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cette raison plus facile à gagner, il promit de le soutenir contre Louis de Bavière et de lui conférer la couronne impériale, s'il secondait de ses armes les Guelfes d'Italie 1. C'est ainsi que, changeant de politique selon les événements, le saint-siège appelait les empereurs en Italie, sauf à tout faire ensuite pour les en expulser. Séduit par ces promesses, Frédéric assura de son concours le chef de l'Église. De son côté, Jean, afin d'aider au succès de son nouvel allié, à qui il envoya tout d'a bord une somme de cent mille florins, enjoignit au cardinal Bertrand du Poyet de prècher une croisade contre Matthieu Visconti. Cherchant à frapper le chef gibelin par une autre voie, il résolut de le faire condamner comme hérétique. On ne se borna pas à l'accuser de « mépriser l'autorité des clefs, » ce qui, suivant la nouvelle doctrine qui commençait à prévaloir, suffisait à constituer le crime d'hérésie; sur des bruits imaginés ou accrédités par ses ennemis, on l'accusa de nier la résurrection et de commercer avec les démons. Les armes de l'étranger, la croisade, l'inquisition, telles étaient les extrémités auxquelles avait recours cette papauté affaiblie pour se faire obéir d'un seigneur de Milan.

C'était dans le cours de l'année 1321 que Jean s'était décidé à ces diverses mesures. Au mois d'avril de l'année suivante, des forces allemandes, que commandait un frère de Frédéric d'Autriche, pénétraient en Lombardie 7. Un mois auparavant, le pontife avait fait publier la sentence que, selon ses intentions, les tribunaux de l'inquisition avaient prononcée contre Matthieu Visconti, sentence par laquelle lui et ses fils, décla

1. G. Villani, 1. IX, c. 144. Le pape promettait en outre à Frédéric l'archevêché de Mayence pour son frère Albert.

2. Murat. Annali d'Ital. anno 1322.

3. G. Villani, loc. cit.

4. « Clavium et ecclesiæ potestatem ipsasque contemptibiliter vilipendens. >>

5. Raynald. anno 1320, nos 10, 13; anno 1322, no 6, 7.

6. L'ordre de prêcher la croisade est du 23 janvier 1322.

7. Voir une lettre que Frédéric, à la fin d'avril 1322, adressait au pape pour lui annoncer la descente de son frère Henri en Italie. Raynald. eod. anno, no 8.

rés coupables d'hérésie, étaient comme tels notés d'infamie et dépouillés à jamais de leurs biens et dignités 1. Matthieu, par son habileté, prévint encore une fois les périls qui le menaçaient. Feignant de vouloir se soumettre au saint-siège, il entama des négociations avec le légat et réussit à suspendre l'effet de la croisade prêchée contre lui. Il arrêta également la marche de l'armée allemande, en dépêchant des ambassadeurs vers Frédéric, à qui il représenta que la cause des Gibelins était en réalité celle de l'Empire, et qui, étant luimême au moment d'engager une action décisive avec Louis de Bavière, ne tarda pas à rappeler les troupes dont il s'était démuni2. Peu après, le 22 septembre 1322, avait lieu la bataille de Mulhdorff, où Frédéric tombait prisonnier aux mains de son rival 3; et le pape se vit déçu dans l'espoir qu'il avait fondé sur l'assistance de l'Autriche, comme il l'avait été dans celui qu'il avait fondé sur le secours de la France.

Les desseins de Jean se trouvaient ainsi une seconde fois renversés, et, réduit à ses seules ressources, peût-être eût-il interrompu, sinon abandonné ses entreprises, si la mort de Matthieu Visconti, qui était survenue dans l'intervalle, en jetant le trouble parmi les Gibelins, n'eût diminué leurs forces. Mettant à profit la situation, le cardinal Bertrand fit de nouveau appel aux partisans de l'Église, et, au commencement de l'année 1323, ayant réuni les contingents des villes guelfes, il entra en campagne. Après avoir battu les Gibelins sur l'Adda, puis à Garazzuolo, il occupa successivement Verceil, Tortone, Alexandrie, Parme, Plaisance, pendant qu'un lieutenant du roi de Naples, Raymond de Cardone, allait assiéger Milan que défendait Galéaz Visconti, le fils aîné de Matthieu 5. Ce fut au tour des Gibelins de chercher des secours.

