise, que sur son ordre avait composé un moine italien, Agostino Trionfo. Les doctrines émises dans cet ouvrage étaient le contre-pied de celles que soutenait Marsile de Padoue. Comme lui, Agostino Trionfo envisageait l'autorité du saint-siège dans l'ordre spirituel et dans l'ordre temporel, mais c'était pour en démontrer la hauteur et l'étendue. Il commençait par établir qu'entre toutes les puissances de l'univers la puissance du pape était la seule qui vînt immédiatement de Dieu. « Elle est plus grande que toute autre, ajoutait-il, parce qu'il juge de tout et que personne ne le juge; elle est à la fois sacerdotale et royale, parce qu'il tient la place de Jésus-Christ qui possédait l'un et l'autre pouvoir. Considérant ensuite la puissance du pape dans ses rapports avec l'Église, il montrait comment elle n'avait de limite que sa seule volonté. « Juge souverain en matière de foi et seul époux de l'Église universelle, le pape, disait-il, possède sur toutes les Églises une juridiction immédiate; bien qu'il soit plus particulièrement évêque de Rome, il peut, dans chaque diocèse et même dans chaque paroisse, exercer, par lui ou par ses légats, tous les droits inhérents à l'autorité spirituelle. En ce qui concernait les rapports du pape avec les souverains séculiers, Agostino Trionfo n'était pas moins explicite. Il déclarait que tous les princes étaient obligés d'obéir à ses injonctions, comme de reconnaître qu'ils tenaient de lui leur pouvoir; que, de son côté, le pape pouvait les punir, les déposer, et à leur place, instituer des rois en quelque royaume que ce fùt. A l'égard de l'empereur en particulier, il soute

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nait qu'il devait être confirmé par le pape et lui prêter serment de fidélité, sans quoi il n'avait aucun droit d'administrer l'Empire; que d'ailleurs le pape le pouvait déposer à l'égal des autres souverains. « Ce n'est pas seulement sur la personne de l'empereur que le chef de l'Église possède autorité, mais sur l'Empire mème, sur sa constitution. Il peut nommer l'empereur de sa seule volonté et sans l'entremise des électeurs, comme il peut prendre des électeurs en dehors de l'Allemagne; il peut également faire l'Empire héréditaire au lieu de le laisser électif. En outre, comme c'est par l'autorité apostolique que l'Empire a été transféré des Romains aux Grecs et des Grecs aux Allemands, le pape, en vertu de la même autorité, peut le transférer à d'autres nations. » En un mot, l'auteur de la Somme de l'Église établissait que la puissance du pape était absolue, entière, et en quelque sorte illimitée. A un endroit de son ouvrage, il disait que cette puissance était si grande, que le pape ne pouvait savoir luimême jusqu'où elle s'étendait 1. Dans le cas où il y aurait abus dans l'exercice d'un tel pouvoir, indiquait-il du moins quelque recours? Aucun. « On ne peut, disait-il, appeler du pape au concile général, puisque c'est du pape que le concile général reçoit son autorité. On ne peut pas même appeler du pape à Dieu; car le pape représente la justice divine, et appeler contre le pape serait appeler contre Dieu 2. »

1. «Nec credo quod papa possit scire quod potest facere per potentiam

suam. >>

2. Summa de potestate ecclesiæ, in-fo. Romæ, 1682. Voy. le résumé que Fleury a donné de ce traité dans son Hist. eccles. t. XIX, p. 418-421. « Ceci suffit, dit Fleury, pour montrer jusqu'où les docteurs de ce temps-là poussaient la puissance du pape, et, comme à force de la vouloir relever, ils la rendaient odieuse. >>

III

JEAN XXII

1327-1334.

Au milieu de ces querelles de doctrine et des agitations que soulevait la lutte naissante du saint-siège et de l'Empire, la guerre avait continué en Italie. Aux efforts un moment victorieux des Gibelins le chef de l'Église avait opposé une union plus étroite des forces pontificales. Laissant le cardinal Bertrand du Poyet agir en Lombardie contre les Visconti, il avait envoyé en Toscane le cardinal Jean des Ursins, muni également de ses pleins pouvoirs, pour y combattre les rebelles, et dont le premier acte avait été de frapper d'anathème Castruccio Castracani, seigneur de Lucques, qui annonçait devoir être dans l'Italie centrale ce que Mathieu Visconti avait été dans l'Italie du Nord 2. Le fils aîné du roi de Naples, Charles, duc de Calabre, était de son côté entré à Florence avec des troupes nombreuses, afin de seconder l'action des légats 3. Les Gibelins alarmés s'adressèrent encore une fois à Louis de Bavière et sollicitèrent son appui. Ce monarque, par de nou

1. Voir la lettre du pape à ce cardinal, datée du 17 avril 1326, dans Raynald. eod. anno, no 1.

2. Raynald. anno 1326, no 4. G. Villani, 1. X, c. 3. L'anathème fut prononcé publiquement par le légat le 30 août 1326.

3. G. Villani, 1. X, c. 1.

velles conventions avec Frédéric d'Autriche, venait d'associer ce prince au gouvernement de l'Empire et avait été jusqu'à lui restituer le titre de roi des Romains 1. En se conciliant ainsi les partisans qu'avait pu conserver son ancien compétiteur, il rendait plus difficiles les menées du pape en Allemagne. Il crut qu'il pouvait dès lors donner toute son attention aux événements d'Italie, et une diète fut convoquée à Trente, pour le commencement de l'année 1327, en vue d'aviser aux moyens de secourir efficacement les Gibelins.

