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Lyon, et il envoya dans les divers États de l'Occident des collecteurs chargés de la percevoir. Il était même si attentif sur ce point, qu'ayant appris que la monnaie du royaume de Norvège n'était pas valable en Europe, il fit parvenir des instructions à l'archevêque de Drontheim sur les moyens de convertir en espèces qui eussent cours les sommes recueillies dans ce royaume 2. Il ne se borna pas à ces soins. La guerre s'étant allumée entre les rois de France et de Castille, il députa des légats vers l'un et l'autre prince, avec mission de rétablir la paix dans l'intérêt de la croisade. Il fit plus; par une circulaire adressée au mois de février 1280 aux évêques des deux royaumes, et dans laquelle il rappelait le triste état de la Palestine, il prescrivit des prières publiques pour demander à Dieu la fin d'une guerre qui, en divisant les forces chrétiennes, retardait la réalisation des espérances que le concile de Lyon avait données aux fidèles d'outre-mer 3.

Toutefois ni la croisade, ni même l'union avec les Grecs n'étaient au fond le véritable objet de la sollicitude de Nicolas III. Occupé avant tout de ses vues sur l'Italie, cherchant à y accroître les possessions du saint-siège et à y étendre son ascendant, il nourrissait des projets dont l'accomplissement eût amené un changement considérable dans l'état politique de la péninsule. Malgré les concessions qu'il avait obtenues de Rodolfe, il ne l'avait pas encore appelé à Rome pour lui conférer la couronne impériale. De son côté, ce monarque, qui venait à peine de triompher de la résistance du roi de

1. Bzovius, Ann. eccles. anno 1278, no 33. Voir, dans Potthast, Reg. pontif. n° 21296, des lettres du pape du 5 avril 1278 pour lever le décime en Hongrie, en Pologne et dans les pays avoisinants. Voir aussi, ibid. n° 21483, d'autres lettres du 13 novembre de cette année relatives au même objet et concernant le Patrimoine de saint Pierre, le duché de Spolète, la Marche d'Ancône et la Romagne.

2. 31 janvier 1279. Lange, Dipl. norveg. Potthast, Reg. pontif. no 21526. Voy. ibid., à la date du mois de juin de la même année, diverses lettres du pape ordonnant de lever le décime en Suède et en Danemark.

3. 20 février 1280. Raynald. eod. anno, no 13-17. Cf. lettre au roi de Castille du 9 juin 1279, Raynald. anno 1279, no 21-23.

Bohême et non encore affermi en Allemagne, n'était guère en situation de revendiquer sur les parties de l'Italie autrefois soumises à l'Empire une autorité qui n'était plus alors que nominale 2. Profitant de la faiblesse du roi des Romains, Nicolas avait conçu le dessein d'anéantir enfin une autorité à laquelle il attribuait les maux qui si longtemps avaient pesé sur l'Italie. Il voulait ériger dans la péninsule deux nouveaux royaumes, l'un en Lombardie et le second en Toscane, dont il eût investi ses neveux. Par ce moyen, en même temps qu'il eût achevé d'abattre la puissance impériale en Italie, il se fût gardé, d'un côté, des Allemands et, de l'autre, des Siciliens ou plutôt des Français. La mort l'empêcha de mettre cette idée à exécution 3.

A l'honneur de Nicolas III, on doit dire que l'ambition seule ne lui avait pas inspiré ces projets. Italien de cœur autant que de naissance, il eut voulu arracher la péninsule au joug de l'étranger, et l'on peut croire que, s'il avait possédé le saint-siège à la place de Clément IV, jamais Charles d'Anjou n'aurait obtenu le royaume de Sicile. Cette sollicitude pour les destinées de l'Italie l'avait porté également à intervenir dans les luttes des Guelfes et des Gibelins et à reprendre, sans plus de succès, il est vrai, l'œuvre d'apaisement commencée par Grégoire . Ce pape, qui, au milieu des soins tout profanes qui avaient occupé son pontificat, n'avait donné qu'une médiocre attention à l'Église, n'était cependant pas insensible à la piété. Il rendait un sincère hommage aux vertus de Louis IX et ordonna à Simon, cardinal de SainteCécile, qui était alors en France, de procéder à une enquête sur les miracles que la voix publique attribuait au saint roi, enquête dont il avait déjà été chargé secrètement par Gré