1. Le texte de la sentence, datée du 14 mars 1322, se trouve dans Raynald. eod. anno, no 7.

2. G. Villani, 1. IX, c. 145. Cf. Raynald. anno 1322, no 9.

3. Sur la bataille de Mulhdorff, voir Zeller, Hist. d'Allem. t. VI, p. 289290.

4. 28 juin 1322.

5. Bonincontr. Chron. 1. III, c. 19, Murat. rer. ital. t. XII.

Ils les demandèrent à Louis de Bavière. Ce prince, dont la victoire de Mulhdorff avait accru la puissance en Allemagne et qui déjà portait ses vues sur l'Italie, se hâta d'intervenir. En même temps qu'il expédiait de premiers renforts aux Gibelins, des ambassadeurs se rendaient auprès du légat et le sommaient, au nom de leur maître, de vider un territoire qui dépendait de l'Empire. Le cardinal, avec la fierté que lui donnaient ses récents succès, répondit qu'il n'y avait pas à cette heure de roi des Romains qui fùt légalement reconnu, et que dès lors le saint-siège n'avait pas à tenir compte des prétendus droits de Louis sur l'Italie 1. Mais cette intervention du monarque bavarois, jointe aux secours qu'il avait envoyés, avait relevé le courage des Gibelins, qui obligèrent les troupes guelfes à lever le siège de Milan 2. A partir de ce moment, les choses changèrent de face. C'était Louis de Bavière, et non plus seulement les Gibelins, que le chef de l'Église allait rencontrer devant lui.

Tandis que se préparait un conflit qui menaçait de réveiller les vieilles luttes du saint-siège et de l'Empire, une querelle d'un autre genre, et qui devait prendre place dans ces événements, s'élevait entre le pontife et l'ordre des Frères mineurs, de ceux du moins que, pour les distinguer des Franciscains schismatiques, on avait appelés Conventuels. Tout dégénérés qu'ils fussent de l'ancienne perfection, ces religieux professaient au fond sur la pauvreté évangélique les mêmes idées que les Spirituels. Mais ceux-ci entendaient pratiquer cette pauvreté dans sa rigueur, au lieu que ceux-là se contentaient d'en observer le principe en déclarant n'avoir que l'usage et non la propriété de leurs biens, cette propriété, disaient-ils, ayant été abandonnée par eux à l'Église romaine. Ils prétendaient se conformer ainsi à l'exemple des apôtres, qui, suivant eux, n'avaient rien possédé en propre, doctrine

1. G. Villani, 1. IX, c. 196. C'est au mois d'avril 1323 que les ambassadeurs de Louis de Bavière se présentèrent en Lombardie.

2. Id. 1. IX, c. 212.

LA COUR DE ROME. T. II.

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subtile qu'avait consacrée, un demi-siècle auparavant, une bulle de Nicolas III'. Ce fut sur ces idées que s'engagea la querelle. Un fraticelle, mandé devant le tribunal de l'inquisition à Narbonne et interrogé sur les erreurs que lui et les siens étaient accusés de propager, avait soutenu, en présence des juges, que Jésus-Christ et les apôtres n'avaient jamais rien possédé par droit de propriété. Cette proposition ayant été condamnée comme hérétique, un franciscain conventuel, qui assistait à l'interrogatoire, déclara qu'elle était au contraire parfaitement orthodoxe. Mis en demeure de se rétracter, il refusa d'obéir, appela au saint-siège de la violence qu'on voulait faire à sa foi et se rendit à Avignon, où il saisit de ce différend la cour pontificale 2.

