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prince, et que c'est de l'union des deux glaives que sortira le salut. Mais peut-être ce salut nous viendra-t-il par une autre voie; peut-être faut-il, pour que l'Église se purifie, que nous subissions encore de plus grands maux, soit que ces maux naissent de nouvelles discordes entre les princes, soit qu'ils nous soient apportés par le fer des Tartares ou celui des Sarrazins. 1 >>

On conçoit combien peu ces vœux de réforme devaient trouver d'écho dans une cour dont la conduite donnait lieu à des critiques aussi sévères. Loin qu'ils y fussent écoutés, la sage constitution que Grégoire X avait rendue sur l'élection des papes allait bientôt être abrogée. Divisés de nouveau, à la mort de Grégoire, entre les partis français et italien qui, avant son avénement, s'étaient disputé la prépondérance dans le sacré collège, les cardinaux ne semblèrent dès lors s'accorder que pour choisir des pontifes que leur âge avancé ou leurs infirmités destinaient à une prompte fin, et qui laissaient par cela même la voie ouverte aux ambitions rivales. C'est ainsi que trois papes se succédèrent dans la seule année où s'éteignit Grégoire. Dix jours après qu'il avait expiré, le 21 janvier 1276, les membres du sacré collège s'étant réunis en conclave à Arezzo selon la constitution de ce pontife, la majorité des suffrages se porta sur un cardinal d'origine française, Pierre de Tarentaise, évêque d'Ostie. Sacré à Rome, le 23 février, sous le nom d'Innocent V, il ne devait occuper que cinq mois la chaire apostolique 2. Ce fut assez pour qu'il prît des mesures qui déjà s'éloignaient, par certains côtés, de celles de son pieux prédécesseur. Alléguant que Rodolfe, contrairement à ses serments, avait envoyé des députés dans la Haute Italie revendiquer des droits sur quelques-uns des domaines qui appartenaient au saint-siège, non seulement il s'abstint de l'appeler à Rome pour y recevoir la couronne; il

1. Roger. Bac. Compendium studii, oper. p. 398-404, éd. Brewer. Ces pages étaient écrites sous Grégoire X et vraisemblablement sur la fin de son pontificat. Voir ibid. p. 414.

2. Voir Potthast, Reg. pontif. 21 janvier et 23 février 1276.

lui interdit de franchir les Alpes avant d'avoir fourni à l'Église romaine de plus amples garanties1. En même temps, il autorisa Charles d'Anjou, qu'il confirma dans sa dignité de sénateur, à conserver le vicariat impérial en Toscane 2. C'était de nouveau affaiblir l'Empire, sinon en Allemagne, du moins en Italie, et, en risquant de soulever un conflit entre Rodolfe et le roi de Sicile, mettre en péril l'oeuvre pacifique de Grégoire.

Innocent mourut le 22 juin 1276 à Rome. Se prévalant des fonctions que lui attribuait comme sénateur la constitution de Grégoire, le roi Charles tint les cardinaux étroitement enfermés au palais de Latran, dans le dessein non équivoque de peser sur leurs délibérations 3. Cette rigueur tourna contre ses vues, et l'on désigna, sous le nom d'Adrien V, un cardinal attaché au parti italien, Ottobone Fieschi, neveu d'Innocent IV. Mais celui-ci était presque moribond, et il alla expirer à Viterbe trente-huit jours après son élection 5. Enfermés encore une fois en conclave, malgré leur résistance, par les magistrats de Viterbe 6, comme ils l'avaient été à Rome. par Charles d'Anjou, les cardinaux élurent un autre de leurs collègues, Pierre Juliani, d'origine espagnole, qui adopta le nom de Jean XXI 7. Il garda le saint-siège huit mois, pendant lesquels il résida à Viterbe. Non moins favorable à Charles d'Anjou que l'avait été Innocent V, il lui laissa l'office de sénateur et le vicariat de Toscane, et, se fondant sur les raisons qu'avait alléguées Innocent, défendit également à Rodolfe. d'entrer en Italie . Il ne fut pas toutefois sans prêter quelque attention aux affaires de l'Église. Il envoya des nonces à Cons

1. 9 et 17 mars 1276. Theiner, Cod. dipl. dom. temp. t. I, p. 197, n° 350; p. 198, n. 352.