1. Otto Kar, roi de Bohème, avait été défait et tué à la bataille de Marchfeld, le 26 août 1278.

2. Zeller, Hist. d'Allem. t. VI, 163 et ss.; ibid. p. 187-189.

3. Ptol. Lucens. Hist. eccles. 1. XXIII, c. 34.

4. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 542.

5. Raynald. anno 1278, no 77.

goire 1. Il se déclarait même prêt à le canoniser, pourvu qu'on lui certifiât seulement deux ou trois miracles 2. Il ne laissait pas non plus d'apprécier le mérite chez les hommes qui l'entouraient. Il voulut élever à la dignité de cardinal, l'ancien général des Frères mineurs, Jean de Parme, dont il honorait la piété et estimait le caractère; et comme un jour il lui faisait part de cette intention, lui disant que ses conseils seraient pour la cour de Rome d'une grande utilité: « Je n'ai que faire de vos dignités, répondit Jean de Parme. Quant à donner des conseils, assurément je ne les refuserais pas, si je pouvais croire qu'ils fussent écoutés; mais vous savez, comme moi, que, dans la cour de Rome, on n'a aujourd'hui aucun souci des âmes, et qu'on ne s'y occupe que de guerres et d'intrigues 3.

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Nicolas III mourut à Suriano, près Viterbe, le 23 août 1280. Les mêmes discordes qui avaient précédé son élévation au pontificat se renouvelèrent après lui, et l'on vit encore une fois se prolonger durant six mois la vacance du saint-siège. Les mesures que ce pape avait prises afin de soustraire la cour apostolique aux menées de Charles d'Anjou se trouvèrent inutiles. Le roi de Sicile, à qui Nicolas III avait été hostile, ne craignit pas de recourir à la fois à la violence et à la perfidie pour provoquer l'élection d'un pontife qui fût dans ses intérêts. Il se rendit à Viterbe, lieu choisi pour l'élection, et réussit par ses manœuvres à soulever les habitants, qui, faisant irruption dans le palais épiscopal où était réuni le sacré collège, s'emparèrent de deux cardinaux de la famille Orsini et les retinrent prisonniers. Ceux de leurs collègues qui appartenaient comme eux au parti italien cédèrent à la crainte ou se

1. 30 novembre 1278. Raynald. eod. anno, no 38.

2. Voir un sermon prononcé par le pape Boniface VIII sur la canonisation de Louis IX, le 6 août 1297. Duchesne, Hist. Franc. script. t. V, p. 483, 484.

3. «De consilio autem dando, dico vobis quod bene sanum darem consilium, si essent qui me vellent audire; sed in romana curia his diebus parum aliud tractatur nisi de guerris et de truphis, et non de animarum salute. » Salimben. Chron.

A COUR DE ROME. T. II.

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laissèrent gagner par les promesses, et, le 22 février 1281, on élut un français, Simon, cardinal de Sainte-Cécile, le même qui jadis, à titre de légat, avait été chargé par Urbain IV de conclure avec Charles d'Anjou le traité définitif au sujet de la Sicile 1. A ce résultat avaient abouti les événements dans lesquels s'était engagée la papauté. Elle ne s'était délivrée des Hohenstaufen, dont elle redoutait la puissance, que pour retomber sous une autre main. Sacré, le 23 mars suivant, à Orvieto, où il devait passer presque tout le temps de son pontificat, le nouveau pape adopta le nom de Martin IV.

