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et, Charles II étant retourné en France, de nouvelles négociations s'ouvrirent afin d'arriver, par d'autres voies, à un accord auquel le pape avait refusé de souscrire.

Si Nicolas semblait échouer, comme ses devanciers, dans le double dessein de dépouiller en Italie et en Espagne la maison d'Aragon, il maintint, dans ses rapports avec l'Empire, la politique qu'ils avaient suivie. Rodolfe, qui n'avait pas été couronné sous le dernier pontificat, ayant renouvelé sur ce point ses précédentes sollicitations et transmis à Nicolas le vœu de venir à Rome, à l'automne de 1289, recevoir le diadème, le pape, à l'exemple d'Honorius, chargea un légat, l'évêque d'Eugubio, de s'entendre avec ce monarque sur les conditions de son couronnement, et il traîna si bien les choses en longueur, que Rodolfe, qui mourut deux ans après, n'avait pas franchi les Alpes. Mais, tandis qu'Honorius, en envoyant un cardinal en Allemagne, lui avait donné en même temps pour mandat d'y réformer les mœurs relâchées du clergé, aucune mission de ce genre ne fut confiée cette fois au représentant du saint-siège. On peut même dire que, bien loin que Nicolas, en ce qui concernait l'Église, nourrit quelque projet de réforme, il aggrava encore, à certains égards, les abus qu'il aurait dû réprimer. A peine en possession du saintsiège, il avait conféré aux moines mendiants et particulièrement aux Frères mineurs de nouveaux privilèges, se séparant en cela de son prédécesseur qui avait voulu les restreindre. Dans le moment où il députait vers Rodolfe l'évêque d'Eugubio, cédant aux instances des cardinaux, il abrogea définitivement la constitution de Grégoire X sur le conclave, constitution qui jusqu'ici n'avait été que suspendue 3. Il prit,

dans ses États pour repousser cette agression. Il ne fit néanmoins aucune entreprise contre la Sicile; et le roi d'Angleterre, étant intervenu pour amener une trève entre les deux princes, avertit même Charles de ne pas s'écarter du traité conclu à Oléron. Voy. Guil. de Nang. Chron. anno 1289. 1. Lettre de Nicolas à Rodolfe, 13 avril 1289. Raynal. eod. anno, nos 46,

47.

2. Potthast, Reg, pontif. anno 1288, passim.

3. 20 avril 1289. Reg. de Nicol. IV, n° 2167. Cf. Raynald. anno 1289, no 49.

quelques mois après, une mesure plus dangereuse et qui n'avait pas un moindre prix à leurs yeux. Alléguant qu'il n'était que juste de faire participer aux richesses de l'Église romaine des hommes « qui travaillaient à sa grandeur, qui supportaient avec lui le lourd fardeau du pontificat et consacraient leurs jours et leurs nuits mêmes à des affaires aussi importantes que difficiles,» il décida que les revenus, quels qu'ils fussent, que le saint-siège tirait tant de ses propres domaines que des divers États de l'Europe, seraient désormais divisés en deux parts égales, l'une pour le pape et l'autre pour les cardinaux. En intéressant ainsi d'une manière plus étroite les membres du sacré collège à l'honneur et à la prospérité du saint-siège, il était persuadé, disait-il, que les possessions de l'Église romaine en seraient plus sûrement protégées, la justice mieux rendue et la religion plus respectée 2.

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Ces mesures inconsidérées n'étaient pas propres à concilier à la cour de Rome les esprits de plus en plus nombreux qui lui étaient hostiles. Les vacances répétées du saint-siège, le caractère politique que chaque jour davantage prenait la pauté, les vœux de réforme qui commençaient alors à s'exprimer ouvertement, avaient même eu des conséquences qu'il était aisé de prévoir. L'hérésie, sur laquelle les derniers pontifes, occupés d'autres intérêts, n'avaient exercé qu'une incomplète surveillance 3, s'était de nouveau enhardie. A côté des restes encore subsistants des anciennes sectes, comme

1. «Cardinales tantis sollicitudinibus ac laboribus aggravati, qui, ad ferendum nobiscum tantorum sarcinam onerum nobis incumbentium ex apostolicæ officio servitutis, dies laboriosos agunt noctesque perducunt insom

nes. >>

2. «< Firmam habentes fiduciam quod per eorum sollicitudinem... crescet devotio, justitia plenius reddetur et æquitas diligentiori custodia habita servabitur. » Cette constitution datée du 18 juillet 1289 est tout entière dans Theiner, Cod. dipl. dom. temp. t. I, p. 304.