2. 2 mars 1276. Theiner, ibid. t. I, p. 197, n° 319.

3. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 538.

4. 11 juillet 1276.

5.18 août 1276. Voir, à cette date, Potthast, Reg. pontif.

6. Gregorovius, ibid. p. 539.

7. 8 septembre 1276.

8. Lettres de Jean XXI à Rodolfe, 16 novembre 1276. Theiner, Cod. dipl.

dom. temp. t. I, p. 198, 199. Cf. Potthast, Reg. pontif. no 21180.

tantinople demander à Michel Paléologue de confirmer les engagements souscrits au concile de Lyon par ses ambassadeurs1. Il parut aussi donner ses soins aux intérêts de la Terre sainte, en ordonnant de lever la décime exigée par Grégoire 2. Mais si, sur ces deux derniers points, il sembla se conformer aux intentions de ce pontife, il s'en écarta sur un autre, en publiant un décret qu'Adrien V avait préparé à la prière des cardinaux et qu'il n'avait pas eu le temps de promulguer; il suspendit, dans son exécution, la constitution de Grégoire relative au conclave 3.

Les conséquences de cette suspension furent telles qu'on pouvait les attendre. Jean XXI étant mort à Viterbe le 16 mai 1277, on vit reparaître les dissentiments qu'avait déjà provoqués la rivalité des deux partis qui divisaient le sacré collège. Ces dissentiments se prolongèrent d'autant plus, que les intrigues du roi de Sicile vinrent encore les accroître, et l'on retomba dans ces vacances du saint-siège dont Grégoire X avait cherché, par sa constitution, à empêcher le retour. L'interrègne pontifical durait depuis six mois, lorsque les citoyens de Viterbe, usant de violence envers les cardinaux, qui s'y trouvaient alors au nombre de huit, les enfermèrent dans le palais communal et les contraignirent de procéder à l'élection. Cette violence arrêta les discordes, et, le 25 novembre, le cardinal Jean Gaetano, de la puissante famille des Orsini et chef du parti italien dans le sacré collège, fut élu à la pluralité des voix. Le nouveau pape, qui prit le nom de Nicolas III, se rendit aussitôt à Rome, où il fut sacré le 26 décembre suivant. C'était, depuis Honorius III, le premier pape romain qui fùt monté sur le trône de saint Pierre; il devait l'occuper près de trois années. D'un esprit ferme et hardi,

1. 20 novembre 1276. Raynald. eod. anno, no 45.

2. 30 janvier 1277. Raynald. eod. anno, no 8.

3. Il avait notifié cette suspension dès le 30 septembre 1276. Raynald. eod. anno, nos 29, 30.

4. Chron. Parmens. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 541.

5. Annal. Placent. Gibell. Pertz, ss. t. XVIII, p. 569.

plus entendu toutefois aux choses du gouvernement qu'à celles de la religion et apportant sur le saint-siège les goûts profanes d'un grand seigneur, non seulement il ne poursuivit aucune des pensées de réforme qu'avait conçues Grégoire; il se laissa entraîner à des abus qui eurent pour effet de discréditer encore la cour de Rome. Aucun pape avant lui n'avait prodigué à ses proches, au degré où il le fit pour les siens, l'argent et les dignités de l'Église 1. C'est ce pontife que Dante, trop passionné, il est vrai, pour être toujours juste, devait plus tard placer dans son Enfer en lui faisant prononcer sur lui-même ces paroles accusatrices: « Fils de la Grande Ourse, j'ai voulu enrichir les oursins cupides, et pour cela j'ai englouti les richesses de la terre dans mes coffres et mon âme dans les Enfers2. »