Ce pontificat offrit, comme celui de Nicolas III, un caractère tout politique. Sans chercher, ainsi que son prédécesseur, à annuler les droits de l'Empire en Italie et tout en paraissant même les reconnaître en une certaine mesure 3, Martin s'abstint également d'appeler Rodolfe en deçà des Alpes pour lui conférer les insignes impériaux. Mais si, par ce silence à l'égard de Rodolfe, il se rapprocha des vues de Nicolas III, il s'en éloigna totalement dans sa conduite avec le roi de Sicile. Plus dévoué à Charles d'Anjou que ne l'avait jamais été aucun de ses devanciers, il se laissa en quelque sorte diriger par ce prince et se fit l'auxiliaire de son ambition et le coo. pérateur de ses entreprises. Il avisa d'abord, sur sa demande, à lui rendre l'office de sénateur que lui avait ôté Nicolas III. A la mort de ce pape, une lutte avait éclaté à Rome entre les familles rivales des Orsini et des Annibaldi, qui prétendaient l'une et l'autre au gouvernement de la cité. Sous prétexte de mettre fin à des troubles qui n'étaient pas encore apaisés lors de son avénement, Martin réussit à se faire attribuer la dignité sénatoriale dans les conditions où l'avait obtenue son prédécesseur, avec la faculté de l'exercer par lui-même ou par un délégué. Comme la constitution de Nicolas III défen

1. Voir dans Raynald. anno 1281, n° 2, une lettre d'Honorius IV qui rappelle ces faits. Cf. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 558.

2. Pendant les quatre années que dura son pontificat, il ne parut pas à Rome.

3. Theiner, Cod. dipl. dom. temp. t. I, p. 251, 252, no 397.

dait d'y appeler un étranger, il cassa cette constitution. Il renforça ensuite le sacré collège d'un certain nombre de cardinaux favorables à Charles et dont quatre étaient français; après quoi, par une déclaration du 29 avril 1281, il notifia aux Romains que, pour tout le temps qu'il occuperait la chaire apostolique, il remettait au roi de Sicile les fonctions de sénateur, comme seul capable, disait-il, de maintenir la paix dans l'intérêt du saint-siège et du peuple 1.

Ce ne fut pas la seule faveur que Charles d'Anjou dut à la condescendance du pontife. Si Martin n'osa lui restituer le vicariat de Toscane, il lui confia, avec la garde militaire de la Marche d'Ancône et du duché de Spolète, celle de la Campanie et du Patrimoine de saint Pierre 2. Un des capitaines de ce prince fut même nommé comte de la Romagne3; et, bien que les traités antérieurs eussent stipulé que le roi de Sicile n'exercerait aucun pouvoir dans la péninsule en dehors de ses propres États, l'Italie centrale, depuis les frontières du royaume de Sicile jusqu'aux rives du Pô, se trouva en fait entre les mains des Français. Le pape donna à Charles une autre preuve de complaisance. Nicolas III, qui craignait un vassal trop puissant, avait détourné ce prince de se porter contre Constantinople, alléguant que les Grecs, par leur union avec le saint-siège, étaient devenus « enfants de l'Église.» Martin prétendit, non sans quelque raison, que cette union n'était qu'une feinte, et, sur les instances de Charles, le 18 novembre 1281, il publia une bulle par laquelle il frappait Michel Paléologue d'excommunication et défendait à qui que ce fût, roi, seigneur, ville ou commune, de faire

1. Voir cet acte dans Theiner, Cod. dipl. dom. temp. p. 248-251, no 395. La nomination des cardinaux est du 12 avril. Ptol. Luc. Hist. eccl. 1. XXIV, c. 3. Cf. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 559, 560.

2. « Electus (papa) senator urbis loco sui regem Siciliæ instituit, eligens de familia ejusdem regis in Viterbio existentis milites ad regendum tam Patrimonium, quam Campaniam, Marchiam et Ducatum. » Jordan. apud Raynald. anno 1281, no 14. Cf. Guil. de Nang. de Gest. Philip. III.

3. 26 mai 1281. Raynald. eod. anno, no 12.

4. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 561, 562.

5. Voir la lettre de Nicolas III, déjà citée, du 18 octobre 1278.

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