3. Pour les pontificats de Nicolas III, de Martin IV et d'Honorius IV, Potthast, dans ses Reg. pontif., ne mentionne guère que sept ou huit lettres relatives à l'hérésie, dont une concerne la France et les autres le nord et le centre de l'Italie.

celles des Cathares, des Arnauldistes ou des Pauvres de Lyon, qui continuaient d'agiter sourdement certaines parties de la Provence et de la Lombardie, d'autres, telles que celle des Apostoliques, et dont l'hostilité était d'autant plus à craindre que leurs adeptes, rattachés en apparence à l'Église, portaient l'habit religieux, commençaient à se répandre en Italie et sur divers points de l'Europe. Nicolas s'attacha à réparer la négligence de ses prédécesseurs. Par des décrets rendus à plusieurs reprises en 1289 et pendant tout le cours de l'année suivante, il déploya des sévérités qui témoignaient plus de son zèle que de sa piété 1. Il rappela les lois publiées par Frédéric II contre les hérétiques, renouvela les constitutions promulguées par Innocent IV et qu'avaient amplifiées, après lui, Alexandre IV et Clément IV. Il ne se borna pas à ces prescriptions générales. Il ordonna expressément aux seigneurs et aux consuls du midi de la France, comme aux podestats des différentes villes d'Italie, d'exécuter ces lois en leur rigueur. Non seulement dans ces contrées, mais en Allemagne, en Bohême, en Hongrie, en Bosnie et dans tous les pays slaves, les inquisiteurs reçurent l'injonction de poursuivre l'hérésie avec activité et de contraindre par l'excommunication les pouvoirs civils à les aider de leur concours. Ces sévérités atteignirent des régions qui jusque là en avaient été exemp tes, et, par une bulle du 21 février 1290, Nicolas, ne craignant. pas de les étendre aux lieux mêmes où avait vécu le Sauveur, ordonna d'établir l'inquisition en Terre sainte 2.

1. Le premier décret rendu par Nicolas contre les hérétiques date du 23 décembre 1288 et est adressé à tous les fidèles. Il vise « universos hereticos Catharos, Patharenos, Pauperes de Lugduno, Passaginos, Josepinos, Arnaldistas, Speronistas et alios, quibuscumque nominibus censeantur. »>< Reg. de Nicol. IV, no 434. Quant aux Apostoliques, déjà condamnés par Honorius (Raynald. anno 1286, n° 36), ils le furent par Nicolas le 7 mars 1290. Ibid. n° 4253. Pour les autres décrets publiés par ce pape en 1289 et 1290, voy. Potthast, Reg. pontif. passim. L'une de ses dernières bulles contre les hérétiques, datée du 3 mars 1291, est la reproduction du décret du 23 décembre 1288.

2. Sbaral. Bullar. Francisc. t. IV, p. 136, no 221. L'un des derniers décrets de Nicolas relatifs à l'hérésie, et par lequel il renouvelle et confirme celui du 23 décembre 1288, est du 3 mars 1291. Sbaral. ibid. p. 226, no 427.