Avec Nicolas III, la cour de Rome rentra ouvertement dans les voies politiques dont, sous le pontificat de Grégoire, elle avait paru s'éloigner. Aussi jaloux de la puissance temporelle du saint-siège que Grégoire l'était peu, l'une de ses premières mesures fut d'ôter à Charles d'Anjou la dignité sénatoriale. Afin de trouver un appui dans le sacré collège, il créa d'abord neuf cardinaux, dont sept italiens, parmi lesquels plusieurs étaient ses parents3. Il fit ensuite savoir au roi de Sicile que, les dix années pour lesquelles lui avait été conféré l'office de sénateur, étant sur le point d'expirer, il se préparât à résigner ses fonctions. Ce fut en vain que Charles essaya de faire revenir le pape sur sa résolution. Avant que ce prince, contraint enfin d'obéir, se fùt démis de son office, le pape, au mois de juillet 1278, publia une constitution par laquelle, rappelant les maux que les souverains de la maison de Souabe.

1. Nimis fuit amator suorum. » Ptol. Luc. Hist. eccl. 1. XXIII, c. 31. Gregorovius, loc. cit. p. 542.

2. Enfer, chant XIX.

3. 12 mars 1278. Memor, potest. Regiens. Murat. rer. it. al. t. VIII, p. 1141. 4. Lettre à Charles d'Anjou du 25 mai 1278. Raynald. eod. anno, no 71. Dans cette lettre, le pape lui mandait de résigner ses fonctions le 16 septembre suivant.

5. Gregorovius, ibid. p. 548, 519.

avaient autrefois causés à l'Italie, il décidait qu'à l'avenir et sous peine d'excommunication aucun empereur, roi, prince, duc, margrave, comte ou baron, ne pourrait exercer dans Rome, à temps ou à vie, les fonctions de sénateur, de patrice ou de capitaine du peuple; que les comtes et barons Romains seraient seuls exceptés de cette disposition, et que la durée de ce mandat, quel qu'en fût le titulaire, ne pourrait, sans l'assentiment du chef de l'Église, excéder une année 1. Par cette constitution, Nicolas avait surtout en vue d'empêcher que le gouvernement de Rome ne retombât aux mains d'un prince étranger; mais elle ne rendait pas ce gouvernement au saintsiège. Craignant d'exciter des troubles dans le peuple s'il se fùt attribué le droit de nommer le sénateur, il se concerta avec les nobles, qui dominaient alors la ville, et obtint que, par un semblant d'élection, on lui déléguât, pour sa vie durant, le pouvoir sénatorial. Il ne voulut toutefois l'accepter qu'en qualité de noble Romain, non en qualité de pape. Encore cut-il la prudence de ne pas l'exercer lui-même, et, avec l'adhésion des Romains, il remit le titre et les fonctions à son frère Mathieu Orsini. C'était par une voie détournée rétablir habilement à Rome, sinon l'entière autorité, du moins l'influence politique du saint-siège 2.

Il était sans doute surprenant que le chef de l'Église consentît à tenir du suffrage des Romains la magistrature sénatoriale, alors que les papes avaient toujours réclamé la souveraineté temporelle de Rome. Cette souveraineté, Nicolas la revendiquait expressément dans sa constitution. De mème que ses prédécesseurs, il lui assignait pour origine la donation de Constantin; mais il prétendait que, si ce monarque avait cédé cette souveraineté au représentant de l'Apôtre, ce n'était pas seulement parce qu'il jugeait indigne qu'un « empereur terrestre » régnât au même lieu où « l'empereur céleste » avait

1. 18 juillet 1278. Theiner, Cod. dipl. dom. temp. t. I, p. 216-218. Cf. ibid. p. 215, 216.

2. Gregorovius, Storia di Roma, t. V, p. 552-551.

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