Lorsque Louis parut à cette diète, les principaux chefs gibelins s'y trouvaient réunis. Ceux qui n'avaient pu venir en personne, tels que Castruccio Castracani, avaient envoyé des députés. Le roi de Sicile, Frédéric, avec lequel Louis avait depuis peu conclu une alliance 2, s'était également fait représenter par des ambassadeurs. Tous supplièrent le monarque de ne pas confier à d'autres mains que les siennes les nouveaux secours qu'il se proposait de leur accorder; mais de descendre lui-même en Italie et d'aller à Rome prendre la couronne impériale, lui offrant, pour les frais de son expédition, un subside de cent cinquante mille florins 3. Cédant à des sollicitations qui s'accordaient avec ses secrets desseins, Louis promit de se rendre en Italie et d'y rétablir la puissance « que les Allemands avaient autrefois conquise au prix de leur noble sang 4. » Des évêques, des clercs, des frères mi

1. Pour le détail de ces singulières et nouvelles conventions qui eurent lieu en septembre 1325 à Munich, puis en janvier 1326 à Ulm, voir C. Müller, Der Kampf Ludwigs des Baiern mit der Romischen Curie, t. I, p. 117-123. Il y a lieu de supposer que, dans l'idée de Louis, ces conventions n'avaient qu'une valeur momentanée. Il pensait, dès cette époque, au voyage d'Italic, et il devait croire que, lorsqu'il reviendrait en Allemagne avec le titre d'empereur, les concessions faites à son ancien rival se trouveraient par cela même annulées.

2. Cette alliance avait été conclue le 17 mars 1325. Voir dans l'Anonyme de Sicile, Murat. rer. ital. t. XII, p. 898, 899, une lettre de Louis à Frédéric, datée de Trente, le 26 février 1327.

3. G. Villani, 1. X, c. 18.

4. « Multo generoso Alemannorum sanguine acquisitum. » Lettre de Louis de Bavière au comte de Hollande, 13 mars 1327. Bohmer, Fontes rer. germ. t. I, p. 197.

LA COUR DE ROME. T. II.

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neurs << schismatiques » et d'autres religieux hostiles au saintsiège assistaient à cette diète, dans laquelle le pape, qu'on appelait par dérision « le prêtre Jean, » fut publiquement qualifié d'hérétique 1. Dès le 15 mars 1327, Louis, suivi de tous les seigneurs gibelins et d'un corps de cavaliers allemands, sortait de Trente et se dirigeait vers la Lombardie. Il gagna Brescia, puis Côme, recevant partout sur son passage les hom mages de fidélité des cités lombardes, et, le 16 mai, il arrivait à Milan, où, à défaut de l'archevêque de cette ville qui s'était déclaré contre lui, un prélat excommunié, l'évêque d'Arezzo, lui ceignit la couronne de fer 2. De nouvelles forces appelées d'Allemagne et des contingents italiens vinrent alors grossir l'escorte du monarque, qui ne tarda pas à quitter la Lombardie pour prendre la route de Rome3.

Contrairement à Henri de Luxembourg qui était entré en Italie avec des idées de pacification, Louis s'y présentait comme le chef armé des Gibelins et l'ennemi déclaré du pontife. Son approche avait suffi pour mettre en fermentation toute la péninsule. Les Guelfes se sentirent menacés. Le roi de Naples, Robert, craignant une invasion de ses États, prit des mesures de défense. A Rome, que gouvernaient au nom du pape des officiers de ce prince, l'agitation, fomentée par le parti gibelin, fut d'autant plus vive, qu'elle s'augmentait du mécontentement que faisait naître depuis quelque temps le séjour prolongé du saint-siège à Avignon. Telle était en effet l'inconstance des Romains, qu'après avoir si souvent expulsé les pontifes dont ils semblaient détester le pouvoir, ils se plaignaient aujourd'hui de leur éloignement comme d'une injure. Déjà, sur la fin de l'année précédente, ils avaient envoyé des députés à Avignon demander au chef de l'Église de ramener la cour pontificale à Rome. Dans le moment où Louis de Ba

1. G. Villani, loc. cit.

2. Lettres de Louis de Bavière à Guillaume de Hollande, 10 avril et 20 juin 1327, Boehmer, ibid., p. 199-202. Cf. Murat. Annal. d'Ital. anno 1327. 3. Pour l'expédition de Louis de Bavière en Italie, voir Ficker, Urkun den zur gerchichte des Rœmerzuges K. Ludwigs des Baiern, Innsbruck, 1865.

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