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Les Frères mineurs tenaient à ce moment à Pérouse leur chapitre général sous la présidence de Michel de Césène, qu'assistaient plusieurs provinciaux et d'autres supérieurs et docteurs de l'ordre. Informé de cet incident, Michel de Césène porta la question devant l'assemblée. On décida tout d'une voix que c'était une proposition «< saine et catholique de dire que « Jésus-Christ, montrant le chemin de la perfection, et les apôtres, y marchant après lui pour l'enseigner au monde, n'avaient rien eu par droit de propriété, ni en particulier ni en commun. » Cette décision fut consignée dans un acte que souscrivirent Michel de Césène et neuf provinciaux de l'ordre, parmi lesquels était l'anglais Guillaume Ockam, le même qui, dans la lutte entre Boniface VIII et Philippe le Bel, avait pris parti pour le roi contre le saint-siège 3. Cet acte était daté du 5 juin 1322. L'assemblée ne s'en tint pas là. Non contents de trancher ainsi une question d'orthodoxie sans attendre que le chef de l'Église, à qui elle était soumise, eût

1. Bulle Exiit qui seminat, du 14 août 1279. Sext. decret. 1. V, tit. xt, De verb. signif., c. 3. On trouvera dans Fleury, Hist. eccles. t. XVIII, p. 301304, une longue analyse de cette bulle.

2. Wading. Annal. minor. anno 1321, nos 16, 17. Joann. minor. Chron. de gest. contra fraticellos, Baluze, Miscell. t. III, p. 207.

3. Wading. ibid. anno 1322, no 51. — Joann. minor., Baluze, ibid. p. 208.

donné son jugement, les Frères mineurs chargèrent un des leurs, le frère Bonnegrâce de Bergame, d'aller à Avignon soutenir, au nom de l'ordre, la décision qu'ils avaient adoptée et qu'ils rendirent publique par une lettre adressée à tous les fidèles 1.

Avant de se prononcer sur le fond du débat, le pape crut apporter un premier apaisement à la querelle en cassant par une constitution la décrétale de Nicolas III. Il représentait fort justement qu'il était impossible, en nombre de cas, de distinguer la propriété de l'usage; il ajoutait, avec non moins de raison, que, tout en paraissant, aux termes de cette décrétale, pratiquer la pauvreté, les Franciscains n'étaient pas en réalité plus pauvres ni moins avides de biens, et que l'Église romaine, qui était supposée avoir la propriété de ces biens, n'en était pas plus riche 2. En croyant calmer les esprits, il se trompa. Le frère Bonnegrâce, se prévalant de la décision. rendue par le chapitre général, osa déclarer, en plein consistoire, que la constitution du pape était une injure pour son ordre. Jean irrité le fit jeter en prison. Il y avait dans tout cola plus qu'une dispute de mots. Poussée à ses dernières conséquences, la doctrine soutenue par les Franciscains n'était pas seulement la condamnation des richesses de la cour de Rome; elle équivalait à refuser au pontife toute souveraineté temporelle, comme étant le vicaire de Celui qui n'avait rien possédé en ce monde. Jean comprit le danger de cette doctrine, et, dans une nouvelle constitution du mois de novembre 1323, il condamna comme erronée et entachée d'hérésie la proposition formulée par les Frères mineurs 3. Michel de Césène n'en persista pas moins dans son sentiment. De son côté, Guillaume Ockam porta la hardiesse au point de prêcher publiquement que quiconque ne se ralliait pas à cette

1. Wading. Annal. minor. anno, 1322, no 54, 55.

2. Bulle Ad conditorem, 8 décembre 1322. Extravag. Joann XXII, tit. XIV, c. 3, De verb. signif.

3. Bulle Cum inter nonnullos, 12 nov. 1323. Wading. anno 1323, no 14. Baluze, Vitæ, t. I, p. 139, 166.

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