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En même temps que, malgré tant de persécutions dont elle avait été l'objet, l'hérésie paraissait se réveiller, les entreprises des séculiers contre l'Église, entreprises auxquelles la papauté s'était plus d'une fois opposée par ses représentations et ses menaces, étaient devenues plus fréquentes et plus graves. On ne voyait pas seulement se renouveler entre seigneurs et bourgeois ces ligues dont s'était jadis inquiétée la cour de Rome. C'étaient aussi les souverains qui, à cette heure, entreprenaient ouvertement sur les «< libertés ecclésiastiques ». Le 23 mars de cette année 1290, Nicolas envoyait vers Philippe le Bel deux cardinaux porter des réclamations au sujet des usurpations que les baillis et les autres officiers du roi ne cessaient de commettre, disait-il, sur le droit des évêques et les privilèges du clergé. « Notre prédécesseur Honorius, mandait-il à Philippe, vous a déjà adressé des admonestations que nous vous avons réitérées au lendemain de notre avénement. Nous vous les réitérons de nouveau; car nous ne pourrions tolérer des témérités qui, en atteignant l'Église dans ses droits, offensent le Christ et nuisent au salut des fidèles 2. » Deux mois après, il transmettait au roi d'Angleterre une lettre plus sévère, où, se plaignant que, dans les États de ce prince, on enlevât au jugement de l'Église les causes dont elle devait connaître, qu'on osât mcarcérer ceux qui invoquaient sa justice, et qu'on allât jusqu'à défendre aux ecclésiastiques appelés en cour de Rome de sortir du royaume : « Nous vous invitons, ajoutait-il, à prendre les dispositions propres à prévenir le retour de ces hardiesses, sans quoi nous sommes déterminé, ainsi que l'exige notre office, à procéder contre les coupables, quels qu'ils soient, selon la rigueur des canons 3. >>>

1. Ces entreprises étaient le sujet le plus ordinaire des canons publiés alors par les conciles provinciaux. Voy., depuis et y compris le pontificat de Nicolas III, Héfélé, Conc. t. IX, p. 72 et ss, Cf. Fournier, Les officialités au moyen âge, p. 110 et ss., 1880.

2. Raynald. anno 1290, no 28-30.

3. Raynald. ibid, no 33-36. Voy., pour des faits analogues, le concordat

Ces « usurpations » des princes, ces nouvelles manifestations de l'hérésie, s'ajoutant à la résistance de plus en plus marquée que les évêques opposaient à l'autorité apostolique et dont ils avaient donné, sous Martin IV et Honorius, de notables exemples, attestaient que l'action spirituelle du saintsiège s'affaiblissait en ses effets. L'ascendant qu'au point de vue politique il continuait à vouloir exercer sur les États de l'Europe s'affaiblissait également. Des événements qui, dans ce temps même, se passèrent en Hongrie, en furent un sensible témoignage. Le roi Ladislas étant mort sans postérité 1 et les Hongrois ayant nommé pour lui succéder André, dit le Vénitien, issu de leurs anciens souverains, Rodolfe revendiqua le royaume de Hongrie comme fief de l'Empire et voulut, à ce titre, en investir son fils Albert, duc d'Autriche. De son côté, Charles II de Sicile, qui avait épousé une sœur de Ladislas, le réclama pour son fils aîné, Charles Martel, auquel il devait échoir, disait-il, comme étant par sa mère héritier du feu roi. Nicolas, qui favorisait ce jeune prince, alléguant à son tour de prétendus droits invoqués autrefois par les papes, déclara que ce royaume dépendait du saint-siège, et, par des lettres du mois de janvier 1291, défendit à Rodolfe et à son fils Albert d'y exercer aucun pouvoir. Il manda également aux prélats et aux seigneurs de Hongrie que c'était au chef de l'Église qu'il appartenait de disposer de la couronne, et envoya l'évêque d'Iési, en qualité de légat, signifier ses volontés3. Mais si Rodolfe parut céder jusqu'à un certain point aux prétentions du pontife, elles ne furent pas admises par les Hongrois; et, malgré les troubles qu'avaient suscités d'abord toutes. ces rivalités, malgré le titre de roi qu'avec l'assentiment du

passé en 1289 entre le roi de Portugal et le clergé de son royaume (Raynald. eod. anno, n⚫ 16-31), concordat ratifié par Nicolas IV le 7 mai de cette année et sur lequel Fleury, Hist. eccles., t. XVIII, p. 478-482, a donné d'amples développements.

1. 17 juillet 1290.

2. Raynald. anno 1290, n° 43; anno 1291, no 48.

3. Reg. de Nicol. IV, no 4415-4430.

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